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The Dustaphonics

Interview publiée par Maxime Delcourt le 13 septembre 2012

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Être présent sur un festival est toujours une chose très enrichissante. Nous tenons pour exemple notre passage aux Nuits Secrètes où nous avons profité du week-end pour rencontrer The Dustaphonics, dont le premier album (Party Girl) est sorti en novembre dernier dans une discrétion qui confine à l’injustice.
Pour nous rattraper, nous adoptons le même dispositif que France Télévision durant les Jeux Olympiques de Londres en interviewant Yvan Serrano (aka Dj Healer Selecta, producteur, guitariste et tête-pensante des Dustaphonics) dans le van du groupe. L’occasion de découvrir les visions, envies et expériences d’un homme un brin mégalo mais bourré de talent.

Comment a débuté The Dustaphonics ?

Tout a débuté en Angleterre alors que je faisais une compilation du Raison d’Être, c’est-à-dire que je travaillais sur des enregistrements live d’artistes que j’avais programmé. J’étais en studio pour mettre tout ce travail sur disque et à la fin, alors qu’il me restait deux ou trois heures, je suis resté avec le technicien son et nous avons testé quelques trucs qui ont abouti sur The Dustaphonics, en 2004. Nous avons signé sur Freestlyle Record et c’est devenu, plus ou moins, un projet live-music basé sur mon travail de DJ. Toutefois, puisque nous souhaitions que le projet soit plus rock, j’ai décidé de séparer mes deux projets distinctement : je me suis dit que, d’un côté, Healer Selecta serait mon projet DJ, et de l’autre, The Dustaphonics serait mon projet rock. Tout cela a évolué avec différents musiciens jusqu’au line-up actuel. Aujourd’hui, ça fait à peu près deux ans que nous sommes ensemble.

Tu dis que c’est plutôt un projet live à la base. A quel moment vous êtes-vous sentis prêts pour enregistrer l’album ?

En fait, j’ai enregistré l’album avant parce qu'une actrice, Tura Satana, décédée depuis, m’avait demandé d’écrire la musique pour son film. Nous avons donc enregistré l’album avant d’être un groupe live (rires). Ensuite, nous avons réécrit quelques chansons en gardant ce même esprit live.

Comment se déroule l’écriture et l’enregistrement des chansons ?

Au niveau de l’écriture, je dirige toute la musique, les arrangements, les sons et la production. Je compose la plupart des musiques, des mélodies et des débuts de paroles. Ce n’est que par la suite que je demande à d’autres personnes avec qui je travaille d‘écrire le reste des textes avec moi. Ça reste un travail d’équipe, c’est quelque chose qui se fait à plusieurs. C’est comme ça aussi que je vois la musique, à plusieurs et pas chacun dans son coin.

Un peu plus d’un an après sa sortie, es-tu toujours aussi fier de Party Girl ? Est-ce que les chansons ont évolué ?

Les chansons sont vivantes donc elles évoluent. D’abord parce que Kay est arrivée et qu’elle apporte beaucoup de choses. Ensuite parce que chaque personnalité que j’intègre dans les Dustaphonics amène avec elle quelque chose de personnel et propose toujours quelque chose de nouveau au son du groupe. Alors, oui, ce n’est pas toujours le même batteur ou le même bassiste, mais c’est toujours la même musique.

Votre musique est un mélange de plusieurs styles (rockabilly, soul, punk rock...), comment définirais-tu exactement l’humeur générale de l’album ?

Je dirais que c’est du gospel-punk-soul (rires). Plus sérieusement, c’est un mélange de musiques à la fois festives et simples dont l’intention première est de véhiculer de l’énergie. Les gens qui viennent à nos concerts nous disent souvent qu’ils ont pris quelque chose en pleine face. C’est notre but : faire de la musique pour que les gens qui viennent à nos concerts repartent avec la banane, qu’ils oublient au moins pendant une heure leur stress ou leurs mésaventures quotidiennes. Nous ne sommes pas des rock stars, nous sommes des musiciens et nous voulons garder les pieds sur terre. C’est pour cela que nous refusons souvent des contrats qui nous inciteraient à devenir autre chose. Nous n'avons pas envie de devenir cette autre chose. Nous aimons être proches des gens, un peu comme dans les églises aux États-Unis où tu vas pour chanter, taper dans les mains et être ensemble. La seule différence avec eux, c’est qu’ils ont choisi Jésus pour être ensemble et passer un bon moment. Pour d’autres c’est peut-être Bouddha ou le Ricard, mais nous ont a choisi le rock’n’roll (rires) !

Tu peux nous en dire plus sur Healer Selecta ?

Healer Selecta, c’est le papa. Ça fait quinze à vingt ans que je suis professionnel. J’étais musicien avant d’être DJ et depuis que je suis DJ j’écoute des musiques complétement variées. C’est ce qui m’a donné toute cette influence pour faire Dustaphonics. Le son de Dustaphonics, c’est Healer Selecta. C’est comme s’il était le producteur des Dustaphonics. Néanmoins, comme je suis également guitariste du groupe, il n’est pas là en ce moment, il a cédé sa place de producteur pour celle de musicien. Pour faire simple, Healer Selecta c’est un mélange de toutes mes expériences en tant que DJ et musicien.

Sur scène, vous êtes à fond dans tout ce que vous faites. C’est volontaire cette façon de laisser s’exprimer les sentiments ?

Nous le faisons parce que nous aimons ça. Nous ne faisons pas ça pour devenir riches parce que si c’était le cas nous n'aurions surtout pas fait de la musique, nous aurions travaillé dans des banques ou vendu de la drogue (rires). Les gens qui sont devenus riches en faisant de la musique, c’est soit parce qu’ils étaient déjà riches avant, soit parce qu’ils ont des amis très riches qui les aident. Chacun est né avec quelque chose à faire sur terre, que ce soit dans la musique, dans les affaires ou dans la peinture. Nous, c’est pour la musique et nous ne vivons que pour ça, même si c’est difficile à faire comprendre aux gens. S’il y a beaucoup de personnes qui aiment notre musique, tant mieux, mais nous ne la changerons pas pour qu’il y ait plus de gens qui l’aiment. Si tu aimes, tant mieux, si tu n’aimes pas, ce n’est pas grave, c’est normal. Nous, nous n'aimons pas les moules-frites ou le saucisson par exemple (rires) !

Peux-tu nous en dire plus l’artwork de l’album ?

Alors pour la pochette, c’est un truc incroyable qui m’est arrivé. Le premier concert que nous avons donné avec les Dustaphonics en dehors de l’Angleterre était à Limoges. Là-bas, une personne est venue me voir après le concert et m'a dit : « Écoutes, j’ai vraiment beaucoup aimé le concert des Dustaphonics, j’ai adoré. » Et lorsqu’il m'a dit qu’il s’appellait Jean-Marie Arnaud, je n’arrivais pas à y croire. En fait, je collectionnais ses bandes dessinées dans les années 80. Je n’y croyais pas vraiment, je trouvais ça incroyable. Je lui ai demandé s’il pouvait faire une pochette pour les Dustaphonics et il a accepté sans hésiter. Depuis, il fait toutes les pochettes du groupe. En plus, ce mec habite à cinq kilomètres de là où j’ai été élevé. C’est ça aussi la musique, des rencontres. C’est pour ça que je l’aime. Par exemple, durant les Nuits Secrètes, j’ai rencontré beaucoup de gens sympas, que ce soit dans l’organisation ou non. Je pense que toutes les rencontres que nous pouvons faire se ressentent dans la musique de The Dustaphonics : simple, énergique et carrée.

Un concert dans le cadre d’un festival, comme Les Nuits Secrètes, est-il un concert comme les autres ?

Franchement, que l’on joue devant dix, cent ou mille personnes, c’est la même chose. Nous préférons jouer dans des petits clubs parce que l’énergie est beaucoup plus facile à capter. C’est pour ça que sur les grandes scènes nous jouons en formation très rapprochée. Il y a des groupes qui mettent la batterie au fond, les guitaristes sur des estrades. Nous, nous ne préfèrons pas opter pour ce dispositif. Nous essayons d’être tous ensemble parce que nous voulons nous entendre. En vérité, si ton batteur est au fond, tu n’entends pas le son de batterie mais uniquement celui du moniteur. Voilà pourquoi nous jouons proches les uns des autres, pour entendre notre son d'origine. Nous voulons vraiment ça et c’est peut-être pour cette raison qu’il y a des gens de tout âge qui viennent à nos concerts : des rockeurs, des mods, des dreadlocks et des gens sans look mais qui aiment la musique. Dernièrement, nous avons joué dans un festival où des jeunes filles dansaient dans les bras de leur maman à côté de punks à crêtes d’une vingtaine d’année. C’était beau à voir, parce que tout le monde s’éclatait.