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The Rolling Stones

Paris, Hippodrome ParisLongchamp - 23 juillet 2022

Live-report par Jordan Meynard

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Les Rolling Stones lâchent les chevaux à Longchamp ! Les légendes du rock se produisaient ce samedi 23 juillet à Paris après un premier concert en France au Groupama Stadium de Lyon, quatre jours plus tôt. Ces deux dates prennent place dans le cadre de la tournée Sixty voyant le groupe fêter ses 60 ans de carrière. Pour rappel, l'acte de naissance du groupe est fixé à leur première scène ensemble, en juillet 1962, au Marquee à Londres. Cinq ans après leur dernier passage à Paris, où ils avaient pendu la crémaillère de la « plus grande salle de spectacle d'Europe », la U Arena, Jagger et sa bande ont retrouvé l'hippodrome de ParisLongchamp, situé dans le Bois de Boulogne, où ils avaient déjà livré un concert d'anthologie en 1995 sous des pluies diluviennes.

Ce weekend, il n'en est rien. Le soleil et la chaleur sont au rendez-vous tout comme les 55 000 chanceux ayant obtenu leur précieux sésame pour assister au (dernier ?) concert français de l'un des derniers groupes survivants d'une époque révolue. L'impatience se fait sentir, ce qui permet au public de s'attarder longuement sur un décor aux couleurs vives (jaune, noir et rouge) taillé pour épouser les courbes des fameuses « hot lips » créée par John Pasche en 1970.

20h30. C'est Ayron Jones qui a été choisi pour assurer le rôle, parfois ô combien ingrat, de première partie. Riffs de guitare explosifs, voix rocailleuse et... c'est à peu près tout. Si la scène rock de Seattle nous a offert de grands noms tels que Pearl Jam, Nirvana ou Jimi Hendrix, Ayron Jones peine à convaincre le public avec ses compositions. Sa reprise de Voodoo Child (Slight Return) ne fera qu'accentuer le contraste de créativité avec son propre répertoire, mais ne manquera pas de tenir éveillé son parterre d'invités. Le chanteur américain fait ce qu'il peut, mais semble aussi esseulé que son état. Pas facile d'ouvrir pour des légendes, le cadeau est empoisonné, la performance poliment saluée.


21h30. L'ambiance change du tout au tout lorsque les lumières s'éteignent pour laisser apparaître sur les écrans géants le visage de Charlie Watts, batteur originel du groupe décédé en août dernier. Formé au jazz, son jeu métronomique et sa frappe subtile ont permis de transformer des chansons en œuvres d'art. L'hommage est fort, touchant, d'autant plus quand Jagger dédiera un peu plus tard le concert du jour au « Silent Stone » : « Charlie nous manque tellement, nous voudrions lui dédier ce concert ». Les fans n'ont pas le temps de se remettre de cette séquence émotion que retentit le riff de Street Fighting Man de la Fender Telecaster de Keith Richards. Mick Jagger, Keith Richards, Ron Wood et Steve Jordan (remplaçant de Watts) débarquent sur scène sous les applaudissements du public. Malgré le COVID-19 qu'il avait attrapé en juin, Mick Jagger semble être dans une forme olympique au même titre que les autres septuagénaires qui composent le groupe. Car le miracle des Stones est bien d'être toujours là, à jouer avec un plaisir évident ce rock nourri de blues et de soul, d'une sensualité inaltérable, dont ils sont à jamais les dépositaires. L'interprétation rageuse de l'oldie 19th Nervous Breakdown et Tumbling Dice ne fait que le confirmer. L'étalage de leurs plus grands succès ne fait que commencer, mais est immédiatement stoppé par une reprise de Like A Rolling Stone, texte le plus célèbre du sacralisé Bob Dylan, désormais monnaie courant dans le show des Stones.


Entre deux chansons, Mick Jagger en profite pour discuter un peu avec ses fans français, leur livrant quelques anecdotes surprenantes. « Vous savez comment je suis arrivé ici cet après-midi ? Je suis venu en vélo avec Anne Hidalgo ! ». Cette phrase immédiatement prononcée, dans un français impeccable, provoque les huées d'une partie du public, comme en attestent des vidéos diffusées sur les réseaux sociaux. On apprendra un peu plus tard dans une nouvelle confession que lors du dernier passage de Jagger à l'hippodrome, celui-ci avait perdu 1000 euros aux paris hippiques.

Après avoir démarré pied au plancher, les Anglais ralentissent le rythme avec Out Of Time, qu'ils ont joué pour la première en live à Lyon quelques jours plus tôt depuis sa sortie en 1966, et Wild Horses, dont les paroles écrites par Keith Richard ont été corrigées pour parler de la relation entre Jagger et Marianne Faithfull. Pas le temps de se relâcher avant de déchaîner les foules sur You Can't Always Get What You Want. Living In A Ghost Town, dernier inédit des Stones sorti 2020, est dispensable, mais introduit le mythique Honky Tonk Women. Jagger chante bien à nouveau, là où il s'était mis un peu à ahaner, fort de ses courses épuisantes qu'il n'arrivait plus à gérer jusque-là. Le frontman renoue avec la grâce de son jeu scénique légendaire tout en mouvements fluides et déhanchements suggestifs. Le groupe semble puiser une énergie collective dans cet inattendu bain de nostalgie, comme s'ils y retrouvaient leur vertigineuse intemporalité.

Mick Jagger quitte la scène et Keith Richards prend le microphone pour deux chansons (You Go The Silver et Happy). Le temps se suspend pour offrir à Richards l'hommage qu'il mérite au côté de son complice guitariste Ronnie Wood. S'il ne fait pas partie des membres fondateurs, la longévité de ce dernier au sein des « pierres qui roulent » cumulée à son capital sympathie font de lui un des chouchous du public. Leur moment de complicité et les sourires échangés auront définitivement raison de l'assistance. Et c'est avec Miss You que Mick Jagger revient, plus séduisant que jamais, pour la dernière partie de ce concert. Wood et Richards transpercent la nuit de leurs guitares tranchantes, à l'occasion d'un Midnight Rambler étiré spécialement pour l'occasion et fougueux à souhait. A contrario, Paint It Black, qui est toujours un des meilleurs morceaux joués sur scène, est joliment expédié. Allez savoir pourquoi...


Start Me Up poursuit ce karaoké géant, mais on a un peu mal pour Richards, dont les solos sont poussifs et écourtés. L'interprétation de Gimme Shelter fait la part belle Sasha Allen, la choriste du groupe, qui quitte son bloc de scène spécialement pour l'occasion. Il s'en suit un duo épique entre la jeune femme et celui qui a mis tout le monde d'accord ce soir, je vous le donne en mille : Mick Jagger ! La chanson se termine sur des images d'une ville en ruine, vestiges de la guerre militaire qui fait actuellement rage en Ukraine. La célèbre « tongue » apparaîtra aux couleurs (bleu et jaune) du grenier à blé de l'Europe sous les applaudissements du public. Il ne reste plus après qu'à dérouler avec Jumpin' Jack Flash pour terminer ce concert et le tour est joué.

Mais c'était sans compter sur le traditionnel rappel pour clôturer cette incroyable soirée. Après une première partie de show à se faire plaisir, les Stones vont finir en faisant du fan service avec Sympathy For The Devil et (I Can't Get No) Satisfaction, repris par tout le public, pour clôturer leur campagne française. Il y avait beaucoup de générosité à l'hippodrome de ParisLongchamp et un vibrant parfum de nostalgie. L'euphorie retombe immédiatement lorsque Richards, Wood et Jagger s'avancent sur le catwalk pour saluer les milliers de personnes venues les applaudir. En effet, la tourmente nous gagne jalonnée par l'incontournable question : « Et si c'était la dernière fois ? ». Les voir partir de dos, le bras en l'air en guise de dernier salut, n'a pas arrangé les choses, mais nous sommes rattrapés par le bonheur d'avoir pu assister à cet éventuel adieu.

En 1967, Paul McCartney chantait When I'm Sixty-Four et la peur de vieillir, nous sommes ravis de voir que ses rivaux de l'époque aient atteint cet âge en années de carrière pour le faire mentir. Le rock n'est pas mort, il fallait être là pour le croire.
setlist
    Charlie Watts Tribute
    Street Fighting Man
    19th Nervous Breakdown
    Tumbling Dice
    Like A Rolling Stone (Bob Dylan cover)
    Out Of Time
    Wild Horses
    You Can't Always Get What You Want
    Living In A Ghost Town
    Honky Tonk Women
    You Got The Silver
    Happy
    Miss You
    Midnight Rambler
    Paint It Black
    Start Me Up
    Gimme Shelter
    Jumpin' Jack Flash
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    Sympathy For The Devil
    (I Can't Get No) Satisfaction
photos du concert
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