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The Rolling Stones

Hackney Diamonds

The Rolling Stones - Hackney Diamonds
Chronique Album
Date de sortie : 20.10.2023
Label : Polydor
35
Rédigé par Pierre-François Long, le 22 octobre 2023
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C'est toujours avec une certaine appréhension que l'on découvre un nouvel album des Rolling Stones, partagé que l'on est entre la satisfaction (et hop) de voir que le plus vieux groupe de rock encore en activité est encore capable de produire du neuf, et la crainte d'écouter un album qui n'ajoutera rien à la légende, voire qui l'écornera un peu. Premier élément de nature à rassurer l'auditeur : la durée de l'album. Douze titres, quarante-huit minutes, voilà une bonne nouvelle. Car depuis Voodoo Lounge, les albums studios des Stones dépassent allègrement les soixante minutes, ce qui a pour conséquence que les quelques bons titres qu'ils contiennent sont noyés au milieu d'une masse de chansons nettement plus insipides, même s'ils étaient néanmoins revenus à une durée classique pour leur album de reprises Blue & Lonesome et ses quarante-deux minutes.

Le disque démarre donc par le premier single dévoilé, Angry, et il faut bien le reconnaître après de multiples écoutes : malgré des faiblesses évidentes – solo indigent de Richards, une dernière minute un peu en roue libre où on a l'impression que le groupe ne sait pas trop quoi faire –, ce titre fait le boulot en tant que single. Le riff d'intro, la morgue (légèrement autotunée) de Jagger, le petit accord mineur au milieu du refrain... Y'a pas à mégoter, c'est bien foutu.
Angry est le premier des trois titres pour lesquels le producteur Andrew Watt est crédité comme co-compositeur avec le tandem Jagger-Richards, les deux autres titres suivant dans la foulée. Get Close se tient plutôt bien, avec une rythmique pêchue et un refrain qui, sans révolutionner la musique, rentre instantanément dans la tête. En revanche, il faut vraiment beaucoup tendre l'oreille pour entendre Elton John et son piano, et on pourra aussi tiquer sur un solo de saxophone à l'extrême limite du kitsch. Depending On You flirte avec les Stones sirupeux des années 90-00, mais évite de tomber dedans grâce à un refrain assez réussi mélodiquement. Changement radical d'ambiance avec le fameux Bite My Head Off, et son invité à la basse, un certain Paul McCartney. Jagger évoque ce morceau comme étant sous influence punk, on est même quasiment sur un plagiat du Liar des Sex Pistols sur certains passages. Il n'empêche, le titre est extrêmement efficace, surtout dans sa partie instrumentale et les soli de Macca sur sa basse fuzz et de Richards, qui, enfin, s'arrache un peu. Whole Wide World qui suit sonne beaucoup comme du Jagger solo, mais il faut reconnaître le savoir-faire du bonhomme, ça s'écoute bien, malgré un refrain vraiment ultra calibré pour les radios américaines et des soli de guitare efficaces.

Vient ensuite la petite pépite Dreamy Skies. Nous revoilà du côté de Exile On Main Street, et plus précisément pas loin de Torn And Frayed à laquelle cette ballade fait furieusement penser. Il n'y a rien de nouveau sur ce titre, mais c'est tellement bien troussé, avec les deux voix de Jagger et Richards s'emmêlant comme dans le temps, une partie de slide guitar de Wood du meilleur effet, un pont avec l'accord mineur de rigueur (voilà qui rappelle New Faces sur Voodoo Lounge), un petit harmonica... Les Stones qu'on aime, assurément.
Mess It Up, c'est le plaisir coupable par excellence. Plaisir déjà de réentendre pour la première fois depuis de le début de l'album Charlie Watts derrière les fûts – et ça s'entend immédiatement, avec cette frappe très au fond du temps. Plaisir ensuite d'entendre un refrain que certains pourront qualifier de putassier, mais qui, pourquoi le nier, est ultra efficace et tape là où il faut. Si tournée il y a en 2024, nul doute que Mess It Up figurera en bonne place dans les setlists. Live By The Swords a, sur le papier, tout ce qu'il faut pour plaire : retour de la section rythmique historique Watts/Wyman pour la première fois depuis 1989 sur un album studio, les quatre cinquièmes des Stones historiques réunis donc, un Elton John qu'on entend cette fois distinctement avec sa frappe si caractéristique... mais ça tourne à vide. Il manque une mélodie digne de ce nom à laquelle se raccrocher. Tiens, ils ont mis un remix de Tumbling Dice dans l'album ? Ah non, vérification faite, c'est en fait Driving Me Too Hard, pas désagréable mais totalement en pilotage automatique et à oublier. Enchaînement avec le morceau obligatoire de Keith Richards, Tell Me Straight. Plutôt un bon cru, avec une production assez intéressante, et la voix inimitable du bonhomme.
Sweet Sounds Of Heaven, dévoilée plusieurs jours avant la sortie de l'album, confirme son statut de plat de résistance de celui-ci. Un espèce de gospel bancal, rappelant par certains moments le I Got The Blues présent sur Sticky Fingers, avec une splendide montée en puissance progressive et l'arrivée successive de Lady Gaga, des cuivres, et enfin de Stevie Wonder. Même si le titre n'est pas exempt de défaut – la coda avec Wonder n'était peut-être pas indispensable – c'est peut-être bien le meilleur titre des Stones depuis Out Of Control, soit depuis près de vingt-cinq ans.Là encore, en concert, ça peut être grandiose.
Et puis, pour terminer tout ça, Jagger et Richards jouent tous les deux Rolling Stone Blues, le morceau de Muddy Waters qui a donné son nom au groupe. Il y a quelque chose de profondément touchant d'entendre ces deux hommes d'un âge plus que respectable jouer la chanson qui, il y a plus de soixante ans, a changé leur vie, et par ricochet celles d'un grand nombre d'autres terriens. On notera la production volontairement roots, avec un écho monstrueux sur la voix et l'harmonica de Jagger.

Et voilà donc ce Hackney Diamonds terminé. Alors ? Est-ce un chef d'œuvre de la trempe de Let It Bleed ou Sticky Fingers ? Evidemment QUE non, et il serait vain d'attendre de Jagger et Richards, à leurs âges respectifs, de retrouver la veine créatrice qui les a fait marcher sur le toit du monde sur la période 68-72. Est-ce un ratage comme les Stones en ont pondu ces quarante dernières années, du style de Undercover, Dirty Work ou Bridges To Babylon ? Non plus, car l'album s'écoute agréablement, comporte certes des plantages, mais aussi d'excellents titres.
Finalement, Hackney Diamonds est peut-être bien le meilleur dernier album que les Rolling Stones pouvaient enregistrer, notamment avec cet ultime titre en forme de clin d'œil à leurs débuts. N'oublions pas la moyenne d'âge de Jagger, Richards et Wood, et que de voir ces septuagénaires et octogénaire continuer de créer ce type de musique est déjà une très bonne surprise . Et puis, soyons honnêtes : le jour où nous apprendrons qu'il ne pourra plus y avoir de « nouveau Stones », ça nous fera tout drôle. Alors profitons-en.
tracklisting
    01. Angry
  • 02. Get Close
  • 03. Depending On You
  • 04. Bite My Head Off
  • 05. Whole Wide World
  • 06. Dreamy Skies
  • 07. Mess It Up
  • 08. Live By The Sword
  • 09. Driving Me Too Hard
  • 10. Tell Me Straight
  • 11. Sweet Sounds of Heaven
  • 12. Rolling Stone Blues
titres conseillés
    Bite My Head Off, Dreamy Skies, Mess It Up
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