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Enter Shikari

The Mindsweep

Enter Shikari - The Mindsweep
Chronique Album
Date de sortie : 19.01.2015
Label : Ambush Reality
3
Rédigé par Hugues Saby, le 14 janvier 2015
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Pauvre Rou Reynolds. En douze ans de carrière, il en a passé du temps à s'égosiller contre les maux de notre société occidentale. Sur leur dernier album en date, A Flash Flood Of Colour, il hurlait sa rage et son désespoir contre la voracité et l'individualisme du système capitaliste et financier mondial, et nous mettait en garde contre l'imminence d'une catastrophe écologique de grande ampleur. Ils en ont parcouru du chemin les excités de St. Albans depuis leur premier single Sorry You're Not A Winner, passant d'un post-core adolescent brutal et jouissif à un hardcore screamo mâtiné d'électro / dubstep, mais surtout conscient et politisé à outrance. Difficile en Angleterre d'interpeller le monde de la musique sur un sujet de société sans tomber tôt ou tard sur une interview révoltée de Reynolds et sa bande.

Sur The Mindsweep, on retrouve tous ces marqueurs de l'identité du groupe, poussés à un point tel qu'Enter Shikari a quasiment créé un genre à lui tout seul. Il a toujours été difficile et plutôt vain de tenter de caractériser leur musique en usant des étiquettes classiques (même si c'est ce qu'on vient de faire il y a quelques lignes à peine). Si leurs premiers morceaux portaient déjà en eux les germes du big bang à venir, ce sont vraiment les deux derniers disques qui ont breveté la formule. Deux cordes vocales hypertendues, des textes au rasoir (et souvent savoureux d'intelligence) qui feraient passer Zack de la Rocha pour un militant du Modem, et un savant mélange de hardcore académique avec des sons électroniques agressifs et fous furieux. Voilà en essence ce qu'on pourrait dire du son du groupe, même si une écoute vaut mieux qu'une longue description, qui ne ferait que s'approcher de la vérité. Sur The Mindsweep, Enter Shikari vont encore plus loin dans l'appropriation de leur propre style. Peut-être même un peu trop.

Dans le chaos, que dis-je, le gloubi-boulga qu'est cet opus en termes musicaux, une chose reste solide comme un roc : l'engagement politique du groupe. La première phrase du disque donne le ton : « This is an appeal ». Pendant la quarantaine de minutes que dure The Mindsweep, Rou ne relâche jamais la pression et fustige tout sur son passage, en premier lieu le capitalisme moderne et ses conséquences sur des millions de vies humaines, à grands coups de déchirements de gorge. Pour le reste, vous avez bien lu : gloubi-boulga. On l'a dit, le style de ce groupe est de n'en avoir aucun, du moins de les mélanger allégrement jusqu'à sonner comme personne sinon eux-mêmes. C'est bien le cas ici, mais le mélange tourne souvent à l'inaudible tant les Anglais passent du coq (pardon) à l'âne, troquant au passage le lyrisme caractérisé de ses précédents disques pour une emphase – pour ne pas dire une pompe – parfois désagréable. Si vous tendez l'oreille, vous entendrez même une citation de Prokofiev sur le dernier morceau du disque. Si. Allez, je suis sympa, c'est à 1:42. Plus étonnant, Enter Shikari font désormais une large place à des refrains pop taillés pour les stades, (comme sur le déroutant mais finalement habile The Last Garrison), voire à des ballades tranquilles, ou presque (Dear Future Historians), avec un piano mélancolique mais surtout... un hautbois, oui. Ces morceaux plus « tendres » sont loin d'être les plus inintéressants.

Au milieu de cette tempête, on arrive toutefois à remettre la main sur un fil rouge, un fil d'Ariane qui nous guide dans la tourmente. Enter Shikari n'oublient jamais leurs racines et décochent toujours des lignes hardcore mélodiques imparables à de nombreux moments de l'album, autant de ruptures dans ce continuum tourmenté et indéfinissable. Même si The Mindsweep va sans doute se révéler une expérience auditive difficile à vivre d'une traite ou à plusieurs reprises pour beaucoup d'entre vous, la sincérité musicale du groupe demeure touchante, et son engagement salutaire. Pauvre Rou Reynolds : vu comment 2015 a débuté, il n'a pas fini de s'époumoner.
tracklisting
    01. The Appeal And The Mindsweep I
  • 02. The One True Colour
  • 03. Anaesthetist
  • 04. The Last Garrison
  • 05. Never Let Go Of The Microscope
  • 06. Myopia
  • 07. Torn Apart
  • 08. interlude
  • 09. The Bank Of England
  • 10. There's A Price On Your Head
  • 11. Dear Future Historians...
  • 12. The Appeal And The Mindsweep II
titres conseillés
    The Last Garrison - Myopia - The Bank Of England
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