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Day One

Interview publiée par Fab le 2 novembre 2007

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Sept années d'absence n'auront pas eu raison de Day One : Phelim Byrne et Donni Hardwidge, de passage à Paris afin de promouvoir leur second album, s'entretenaient récemment avec nous à propos de cette longue absence et de la génèse de Probably Art...

Je suppose que cette question vous est sans cesse posée, mais pourquoi revenir après plus de sept années d'absence ?

Phelim : Beaucoup de choses se sont passées depuis la sortie d'Ordinary Man en 2000... on a donné beaucoup de concerts suite à ce premier album mais tout est devenu très compliqué lorsqu'il a été question d'enregistrer son successeur. L'industrie de la musique était arrivée à un tournant à cette époque et je pense qu'on a en quelque sorte été les victimes de cette évolution. La direction prise par notre maison de disques de l'époque, Virgin, ne nous convenait pas et après une très longue réflexion ainsi que de nombreuses discussions notre contrat a été rompu. Ce fut une vraie désillusion pour nous... pas musicale ni artistique mais plutôt d'un point de vue humain. Notre relation avec l'industrie musicale s'est brisée à cet instant. On a donc pris du recul vis à vis de tout cela mais on a jamais perdu contact avec Mario Caldato qui avait produit Ordinary Man et avec lequel on a choisi de travailler à nouveau pour notre second album. A un moment donné il nous a vraiment poussé à prendre un nouveau départ, à aller en studio pour enregistrer nos nouvelles chansons et en faire un disque. C'est ainsi qu'est né Probably Art...
Donni : Le plus dur pour moi a été d'accepter l'idée que Virgin ne convenait plus au groupe et qu'il fallait partir... se retrouver ainsi sans attaches et aucune structure pour publier notre musique a été très dur à vivre. La vie ne s'est pas arrêtée pour autant mais tout est revenu à la normale d'une certaine manière. On a cherché du travail afin de pouvoir payer les factures mais on n'a jamais cessé de travailler tous les deux sur de nouvelles chansons. Il n'y avait plus personne derrière nous et on a donc pu se concentrer sur ce qui était le plus important : la musique. Mais sans Mario Caldato, je ne sais pas si Probably Art aurait pu voir le jour.

La rupture avec Virgin a donc été une vraie libération pour vous ?

Donni : Absolument ! On a vécu beaucoup de choses à l'époque de notre premier album, de très bons moments avec des gens sincères mais aussi une période noire durant laquelle tout n'a pas été facile. On ne pouvait simplement pas continuer à travailler avec une maison de disques qui ne voulait pas de nous, il nous fallait vraiment prendre de la distance avec tout cela afin de pouvoir retrouver un certain contrôle artistique. On a donc attendu longtemps avant de rencontrer les bonnes personnes avec qui travailler et sortir à nouveau des disques. On est entrés en contact avec One Little Indian il y a environ neuf mois et on a vite compris qu'on pourrait travailler avec ce label sans craintes.

N'avez-vous jamais craint que l'histoire de Day One puisse finalement être terminée ?

Donni : Les gens l'ont peut-être pensé en apparence mais on ne l'a jamais perçu ainsi. On n'a certes sorti aucun disque pendant quelques années mais on a toujours conservé une certaine forme d'activité au sein du groupe, il n'a jamais été question de la moindre pause ou séparation. On a continué à travailler sur de nouvelles chansons, on y consacrait même deux journées complètes chaque semaine, et tout cela nous a permis de progresser dans l'écriture et la construction des chansons. On ne voulait pas d'une major derrière nous en attente d'un disque, on cherchait juste à prendre du plaisir en jouant de la musique.
Phelim : Tout aurait été beaucoup plus difficile si l'inspiration nous avait quitté à un moment ou un autre, mais heureusement cela ne s'est jamais produit. Tout ce qui nous importait c'était de conserver un fonctionnement cohérent dans notre processus créatif. Rien ne nous a jamais rendus plus heureux que de pouvoir travailler en paix sur notre musique et c'est la seule chose à laquelle on aspirait. On n'a jamais baissé les bras, peut-être parce que cette passion commune pour la musique nous a toujours maintenu unis.
Donni : Au final on a quand même réussi à enregistrer un nouveau disque et à le sortir en Europe avec l'aide d'une bonne maison de disques. On se prépare même à partir à nouveau en tournée prochainement et c'est le point sur lequel on travaille énormément depuis quelques semaines pour trouver de bons musiciens qui nous accompagneront. Les concerts vous nous permettre de boucler la boucle qui a débuté lors de l'enregistrement de Probably Art.

Ce disque a tout d'un nouveau départ pour vous après une si longue absence...

Donni : On a longtemps pensé que tous nos anciens fans nous avaient oublié mais ce n'est pas le cas ! En discutant avec certaines personnes on réalise maintenant que parmi ceux qui avaient acheté Ordinary Man il y a sept ans tous n'ont pas oublié le groupe ! Ils ont attendu de nos nouvelles tout ce temps, en espérant qu'un disque sorte un jour ou l'autre. C'est vraiment très gratifiant de voir qu'on est encore capable d'attirer l'attention de ceux qui nous ont aimé il y a si longtemps.
Phelim : Notre retour est à lui seul un vrai motif de satisfaction. On a disparu pendant des années mais on a quand même réussi à trouver l'énergie nécessaire à l'écriture puis l'enregistrement d'un nouvel album ! C'est vraiment fabuleux de pouvoir revenir de cette manière et de sentir un certain soutient derrière le groupe.

Le monde de la musique a beaucoup évolué ces dernières années, notamment à travers le développement d'Internet... pensez-vous réussir à trouver à nouveau votre place au milieu des autres groupes ?

Donni : Je pense qu'aussi longtemps qu'on arrivera à écrire de bonnes chansons et à sortir des disques sincères on pourra trouver une place. Le style et la mode ne font pas tout, il faut aussi pouvoir composer de la musique de qualité et c'est ce qu'on s'évertue à faire depuis des années. On n'essaye pas de copier les artistes qui vendent des disques à notre époque, ce n'est pas notre rôle ni notre aspiration.
Phelim : D'un point de vue artistique il n'y a rien de pire que d'essayer de rentrer dans le moule pour obtenir une certaine reconnaissance. Le public n'est pas dupe, il est capable de sentir lorsqu'un groupe est intègre dans sa démarche musicale. On sait où on va, on sait ce qu'on veut créer musicalement et on fera tout pour suivre cette ligne directrice.

Probably Art est sorti dans un premier temps au Japon il y a près de deux ans, pourquoi ce choix ?

Donni : Cette sortie était un test, à la fois pour le disque mais aussi pour nous. Un ami de Mario Caldato possédait un petit label dans ce pays et il nous a encouragé à presser quelques centaines de copies afin de voir quelle serait la réaction du public... Encore une fois, ce n'était qu'un test car la version finale du disque est celle que tout le monde peut trouver en Europe maintenant. Il y a une évolution importante entre ces deux disques car la première version n'était pas achevée, elle nous a simplement permis de prendre un nouveau départ. On a pris plus d'une année pour travailler les points importants et parvenir à l'enregistrement d'une version finale qui corresponde à nos envies.

N'est-ce pas un peu étrange pour vous de faire de la promotion pour des chansons écrites il y a quelques années ?

Donni : Les chansons ont peut-être été écrites il y a quelques années mais le disque en lui-même n'est prêt que depuis quelques mois. Ce n'est pas un problème pour nous car on a pu faire grandir et évoluer les chansons avec le temps... si on avait composé un disque de musique électronique le problème aurait sans doute été différent car le son aurait mal vieilli.
Phelim : Je pense que le point à retenir est que l'on ne crée pas notre musique pour une période donnée mais plutôt pour qu'elle puisse vivre sur la durée. On veut que le public puisse écouter nos disques dans dix ans et prendre autant de plaisir que maintenant. C'est en tout cas de cette manière que je perçois notre songwriting.

Vous avez donc choisi de signer chez One Little Indian il y a quelques mois, comment ce label vous a-t-il convaincu ?

Donni : Après avoir sorti la version japonaise de l'album on a décidé qu'il était temps de se concentrer sur le reste du monde. On a alors contacté la branche américaine de One Little Indian et le courant est très bien passé entre nous. Peu de temps après on a donc signé un contrat portant sur la sortie de nos trois prochains disques. On a tellement attendu avant de pouvoir publier Probably Art qu'on a pu accumuler un grand nombre de nouvelles chansons plus ou moins terminées, et il est certain qu'il ne faudra pas attendre très longtemps avant qu'on décide de sortir un nouveau disque. On a quand même beaucoup réflêchi à propos du choix de notre maison de disque car c'est un paramètre qui va conditionner la suite de notre carrière. On avait besoin de trouver des personnes en qui avoir confiance tout en conservant le contrôle sur l'aspect artistique de Day One.
Phelim : D'autres labels nous ont contacté quand le contrat avec Virgin a été rompu mais aucun n'avait réussi à nous convaincre totalement. Ce choix a été un motif d'inquiétude et de stress pendant de longs mois car on savait qu'il était impossible de sortir un nouvel album sans structure. On ne voulait pas revivre le cauchemar qui avait suivi notre premier disque.

Après une si longue absence, de quelle manière pensez-vous avoir évolué musicalement ?

Donni : C'est une chose compliquée à décrire mais on a toujours gardé en tête qu'il fallait évoluer pour ne pas enregistrer deux fois le même album. Lors de la sortie d'Ordinary Man puis des tournées qui ont suivi on a en quelque sorte découvert le métier de musicien, tout cela était vraiment nouveau pour nous. On était jeune et on ne savait pas trop où on allait mais cette expérience a été très utile. Pour notre troisième album on essayera d'aller encore plus loin dans nos idées.
Phelim : Concernant le processus d'enregistrement du disque en lui-même, l'exigence qu'on avait pour Ordinary Man était bien moindre que celle qu'on a pu avoir pour Probably Art. Nos objectifs étaient moins importants à nos débuts mais par la suite on a vraiment su comment prendre les choses en main et aller de l'avant pour construire le disque dont on rêvait. Mario Caldato a été impliqué dans le disque très tôt, avant même la fin de l'enregistrement, et il nous a accompagné du début à la fin pour nous conseiller. On est même partis avec lui à Los Angeles pour produire le disque cette fois-ci.
Donni : On a beaucoup tâtonné lors de l'enregistrement d'Ordinary Man. On avait beaucoup d'idées pas toujours très structurées et il fallait donc trouver une certaine forme de continuité et une méthode de travail. On avait donc déjà tout cela en place pour Probably Art, ce qui a rendu l'enregistrement plus simple, mais on a perdu beaucoup de temps à cause de tous les problèmes évoqués précédemment.

Le fait que vous soyez plus âgés maintenant qu'à l'époque du premier album vous a-t-il inconsciemment amené à traiter de sujets différents à travers les paroles des chansons ?

Phelim : Le recul que notre absence nous a poussé à prendre nous a permis d'expérimenter un nombre incalculable d'idées et d'aborder l'écriture d'une nouvelle manière. Je crois que le disque reflète cela. Le monde est en mouvement perpétuel et la musique évolue de la même manière. En vieillissant notre perception de la vie et de ce qui nous entoure a changé, et avec du recul on perçoit le passé différemment et on peut utiliser cela par la suite. Le passé est derrière nous et il faut apprendre à vivre avec, c'est ainsi qu'on peut aller de l'avant et faire de nouvelles choses.

Sur cet album vous avez encore une fois utilisé de nombreux instruments différents... l'expérimentation est-elle pour vous un élément impératif dans la vie du groupe ?

Donni : C'est cela qui nous permet de relancer sans cesse notre vie artistique ! On ne décide pas d'enregistrer un disque rock, hip-hop ou même punk, on décide d'enregistrer de la musique sous la forme d'un disque. On aime évoluer dans des environnements différents pour jouer avec différentes choses, même si on est conscient que le public aime pouvoir classifier les groupes qu'ils aime. Ca ne nous empêche pas d'expérimenter sans cesse dans de nouvelles directions car c'est notre passion. En tant qu'auditeur j'aime découvrir des disques variés avec une certaine prise de risque, c'est cela que je recherche chez un nouvel artiste.
Phelim : On tomberait dans la facilité si on décidait un jour de ne plus jouer avec les sons. On pourrait le faire, et je ne veux pas critiquer ceux qui font ce choix, mais ça ne nous ressemble pas en tant que musiciens. On a trop d'influences différentes pour changer de mode de fonctionnement.

De nombreux artistes, à l'image de The Streets, ont suivi votre modèle ces dernières années. Pensez-vous avoir été en quelque sorte des précurseurs ?

Donni : Je pense qu'à l'époque on était simplement différents de la majorité des groupes.. mais on n'a rien inventé. Je me souviens que lors de la sortie d'Ordinary Man les disquaires ne savaient pas dans quel rayon le ranger ! Ce n'était pas un problème pour nous, on est juste un groupe de plus avec une sensibilité à la musique assez différente. J'ai lu des interviews d'artistes qui n'hésitaient pas à dire que notre premier album les avait encouragés à expérimenter plus qu'ils ne le faisaient déjà et c'est quelque chose de vraiment très flatteur mais ces personnes ne nous doivent rien, on a juste joué la musique qu'on voulait jouer.

Que doit-on attendre de vous par rapport à votre prochain disque ?

Donni : Comme je l'ai dit précédemment on a toujours continué de travailler ensemble et c'est grace à cela qu'on a encore beaucoup de démos non utilisées. Et on continue de le faire sans cesse ! On n'a pas encore choisi une direction à suivre pour la suite de notre carrière et c'est pour cela que tout est si excitant. Notre seule aspiration est de poursuivre notre carrière pendant longtemps encore...