logo SOV

The Twilight Sad

Interview publiée par jOe le 16 mai 2007

Bookmark and Share
Ce soir, The Twilight Sad, jeune formation alliant la furie du post-rock à des compositions pop, sont à Paris pour un concert à la Flèche d'or. Leur album sort en France le jour même et je fais la rencontre de leur bassiste, Craig Ozel, un grand dadais souriant et loquace. Son accent écossais à couper au couteau et son franc parler sont en totale inadéquation avec son physique de gentil barbu à lunettes. Avant de commencer l'interview, on discute musique. Il me parle de The Fall. Longtemps. C'est sa formation préférée à en juger par ses connaissances sur le sujet. On commence à dériver sur David Bowie et là, je sens que je risque de ne jamais m'arrêter. Je le ramène au sujet qui nous intéresse, à savoir son groupe, et c'est avec un vrai enthousiasme (communicatif, de surcroît) qu'il se livre sur sa jeune éxperience de la vie d'artiste musical...

Le public français ne vous connais pas encore. Comment appréhendez vous le concert de ce soir ?

Oh, tu sais, on est connus à peu près nulle part (rires). Donc ce soir je pense que ça va être vraiment sympa. On a joué nos plus gros concerts à Glasgow des samedi soir devant deux cent personnes. C'est probablement le public le plus important qu'on ai eu jusqu'à présent. Donc on est toujours très heureux de jouer devant un public nouveau, aussi clairsemé soit-il.

Sur le site de votre label, Fat Cat Records, vos premiers concerts sont décrits comme très expérimentaux. Mais aujourd'hui vous venez défendre un album à la structure plus pop. Votre approche du live a-t-elle changée depuis votre passage en studio ?

Un aspect aide l'autre je pense. Et puis ces fameux premiers concerts à Glasgow en fait il n'y en a eu que trois. On a eu la chance d'être signés très vite et de partir aux Etats-Unis dans la foulée. Pour en revenir à ta question, avant on développait nos chansons sur de longues plages assez contemplatives. Maintenant on essaye d'aller droit au but, de jouer des choses plus immédiates. De toute manière quand tu enchaînes six semaines de tournée c'est quelque chose que tu ne peux pas te permettre, expérimenter chaque soir pendant des heures... A nos débuts on organisait tout. Stratégiquement. On pesait chaque décision quand à la direction à donner aux morceaux. Maintenant on se prend moins la tête, c'est trop de fatigue pour un résultat souvent inécoutable.
En studio, évidemment on se permet de rajouter des pistes de guitare, on met des effets partout et on expérimente pas mal mais en concert c'est juste nous quatre et le public. On fait parvenir une vision différente de nos morceaux et c'est ce qui fait tout l'intérêt de la scène, je pense.
Et puis il y a aussi une question de budget dans tout ça. On s'en tient à une formation guitare, basse, batterie et chant car si on rajoute des choses on prend plus de risques. C'est cher une tournée loin de chez soi! Si on perd du matériel, si on le casse on qu'on nous le vole il faut le remplacer. Ce qui veut dire qu'on aura moins d'argent pour se loger ou manger ou même payer l'essence!

Grâce à votre label vous avez effectivement eu l'opportunité de jouer aux Etats-Unis alors que votre album n'était même pas encore dans les bacs. Avez vous vécu ça comme un privilège ?

Oui, on n'est pas très connus au Royaume Uni, on est plus un groupe américain pour le moment. C'est effectivement un privilège. Tu sais, il y a un territoire absolument énorme à couvrir en Amérique. C'est très étrange. Si tu conduis vers le sud pendant huit heures en partant de chez nous, à Glasgow, tu te retrouves avec ta voiture dans la mer alors que si tu fais pareil aux Etats Unis il y a de fortes chances pour que tu sois toujours dans la même ville! (rires) C'est donc finalement assez frustrant. Tu ne peut te fixer à rien, tu manques de repères. On restait assis dans notre van pendant des jours, roulant de nulle part à n'importe où. C'est très... très étrange. C'est tout le temps comme ça là bas : les groupes vont en cercle tout autour du pays et jouent et rejouent sans arrêt dans l'espoir d'avoir enfin un article dans un journal musical.

Justement, beaucoup de groupes composent sur la route. N'est ce pas une atmosphère propice à l'écriture de nouveaux morceaux ?

Ecrire sur la route peut être une bonne idée car ça t'empêche de d'ennuyer et le voyage peut t'apporter pas mal d'idées mais une fois de retour au studio tu te dis : Mais c'est de la merde cette chanson! (rire). On abandonne souvent le idées qu'on a eues sur la route. Au mieux on se dit « Tiens c'était pas mal ça mais ça serait mieux si on le faisait comme ça ». Et fait les idées sur la route sont souvent incomplètes. Et puis les albums écrits entièrement sur la route je n'y crois pas trop. Regarde REM, leur album Adventures In Hi-Fi a été entièrement écrit sur la route et on ne peut vraiment pas dire que ce soit leur meilleur disque. Ce n'est pas le pire mais tu as l'impression que les idées ne sont que survolées et que rien n'a été creusé réellement. Je crois qu'un album écrit sur la route vieillit plus vite car il est fait d'idées spontanées mais périssables.

Vous avez longtemps travaillé seuls vos compositions mais pour l'album vous avez sollicité le producteur Peter Katis qui a travaillé avec des groupes comme Mercury Rev ou Interpol. Comment l'avez vous rencontré et comment s'est passée votre collaboration ?

En fait c'est un ami du boss de notre label, Adam Pierce. Ils ont formé un groupe dans les années 80, les Philistins Junior. C'était du hardcore 80's mec, j'te raconte pas! Ca nous a permis d'obtenir un super prix d'ami pour la production (rires). En gros Adam est venu nous voir et nous dit « Bon, Pete Katis est enthousiaste à l'idée de produire votre album ». Alors nous on s'est dit « Ok, te toute façon Phil Spector est en prison, Rick Rubin a perdu l'oreillen alors Pete Katis va devoir s'y coller. Ok on fait avec ! » (rires). L'enregistrement c'était le bonheur. Il habite dans une espèce de manoir gigantesque dans lequel sont entreposés des instruments d'une valeur que j'ai même du mal à m'imaginer. Je n'avais jamais vu autant de materliel High Tech d'un seul coup. Son studio était rempli de tables de mixage de dix mètres de long, des écrans plasma géants, des centaines de speakers et surtout des canapés en cuir et des chambres grand luxe pour se reposer quand ça devenait trop dur d'être des artistes (rires).
Sérieusement Pete Katis est un mec génial. On pouvait passer du temps avec lui à enregistrer un morceau puis il nous disait : « allez dans la salle d'arcade vous changer les idées pendant que je mixe le morceau » et ensuite on ne le voyait plus pendant deux heures et il revenait avec notre chanson et c'est comme si on l'entendait pour la première fois ! C'était une sacrée expérience.

Une salle d'arcade ?!

Et oui ! Le pied complet pour un nerd. J'y passais un temps fou à jouer à Pac-Man, Donkey Kong, ect... Mais c'était pour me ressourcer, hein ! (rires)

Vous avez développé un paysage musical assez personnel entre vos premiers concerts et cet album. Quel est votre mode de composition ?

Alors... Au départ on a commencé en se disant qu'on allait faire les choses « différemment ». On va essayer plein de choses étranges et voir ce que ça donne. C'était un processus d'écriture assez long et épuisant autant physiquement que psychologiquement. Alors au bout d'un moment on s'est dit: « Et si on laissait le guitariste composer les chansons et le chanteur écrire les paroles, puisque de toute façon c'est ce qu'ils passent leur temps à faire? Comme ça après nous on rajoute la rythmique et on passe en studio ». Et c'est finalement ce qu'on fait.

Les paroles arrivent en dernier ?

Oui. Le chanteur vient poser ses paroles sur le morceau fini. Les compositions font partie de ses sources d'inspiration. Ca peut prendre du temps car parfois on change la structure d'un morceau après l'arrivée des paroles et ça chamboule tout. Mais c'est comme ça: tu te rends compte que certaines idées ne valaient rien qu'après une période de digestion.

Les paroles parlent beaucoup de l'enfance et du passage difficile de l'adolescence à l'âge adulte...

Oui, c'est un thème récurent. Le titre de l'album Fourteen Autumns & Fifteen Winters y fait d'ailleurs clairement référence. Ce sont des mots qui sont assez personnels pour notre chanteur, j'aurais du mal à t'en parler plus explicitement car je ne mets jamais mon nez là dedans. C'est son rayon à lui. Mais là il est en vadrouille dans Paris à la recherche de substances illégales. Moi, comme tu le vois je tourne à l'eau. J'ai arrêté de fumer et de boire depuis notre signature avec le label. Comme ça il se font un peu moins de cheveux blancs.

Comment les gens réagissent-ils à l'album jusqu'à présent ?

Bien. Très bien même. C'est assez étrange quand quelqun vient te voir et te dit: « Hey, j'ai acheté ton album, j'aime beaucoup ». J'ai envie de dire: « Quoi ?! Qu'as-tu fait malheureux ? C'est pas possible! »... et puis je me dit qu'en fait, oui, on a enregistré un album alors que ça doit être normal que des gens l'achètent. Plus sérieusement je pense qu'on a eu beaucoup de chance. On a joué trois concerts et on a été signés tout de suite. On a enregistré notre album dans un studio de folie, un des plus chers en Ecosse. On a passé quelques jours en enregistrement chez Pete Katis, on a tournée aux USA. On a été des grands veinards. Evidemment il y a eu des moments difficiles, des périodes de doute. Mais pas autant que les autres groupes, il faut voir les choses en face. Mince, c'était quoi déjà ta question ? (rires)

Les réactions autour de vous...

Ah oui, les réactions. Très bonnes, vraiment. L'album sort aujourd'hui en Angleterre, en France aussi je crois. Et puis avec un peu de chance des milliers d'américains vont se ruer sur l'album et on pourra en enregistrer un deuxième au plus vite. Ce ne sont que des bonnes nouvelles pour le futur. En ce moment on plante les graines pour plus tard. On ne compte pas rester le groupe d'un seul album. On en fera deux, trois, plein peut-être !

Le public doit vous adorer au Canada ?

Oui on a joué trois fois là bas et les gens sont incroyables. Notre musique les touche mais ce n'est pas seulement ça. C'est une vraie mentalité. Ils ne viennent pas au concert en essayant de comprendre, ils viennent ressentir. Pas du tout comme aux Etats-Unis. Les américains se compliquent vraiment les choses et du coup c'était dur pour nous aussi. Ils veulent tout comprendre. C'est difficile à expliquer... Mais au Canada c'est très différent. Leur relation avec la musique semble couler de source, c'est très naturel.

Certains journalistes vous comparent avec The Arcade Fire. Comment est-ce qu'on prend ça au sein du groupe ?

Je ne sais pas pour les autres mais on ne va pas s'en plaindre vu que c'est un groupe génial. Mais tu sais on ne s'imaginait pas qu'on allait échapper à la règle alors on prend bien les comparaisons. C'est toujours pareil quand un nouveau groupe débarque on cherche à qui le comparer pour faire plus facilement comprendre de quoi il s'agit ou pour créer des sortes de clans. On s'en fiche un peu mais on est contents d'être comparés à des groupes de qualité. Parfois un jeune groupe à besoin d'un coup de main. Alors si ce coup de main prend la forme d'une comparaison avec Arcade Fire, ça nous convient parfaitement. On nous a même comparé à U2, tu sais ?

Oui, moi-même je l'ai fait, le U2 des débuts !(rires)

Ah bon ?! Et bien, tu vois ! C'est peut être parce que je ressemble à Larry Mullen (le bassiste de U2 ndlr). Ca fait forcément plaisir ce genre de comparaisons. J'adore les premiers U2. C'est flatteur, mais je ne pense pas qu'on leur arrive à la cheville. Moi je suis un grand fan de The Fall et on ne nous a jamais comparé à eux alors que c'est une de mes plus grosses influences. Tu essayeras d'y penser pour le prochain album ?

Ok ! Maintenant que l'album est enregistré et que la tournée est bien avancée quels sont vos projets ?

Oula, on n'en a pas fini avec cette tournée ! Là on joue pas mal en Europe. Cet été on a quelques festivals de prévus, on fait le Pitchfork aux Etats Unis et des festivals au Royaume Unis. C'est cool car on reste sur toute la durée des festivals en général. C'est cool, ça nous permet de découvrir de nouveaux groupes ou d'assister à des concerts de gens qu'on admire. Ce serait le rêve de jouer au Reading Festival ou à Glastonbury un jour. Ce genre d'événement, quand tu en fait parti ça doit être énorme et galvanisant. Et puis il y a des bruits qui courent selon lesquels notre label aurait prévu de nous mettre dans un canon et de nous envoyer au Japon. Ca serait génial mais ce n'est pas encore confirmé. Et puis voilà, maintenant nos chanson ont quelque chose comme deux ans d'âge donc on commence à avoir de nouvelles choses à exploiter. Mais on a le temps. Avant ça il est prévu une réédition de tous nos premiers maxis. Je ne sas pas encore si on va les réenregistrer ou s'ils seront simplement remixés mais on ne devrait pas tarder à le faire savoir. C'est sympa parceque ça va permettre aux gens qui aiment ce que nous faisons aujourd'hui de découvrir une facette différente de Twilight Sad.