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Fat White Family

Serfs Up!

Fat White Family - Serfs Up!
Chronique Album
Date de sortie : 19.04.2019
Label : Domino Records
35
Rédigé par Olivier Kalousdian, le 17 avril 2019
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Quand DEVO ou The Gun Club (deux groupes souvent cités par Lias Souadi, leader de Fat White Family) officiaient à la fin des seventies, la notion de petite boîte et de catégorisation musicale existait déjà. Elle était sûrement beaucoup moins prononcée – et pour cause, puisqu'à l'époque, si un ou deux groupes émergeaient tous les ans, c'était déjà beaucoup! - mais elle abreuvait déjà les critiques rock et journaux spécialisés. L'embêtant, ou le plaisant, avec les galettes à la sauce Fat White Family, c'est qu'elles sont toutes d'une composition, d'une texture et d'une saveur différentes. De fait, les centaines de journalistes qui ont encensé la formation de Peckham depuis Champagne Holocaust se sont perdus en conjonctures : rock expérimental, rock psychédélique, rock indé... tout y est passé, sous les ricanements du groupe le plus taré du Royaume-Uni depuis 2011 ; ça, on en est sûr !

Cette fois-ci, Fat White Family ont peut être bien mérité leur qualificatif de groupe de rock expérimental. Dans le sens où ils s'aventurent dans des contrées où personne ne les attendait (sauf eux). Et même si l'iconographie ou le style vestimentaire (si tant est qu'ils en aient un) qui les accompagnent sont, chez eux, une ligne de démarcation et ont un atavisme puissant, et parfois contestable avec des groupes comme Laibach – l'ambivalence politique en moins – musicalement, Fat White Family sont des touche-à-tout qui ne font jamais la même chose deux fois.

Prise de guerre redoutable pour le label Domino Records (on leur souhaite d'ores et déjà bonne chance pour gérer les promos du groupe !), Fat White Family après plusieurs side-projects comme Insecure Men, Warmduscher ou encore The Moonlandingz sont enfin de retour trois ans après Songs For Our Mothers avec un troisième opus nommé Serfs Up!.
Que ce soit sur le plan de l'artwork du disque, des chants grégoriens (Tastes Good With The Money), des rythmiques électroniques lancinantes (Feet, Kim's Sunset, Fringe Runner) ou de la quasi-absence de guitares, souvent remplacées par des cordes sur ce nouvel opus, on est tenté de penser, sourire en coin, que le groupe s'est bien amusé en jouant à paumer ses fans de la première heure ; moins agréable serait l'idée qu'ils auraient subitement ressenti un faible pour l'électro-funk ou le tropicalisme, pourtant bien présents dans certains titres de l'album.

Masterpiece de ce troisième album, le titre Feet symbolise à lui seul cette nouvelle volte-face des Fat White Family. Avec une production léchée qui rappelle Alan Vega ou Ministry et son vidéo clip renvoyant à la célébration d'un octobre rouge dont la scénographie pourrait être attribuée à Jean-Paul Gautier et Jean-Baptiste Mondino, il perd totalement l'auditeur resté accroché à Whitest Boy On The Beach ou Auto Neutron. Pourtant, la géniale crasse du groupe se laisse découvrir au fil du titre et cet élan musical avant-gardiste pour Fat White Family renvoie, paradoxalement, au passé du groupe et à un de leur titre phare Touch The Leather. Dans une construction totalement inattendue, Feet est un titre envouteur et démoniaque dont l'alchimie flotte dans l'air sous les regards bienveillants de Leonard Cohen et Primal Scream.

Avec Baxter Dury en guest sur le titre Tastes Good With The Money (du « sur-mesure » !), le groupe originaire de Peckham a rédigé le carton d'invitation parfait. Un vidéo clip barré « so british » aux accents très prononcés des Monthy Python ou de Madness, période Our House, des chants grégoriens en ouverture qui ne laissent rien présager des accents glam-rock de la composition qui suit, que viennent illuminer la voix de Baxter Dury et les choeurs du groupe, en retour pour un titre qui malheureusement aura du mal à être transposé à la scène.

Hélas, on a beau creuser le sillon de la galette Serfs Up!, encore et encore, presser les bits pour en extraire tout son contenu, sa substance reste maigre, molle et peu entrainante. Le reste du disque est pour le moins inégal et difficilement pénétrable, même (et surtout) pour les amateurs de la première heure, à l'inverse de ses prédécesseurs. Les dix titres du tracklisting alignent dix tonalités différentes qui, pour certains, relèveront de l'évolution logique d'un groupe entrant dans sa phase de « maturité » et qui, pour d'autres, relèveront d'un douloureux manque de cohésion, voire d'inspiration. Et, surtout de cette énergie intense et pure à laquelle il nous ont biberonnés depuis leur naissance.

La promesse était belle, mais les actes sont décevants. Restent l'espérance, l'appétence, l'impatience, inaltérables de revoir la bande à Lias Saoudi embraser une scène (tout en nourrissant certains doutes quant à l'interprétation live de ce disque, souvent très axé électronica). Ce qu'il ne manqueront pas de faire dès le mois de mai en France dès le 31 mai au This Is Not A Love Song à Nîmes, puis le 13 juin sur la scène de l'Élysée Montmartre à Paris.
tracklisting
    01. Feet
  • 02. I Believe In Something Better
  • 03. Vagina Dentata
  • 04. Kim’s Sunsets
  • 05. Fringe Runner
  • 06. Oh Sebastian
  • 07. Tastes Good With The Money
  • 08. Rock Fishes
  • 09. When I Leave
  • 10. Bobby's Boyfriend
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    Feet - Tastes Good With The Money - When I Leave
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