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Fat White Family

Songs For Our Mothers

Fat White Family - Songs For Our Mothers
Chronique Album
Date de sortie : 22.01.2016
Label : Without Consent
3
Rédigé par Olivier Kalousdian, le 18 janvier 2016
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22h00, le 13 novembre 2015. Les Fat White Family entament leur dernier concert en date à Paris, sur la scène de la Cigale. La veille, ils occupaient la scène du Grand Mix à Tourcoing, toujours dans le cadre du festival Les Inrock Philips. Un live qui se terminera en eau de boudin après que le guitariste, Saul Adamczewski eut décidé de soudainement quitter la scène au bout de deux titres. Il sera remplacé, mi-décembre 2015, par Dale Barclay de The Amazing Snakeheads et ce, jusqu'à prochain ordre. À cela, Lias Saudi avance des « raisons de santé », entre autres... Un argument qui prête à sourire quand on sait que Lias lui-même avoue être constamment sous speed ou acides pour tous ses concerts.
Après le succès d'estime remporté par leur premier opus, Champagne Holocaust, la nouvelle livraison de la bande à Lias Saudi était on ne peut plus attendue par qui a déjà eu la chance d'assister à une prestation live de cette dégénération Y issue du sud de Londres.

Songs For Our Mothers ne laisse aucun doute sur le style un brin provocateur qui avait arrosé leur public, dès 2012, d'un Is It Raining In Your Mouth? qui n'avait rien à envier au titre Les Sucettes de Serge Gainsbourg ou du très anti-conformiste Touch The Leather, brillamment vulgaire.
Passés du look hippie punk à des tenues martiales de mauvais goût surmontés de crânes rasés à blanc (quand les anglais prennent une décision, elle est collégiale), les Fat White Family continuent de jouer avec les symboles politiques et religieux pour mieux s'en affranchir. Dieu merci, à contrario de certains autres groupes politisés et sulfureux, la musique des Fat White Family n'a pas pris la direction fascisante que l'on retrouve, par exemple, chez les Slovènes de Laibach (pour ne citer qu'eux).

Moins détaillé, moins énergique et, pour tout dire, moins travaillé que son prédécesseur, Songs For Our Mothers surprend et semble, au premier abord, avoir cruellement manqué de sources d'inspiration. Heureusement, les sonorités hypnotiques et leur amour de la défonce qui continuent de hanter certains titres laissent encore planer au-dessus des Fat White Family cette fumeuse idée d'un monde déglingué et du psychédélique nihiliste, tendance Anton Newcombe...
Avant même sa sortie, le vidéo clip du premier single défrayait la chronique. Après le clip très post-adolescent (et très réussi) de Touch The Leather, Fat White Family ne pouvaient pas faire moins. Whitest Boy On The Beach – chanson de très bonne facture soit dit en passant – met en images la bande à Lias Saudi qui joue à s'auto-mutiler le tissu capillaire, vêtue d'uniformes kakis, de casquettes empruntées aux armées d'Europe de l'est et de rangers bien cirées, pour finir par jeter un des leurs dans un four (crématoire ?) dont il ne ressortira que des os et des cendres... Un exutoire de la haine pour mieux la dénoncer ? Selon les déclarations de Lias Saudi, c'est en tout cas ce qu'il faut y voir : « Songs For Our Mothers est une invitation, envoyée par détresse à danser sur le rythme de la haine humaine... ».

Malheureusement, et malgré des noms de chansons accrocheurs et provocateurs (Love Is The Crack, Duce, Lebensraum...) le reste de l'album est très inégal et n'atteint pas les attentes placées unanimement dans ce groupe par tout le landernau médiatique depuis deux ou trois ans. Des titres en forme de complaintes, vocales et musicales, lancinants et parfois rébarbatifs, car oubliant sur le bord de la route les rythmiques et les mélopées bien senties – même si noyées sous un déluge sonore – qui placent notamment Auto Neutron ou Cream Of The Young bien au-dessus de cette nouvelle galette.
Néanmoins, sachant que le plus grand talent des Fat White Family réside dans leurs prestations live et l'idée qu'ils s'en font, on peut espérer que des titres comme Hits Hits Hits ou Tinfoil Deathstar se transforment en interprétations épiques et un brin plus hallucinogènes que dans leurs versions studio. C'est d'ailleurs l'impression positive laissée par l'interprétation live du titre Satisfied (dont les textes mêlent la peur du sexe et les récits de Primo Levi), lors du festival des Inrock Philips sur la scène de la Cigale le 13 novembre dernier.

Signé sur leur propre label, Without Consent, et distribué par Fat Possum et [PIAS] Recordings, Songs For Our Mothers a été enregistré en Angleterre et au New Malden and Marcata Studios à New Paltz, upstate New York pour le titre Satisfied, co-produit par non moins que Sean Lennon. Un Sean Lennon qui participe déjà (ainsi que Yoko Ono) au side-project de Lias Saudi et Saul Adamczewski, The Moonlandingz.

Johnny Rotten écrivait, dans sa biographie, Rotten par Lydon : « Avec les Sex Pistols, nous dépassions les limites tout le temps (...) C'est incroyable les chose que vous obtenez si vous poussez le bouchon suffisamment loin ! ».
Nul doute que Fat White Family sont et restent de cette lignée d'artistes qui ont compris que la musique seule ne pouvait plus suffire ; Whitest Boy On The Beach à lui seul (titre joué depuis des lustres en live, mais qui se renouvelle ici dans une version haletante, à la Giorgio Moroder) vaut de se précipiter sur ce nouveau disque et conjugue, une fois de plus, l'esprit provocateur, le talent créatif et l'engagement politique du groupe. Une vraie gageure par ces temps.
tracklisting
    01. Whitest Boy On The Beach
  • 02. Satisfied
  • 03. Love Is The Crack
  • 04. Duce
  • 05. Lebensraum
  • 06. Hits Hits Hits
  • 07. Tinfoil Deathstar
  • 08. When Shipman Decides
  • 09. We Must Learn To Rise
  • 10. Goodbye Goebbels
titres conseillés
    Whitest Boy On The Beach - Hits Hits Hits - Satisfied
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