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Maxïmo Park

Interview publiée par Fab le 11 mai 2009

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De passage à Paris afin d'assurer la promotion du nouvel album de Maxïmo Park, Paul Smith et Duncan Lloyd nous accordaient une demi-heure de leur temps afin d'évoquer la génèse de Quicken The Heart. Une rencontre sincère et chaleureuse durant laquelle les deux anglais reviennent sur la genèse de ce troisième effort studio...

Vous voici de retour au mois avec un nouvel album, Quicken The Heart, pouvez-vous m'en dire plus sur la manière dont vous avez travaillé sur ce disque ?

Paul : En 2008 nous avons d'abord voulu prendre du temps pour nous plutôt que de partir en tournée constamment. Nous adorons les périodes durant lesquelles nous jouons pour de nouvelles personnes tous les soirs mais c'est un mode de vie vraiment fatigant et il était important de pouvoir prendre un peu de recul pour revenir ensuite avec la même envie. Cela nous a donc permis de redevenir des personnes ordinaires au contraire de ce que nous avons la chance de vivre lorsque le groupe est actif.

Pour cet album, vous avez donc choisi de prendre votre temps plutôt que de précipiter les choses ?

Paul : Nous n'avons effectivement pas cherché à capitaliser sur le succès de nos précédents disques pour tenter de toucher un public large. Nous sommes retournés auprès de nos familles et nous avons écrit les nouvelles chansons quand bon nous semblait. C'est l'une des libertés que le fait d'être signé chez Warp Records nous apporte, personne ne nous pousse à travailler dans l'urgence sous des prétextes commerciaux. Cela ne nous a pas empêché de donner quelques concerts l'année passée, principalement dans des pays que le rythme habituel des tournées nous pousse à éviter, comme l'Australie par exemple, mais aussi une petite sélection de festivals.

A quel moment avez-vous senti que l'enregistrement du disque pouvait commencer ?

Paul : La plupart des chansons ont été enregistrées au mois d'octobre puis nous avons pris une période assez longue pour mixer le disque comme nous le souhaitions. Cette étape a été plus complexe que prévue car il nous était impossible de rester plus longtemps à Los Angeles, là où le disque avait été enregistré, et nous avons donc travaillé à distance avec Nick Launay. Il travaillait sur les chansons pendant que nous dormions et nous lui donnions ensuite nos avis sur le résultat, ce qui ne rendait pas les échanges très rapides. Une fois le disque prêt, au mois de décembre, nous avons commencé à accélérer le temps avec la mise en place de notre nouveau site officiel, la création de l'artwork... tous les petits détails faisant qu'une sortie est réussie ! Pour l'industrie du disque, il est évident que notre retour a été long à se mettre en place !

Duncan, tu as ainsi profité de ce laps de temps pour publier son premier album...

Duncan : Ce n'était pourtant pas prévu ! J'écris régulièrement des chansons de mon côté et j'ai réalisé un jour que deux options s'offraient à moi : soit les soumettre au groupe pour le prochain album de Maxïmo Park, soit les publier immédiatement d'une manière ou d'une autre. Notre manager et ma famille m'ont encouragé à transmettre mes démos au fondateur de Warp Records, Steve Becket, et il a évoqué l'idée que je les sorte sur son label. Je n'avais aucune pression ou attente particulière, c'était juste une belle opportunité pour moi. J'ai donc enregistré les versions finales des chansons chez moi et le disque est sorti. Cette liberté m'a permis de réfléchir différemment à ma façon de composer, de manière sans doute plus instinctive. Sans cela, je ne crois pas qu'une chanson comme The Kids Are Sick Again serait ce qu'elle est actuellement. J'ai ainsi pu laisser derrière moi une partie de mon passé afin de me consacrer à de nouvelles choses avec Maxïmo Park.

Le cap des premiers albums est souvent délicat à traverser pour la plupart des groupes, comment avez-vous donc vécu celui de Quicken The Heart ?

Paul : Je pense que notre second album est celui qui nous a posé le moins de problèmes. Tous les groupes cherchent à faire leur preuve le plus rapidement possible et à se faire une place, et nous n'y avons pas échappé. Lorsque nous avons commencé à tester les premières idées de chansons pour Quicken The Heart, rien ne semblait fonctionner comme il le fallait. Nous avons donc fait une pause pour discuter tous ensemble du problème et trouver des solutions. Pour la première fois depuis longtemps il nous a fallu prendre du temps pour trouver les bons réglages et ne pas foncer tête baissée. Durant l'enregistrement de Our Earthly Pleasures nous avions plus d'idées qu'il ne nous en fallait réellement, nous voulions vraiment faire nos preuves et nous ne manquions pas d'inspiration. Le regard du public sur le disque joue également un rôle dans ce processus. Pour un premier album il n'existe aucune attente particulière alors que pour le second un groupe est le plus souvent supposé suivre la même orientation musicale et être à la hauteur de sa réputation. L'échec n'est pas envisageable.
Duncan : Quoiqu'une personne en dise, elle attend souvent d'un groupe qu'il crée à nouveau ce pour quoi elle l'a apprécié au départ. Nous n'avons pas tenu de compte de ce type de considérations, pas plus que des modes qui sévissaient lors de l'enregistrement en studio. La guitare et le clavier conservent toujours la même importance dans notre musique. Lorsque nous avons choisi de travailler avec Gil Norton à une époque, c'était principalement à cause de ce qu'il avait créé avec les Pixies ou Sonic Youth, le genre de groupes que nous écoutions durant notre jeunesse. Notre raisonnement a été le même pour Quicken The Heart, nous avons pris les décisions qui nous semblaient les meilleures pour nous-mêmes, pas pour la presse ou le public.

Pour cet album il semblerait que vous ayez effectué une sorte de retour aux sources avec un son plus direct que sur Our Earthly Pleasures, était-ce une volonté affichée de votre part ?

Paul : Pas vraiment, non. Nous voulions enregistrer un album différent du second tout comme nous voulions que le second le soit du premier. Notre marge de manoeuvre n'a jamais été très grande car ma manière de chanter est la même d'un disque à l'autre tout comme nos instruments sont les mêmes. Nous ne sommes pas des musiciens possédant une grande technicité mais ce n'est pas une excuse pour reproduire encore et toujours les mêmes idées. Our Earthly Pleasures nous avait permis d'étudier une perspective un peu différente mais je crois que le concept avait été poussé jusqu'au bout, sans doute grâce à Gil Norton qui est un vrai perfectionniste, et il nous était donc impossible de poursuivre dans la même voie avec Quicken The Heart.
Musicalement, la basse et la batterie ont été réduits à leur minimum pour laisser le champ libre à la guitare et aux claviers... ces deux instruments ont donc eu plus de libertés que jusqu'à maintenant. Nous n'avons pas cherché à devenir My Bloody Valentine en proposant un son plus dense, mais c'est malgré tout une certaine évolution pour le groupe. Nous avons utilisé des sonorités plus expérimentales et psychédéliques sur certaines chansons, ce que peu de gens auraient pu prévoir à l'écoute de notre premier album par exemple. Le retour aux sources concerne donc plus le besoin d'avoir fait le strict minimum pour obtenir des chansons de qualité, sans chercher à utiliser des artifices non nécessaires.
Duncan : Ce changement a été plutôt perturbant pour notre batteur Tom au départ. Il cherchait lui même à faire évoluer son jeu dans une direction différente avec une approche parfois plus légère et moins rythmée. Alors que nous lui demandions jusqu'à maintenant de jouer vite et fort, il lui a fallu trouver une certaine subtilité.
Paul : Cet album est sans doute la meilleure représentation de ce que la musique de Maxïmo Park est dans la vie réelle, sur une scène face à un public.

Vous avez suivi une voie plus dansante sur certaines de vos nouvelles chanson, c'est assez surprenant de votre part...

Paul : C'était purement instinctif. Je pense que le public se trompe généralement sur notre mode de fonctionnement. Nous écrivons les chansons comme nous le souhaitons et tant mieux si le résultat plaît ou est conforme à ce que les gens attendent ! Même si nous n'avions encore jamais retranscrit cela sur nos disques, nous aimons les groupes capables d'intégrer des éléments plus dansants à leur musique, comme Franz Ferdinand l'ont toujours fait par exemple. Lorsque Our Earthly Pleasures est sorti, la presse ne jurait que par la nu rave mais je ne nous imaginais pas prendre le train en marche et nous avons au final obtenu un disque avec une allure plus classique. Ce n'est donc qu'au moment du troisième album, lorsque nous avons cherché à produire quelque chose de nouveau mais qui corresponde aussi à nos goûts, que nous avons écrit des chansons possédant une sorte de groove naturel.
Duncan : Je n'ai emmené aucune de mes guitares avec moi à Los Angeles lorsque nous sommes allés enregistrer cet album. J'avais dans l'idée de jouer avec des instruments différents pour obtenir un son lui aussi différent. Je voulais en réalité essayer tout ce que je n'avais encore jamais testé avec le groupe. Je faisais en quelque sorte ma quête du Saint-Graal ! [rires]

Une sorte de remise en question ?

Duncan : Je cherchais plutôt une manière de me renouveler. Je voulais faire sonner la guitare comme un clavier la plupart du temps, et même comme une scie pour certains passages plus rythmés. Lorsque les pistes enregistrées ont été rassemblés il m'arrivait même de ne plus distinguer la guitare du clavier et inversement par instant. Tout se mélangeait, comme dans une oeuvre d'art, pour obtenir une certaine atmosphère.

Vous avez choisi de travailler avec le producteur Nick Launay sur ce disque après avoir écouté le dernier album de Nick Cave And The Bad Seeds. Pour quelles raisons ?

Paul : Nous aimions beaucoup les sons qu'il utilisait. Pour Let's Get Clinical par exemple, la version initiale était une chanson rock très basique mais le résultat final est très surprenant. Cette métamorphose est liée aux suggestions de Nick... lorsqu'une personne comme lui propose des idées qui s'avèrent judicieuses, les écouter s'avère très bénéfique. Il n'a pas non plus complètement dirigé Lukas aux claviers mais il proposait des pistes, des encouragements, des directions... Même la dernière chanson du disque, I Haven't Seen Her In Ages, qui est pourtant dépouillée et simple, n'aurait sans doute pas été aussi réussie sans la participation de Nick. Tom, notre batteur, était très méfiant par rapport à sa simplicité, mais il a été guidé comme il le fallait pour adapter son jeu.
Duncan : Pour In Another World (You Would've Found Yourself By Now), la version finale de la chanson est là aussi très différente. Il fallait avoir l'idée de répéter durant toute la chanson une boucle de quelques notes seulement sans chercher à aller plus loin. Lukas a utilisé un sampler en studio pour l'enregistrer, je préfère ne pas imaginer quel sera le résultat en concert ! [rires]
Paul : Nous nous sommes poussés nous-mêmes à aller plus loin… mais sans aller trop loin. Notre précédent album était plus dramatique mais pour celui-ci je pense que nous montrons une image plus relaxée de nous-mêmes. C'est ainsi que nous sommes réellement mais peut-être que si notre état d'esprit change dans un ou deux cela se répercutera sur d'autres chansons.
Duncan : Quicken The Heart nous ressemble, c'est un disque simple et direct qui s'oriente vers une direction un peu différente. Au final cela peut sembler un peu étrange mais c'était le but recherché. Je pense qu'il nous a fallu deux albums pour vraiment prendre confiance en notre potentiel mais le résultat est là maintenant.

Comment avez-vous vécu le fait d'enregistrer cet album dans une ville comme Los Angeles ?

Paul : Je ne dirais pas que la ville a eu une influence directe sur l'album mais plutôt qu'elle nous a servi de catalyseur pour atteindre notre but. Nous étions installés en banlieue et même si notre but principal était d'enregistrer des chansons, nous ne manquions pas de distractions... l'envie d'aller visiter les environ, de profiter de la piscine à notre disposition, tout cela a rendu l'environnement autour de nous très sain et nous a permis de travailler de manière plus relaxée. Que nous allions à Londres, comme pour nos deux précédents disques, ou à Los Angeles, le résultat est le même : nous nous sentons en vacances ! Certaines personnes voient Quicken The Heart comme un disque sombre alors d'autres le pensent très enjoué, mais je préfère le voir comme un disque coloré et chaleureux.
Duncan : Lorsque nous étions à Los Angeles nous sommes allés à un concert de No Age et leur attitude nous a marqués. Ce sont de jeunes gens avec beaucoup d'entrain et nous avons cherché à nous inspirer d'eux.
Paul : Pouvoir vivre à Los Angeles durant quelques temps a été une expérience marquante pour moi. C'était un nouveau mode de vie que nous avons retranscrit sur l'album, même si sans cela l'aspect groovy et relaxant aurait été tout autant mis en avant.

A l'écoute du disque et de votre manière de le percevoir, le choix de « Quicken The Heart » en tant que titre était donc parfaitement logique pour vous ?

Paul : « Quicken The Heart » est d'abord une phrase extraite des paroles de Wraithlike. La chanson en elle-même traite de l'écriture et le refrain se concentre sur les pensées du compositeur... D'une certaine manière je pense qu'elle représente mon mode de pensées. Ces « wraithlikes » (ndlr : apparitions) sont parfois inattendues et provoquent des accélérations du rythme cardiaque ou de l'excitation. C'est aussi une métaphore sur la fin d'une relation amoureuse : une fois seul, il ne reste que le fantôme de la relation, des choses qui n'existent plus. The Kids Are Sick Again est de la même manière très autobiographique, je repense à ma jeunesses et à toutes les choses que j'ai laissées en suspens. Il reste toujours une part de mystère par rapport aux moment passés dans la vie. Ce sont ces mêmes souvenirs qui font battre mon coeur plus rapidement lorsque je me les remémore. Nous jouons de la musique pour apporter quelque chose à ceux qui nous écoutent et les expériences décrites dans ce disque sont celles de la vie de tous les jours, n'importe qui est susceptible de les vivre à son tour. Les émotions sont tout simplement universelles.