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Kasabian

48:13

Kasabian - 48:13
Chronique Album
Date de sortie : 09.06.2014
Label : RCA
25
Rédigé par Julien Soullière, le 6 juin 2014
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Finalement, à bien compter sur nos doigts, trois ans à peine séparent les sorties de Velociraptor! et 48:13, mais tout porte à croire qu'une décennie au moins est passée par là. La preuve s'il en est que Kasabian ont marqué de leur estampille la scène indépendante britannique, et qu'un succès ne se bâtit pas toujours sur de seules chansons : en bons rois du marketing, Tom Meighan et Serge Pizzorno ont repris à leur compte l'image du rockeur arrogant, petit-bourgeois et volontiers machiste pour donner un peu plus d'épaisseur encore à leur univers, et s'assurer un avenir plus radieux que celui qui s'offre à la majorité des artistes d'ici et d'ailleurs, souvent incapables de s'inscrire dans la durée à l'ère implacable de l'hyper-choix. Armés d'un songwriter pas dénué de talent (Pizzorno) et d'un paquet de neurones bien faits, Kasabian se sont imposés au fil des années comme un groupe incontournable et déjà culte malgré sa relative jeunesse.

S'il faut leur reconnaître une chose, c'est d'avoir fait leur petit bonhomme de chemin sans s'interdire un peu de fraîcheur ici et là, utilisant tous les éléments à disposition de leur esprit malicieux pour accoucher d'albums pas toujours bien équilibrés, mais jamais dénudés de bonnes intentions, ni de bons titres d'ailleurs. Kasabian est un terreau fertile d'où poussent des morceaux souvent imparables, et si on ne les savait pas capables de telles prouesses, le désir infini de puissance et de gloire sans cesse exprimé par le groupe nous aurait tenus à l'écart depuis longtemps déjà. Au lieu de ça, c'est d'excitation qu'il est question à chaque sorti d'album, et c'est donc une fébrilité toute positive qui nous guide à l'heure d'insérer 48:13 dans notre lecteur.

Soyez rassurés, Kasabian ont toujours le melon. Il est seulement plus gros qu'à l'accoutumée (oui, c'est possible), et en un sens, la pochette hyper-clinquante choisie pour habiller l'album est plutôt bien vue. Le groupe a décidé de donner du grain à moudre aux pubeux en recherche de bandes sons pour leurs spots, et a bien pris soin de prendre la quatre-voies plutôt que le chemin de traverse. Au bout de la route, des titres puissants cousus main pour Wembley, et partie intégrante d'un plan bulldozer de conquête du monde (les indices étaient là, c'est vrai).
Cela s'annonce donc foutrement efficace en concert, reste que l'on flirte souvent avec le plaisir coupable. Ainsi, si Bumblebeee envoie du gros son, il s'acoquine avec un refrain indigeste que n'auraient pas sûrement renié Shaka Ponk. Plus loin, c'est un Doomsday aux accents de fête foraine qui nous met mal à l'aise en singeant plus que de raison Reverend And The Makers, et on ne parle même pas de Eez-eh, délire beauf parfaitement assumé que l'on rajoutera à nos playlists de soirée entre deux titres de Patrick Sébastien. La charge peut paraître virulente, mais la force de frappe gagnée ici l'a été au détriment du raffinement, de la sensibilité pop, et parfois toute cinématographique (on en retrouve quelques bribes néanmoins, merci les interludes) qui émaillaient West Ryder Pauper Lunatic Asylum et Velociraptor!, et on ne peut s'empêcher de trouver ça sacrément dommage. Comme quoi, un morceau peut emporter plus ou moins d'adhésion, selon qu'on l'écoute sur disque ou lors d'un concert, et il est en tout cas indispensable de savoir faire la part des choses.

Nous voilà donc quelque peu circonspects à ce stade, mais fort heureusement, la réalité ne mettra pas longtemps à nous agripper par le cou : oui, Kasabian savent toujours écrire. Pas des paroles, celles-ci étant généralement dignes d'une discussion de comptoir un soir de mariage, mais des morceaux d'une évidence assez folle et finement construits. Entêtant et gorgé de pluie fine, l'électronique Explodes nous renvoie ainsi de forte belle manière au premier opus du groupe, tandis qu'au bureau, on se prend à reprendre silencieusement le refrain de Stevie, complètement sous le charme de ce jouissif hymne rock 70's. Belles surprises également, la très épurée et folk S.P.S (piquée à Jet et chantée par un Pizzorno décidément omniprésent sur cet album), un Clouds teinté de surf-music (coucou les Stones Roses), ou dans une moindre mesure la charmante Bow, qui file droit mais manque d'un soupçon d'élégance. De quoi éclipser la poussive Glass, qui ne brille que par son refrain un brin mielleux, et se voit en plus de ça entaché d'un flow rap certes inattendu, mais surtout fort inapproprié.

Maintenant c'est sûr, les fauves sont lâchés. Kasabian souhaitent passer à la vitesse supérieure, emmenés par deux leaders qui jouent à fond la carte des superstars dont on aime à scander les noms dans les gradins, festivals, et salles du monde entier. Pour ce faire, les anglais ont donc choisi de s'orienter vers une musique franchement plus obscène, là où d'autres tendraient plutôt, album après album, à complexifier leur œuvre. C'est un parti-pris, ça n'est pas fait sans humour, mais l'exercice n'en reste pas moins limité. 48:13 sait se faire séduisant, nous fera clairement vibrer au détour d'une salle de spectacle (Eez-eh, Bumblebeee...), nous vaudra quelques meuglements et autres déhanchements sur le parquet bien lustré d'un appartement, mais reste globalement sur l'estomac. La chaudière s'apprête à exploser, et si on ne connaissait pas aussi bien nos gaillards, on mettrait bien un bon coup de pied dans le bouzin. Le problème ? Ils risqueraient d'aimer ça.
tracklisting
    01. (Shiva)
  • 02. Bumblebee
  • 03. Stevie
  • 04. (Mortis)
  • 05. Doomsday
  • 06. Treat
  • 07. Glass
  • 08. Explodes
  • 09. (Levitation)
  • 10. Clouds
  • 11. Eez-eh
  • 12. Bow
  • 13. SPS
titres conseillés
    Stevie, Explodes
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