C'est assurément un des disques les plus attendus de la rentrée. What Went Down, quatrième effort de Foals, verra enfin le jour le 28 août. En quelques années, le groupe s'est réellement imposé comme une des formations les plus courues de la scène rock alternative anglaise. Par un bel après-midi de juin, nous avons eu le privilège de rencontrer Yannis Philippakis, le leader de la formation d’Oxford. Retour sur cette discussion passionnante et endiablée.
Vous avez beaucoup tourné avec l'album précédent, ce qui est quelque chose d'assez habituel pour Foals. Quand avez-vous pu commencer à travailler sur What Went Down? Avez-vous procédé différemment par rapport à d'habitude ?
Nous avons commencé à écrire des morceaux aux deux-tiers de la tournée Holy Fire, mais d'une manière très cool, sans aucune pression. Par exemple, on se retrouvait lors de soundchecks un peu fatigués. Je commençais à jouer de la guitare et Jimmy venait me rejoindre. C'est ainsi que les bases de Birch Tree, Give It All et Snake Oil sont nées. Nous n'avons pas procédé comme habituellement. En effet, nous avons donné notre dernier concert en septembre et ensuite nous sommes directement allés en studio à Oxford. Nous n'avons donc pas fait de break entre la fin de tournée et l'entrée en studio. Chaque disque a une destination pour Foals. Je ne sais pas exactement où celle-ci se situe réellement, mais je sais que nous nous en approchons un peu plus à chaque fois. Ce disque est la continuité de ce rapprochement. Il y a davantage ce côté un peu télépathique entre nous cinq et nous suivons un processus intuitif. C'est beaucoup plus libérateur. Notre travail a été bien plus fluide cette fois. Parfois nous étions tous les cinq en studio, parfois je m'y trouvais seul, parfois c'était juste Jimmy et moi, à d'autres moments c'était Jimmy et Jack... C'était vraiment une dynamique ultra fluide. Une autre différence notable, ce sont les paroles qui cette fois dirigent davantage les chansons par rapport à d'habitude. C'était souvent l'inverse jusqu'à présent.
Vous avez enregistré votre album à la Fabrique en Provence, à l'endroit même où Nick Cave et Morrissey ont conçu leurs derniers albums. Pourquoi ce choix et comment se sont déroulées les sessions d'enregistrement ?
L'enregistrement s'est très bien passé. Nous voulions notamment aller là-bas pour le côté luxueux de l'endroit. Le studio possède un grand espace et c'est très appréciable. Nous n'avons pas du tout choisi d'aller enregistrer notre disque à la Fabrique parce que Morrissey ou Nick Cave y sont allés avant nous. Nous détestons d'ailleurs le fait que Morrissey s'y soit rendu d'ailleurs (rires). Nous avons pu travailler dur et le disque est conforme à nos attentes.
Nous n'avons pas essayé sans arrêt de peaufiner le disque.
Considères-tu que ce soit un disque plus physique que le précédent ?
Oui, je pense que d'une certaine manière, il est davantage physique. (Longue hésitation) Nous avons travaillé plus rapidement que d'habitude. Nous avions gardé l'énergie des concerts que nous venions de donner. Cela a permis d'accélérer le phénomène de tension nécessaire à l'enregistrement, tout au moins pour la première moitié de l'album. Cela nous a beaucoup plu de travailler de la sorte, avec notamment les bases des premiers morceaux qui furent écrites pendant la tournée. Je pense que grâce à cela l'expression initiale a pu être la meilleure des expressions. Nous n'avons pas essayé sans arrêt de peaufiner le disque, en analysant chaque passage inlassablement. Il était primordial de conserver le spleen dans nos compositions. Tout cela a probablement généré un disque un peu plus physique que les autres. Il n'y a pas de chansons comme My Mumber ici. Il n'y a pas de pop song sucrée. C'est un disque différent. Je pense que les paroles sont moins directes d'une certaine manière. Elles s'apparentent davantage à une biographie codée. Elles peuvent d'ailleurs paraitre légèrement imparfaites. J'avais voulu que celles qui figurent dans Holy Fire semblent suffisamment obscures. En même temps, avec le recul, j'ai l'impression que je me suis un peu trop exposé dans ce précédent album. Pour What Went Down, je tenais à ce que les paroles proviennent directement de mon subconscient, malgré leurs imperfections. Cela s'apparente à une réelle photographie de ce qui se passait en moi à ce moment-là, et c'est cela qui compte pour moi.
Holy Fire s'achève avec Moon, que tu avais décrite comme le fait de tomber amoureux à la fin du monde. What Went Down ouvre avec cette plage du même nom, remplie de rage et d'énergie. Que s'est-il passé entre la fin du précédent opus et ce début de nouvel album ?
Du temps s'est passé, tout simplement. Je pense que cette transition est excitante. Il y a quelque chose d'animal dans cette chanson. C'est un peu une expression de soi, de paraître un peu plus sauvage, un peu plus basique. Lorsqu'on a commencé à écrire cette chanson, je me souviens d'avoir ressenti ce que je chantais. J'étais comme une canalisation qui ramenait à quelque chose d'ancien, comme un démon particulièrement puissant qui dégageait une expression de brutalité invraisemblable. Il y avait comme une communication entre lui et moi. On trouve aussi un peu d'Orange mMécanique dans cette chanson.
Cette rage que tu as sur le disque...
Tu trouves qu'il y en a beaucoup ? Il n'y en a pas tant que ça...
Pas sur tous les morceaux, mais sur certains, c'est vraiment très puissant. Je ne m'attendais pas à cela. Tu avais dit que Holy Fire était inspiré par le vaudou. Est-ce que What went down s'apparente à un exorcisme ?
Oui. Probablement.
Il y a toujours des moments magnifiques et mélancoliques, comme Give It All. Quelles sont les parties du disque que tu préfères interpréter ? Les calmes ou les violentes ?
J'ai besoin de ces deux dynamiques et de leurs paradoxes. Je pense que toutes les bonnes choses dans le disque proviennent de l'opposition de ces forces. Nous avons écrit des chansons calmes telles que Moon, Give It All ou London Thunder. Il y a également leur pôle opposé. Je pense que depuis nos débuts nous avons inlassablement continué à séparer notre personnalité musicale en la rendant extrême. C'est un peu comme si nous avions commencé à bâtir un mur. Il est maintenant construit. La prochaine étape sera de traverser la porte de ce mur. Notre disque suivant sera assurément d'une violence différente de celui-ci. Cet opus reflète parfaitement le meilleur équilibre dans l'opposition de ce que nous sommes en tant que groupe. Tant pis si je me trompe mais c'est vraiment ce que je pense. Si j'étais en solo, je composerais des chansons comme London Thunder, mais en tant que membre de Foals, j'aime ces deux mouvements et j'en ai besoin.
Peut-être un jour sortiras-tu un album solo ?
Peut-être. Lorsque je serai plus vieux (rires).
Lors de notre précédente rencontre, en décembre 2012, tu m'avais dit que tout l'esprit de Holy Fire est présent dans Prelude. Quel est le morceau qui décrirait le mieux What Went Down ?
Je pense que A Knife In The Ocean est la chanson qui représente le mieux l'album. Parfois, on s'efforce d'agir d'une certaine manière parce que le groupe est ainsi, alors le disque doit sonner comme ça. Heureusement il arrive que ce soit différent. Nous nous efforçons de trouver l'essence de ce que nous devons faire ou devons être. C'est un peu ce que j'ai déjà essayé de te dire auparavant. C'est pour cela que je suis fier de ce disque, car il contient cette essence même qui nous emmène là où nous devons aller. La dernière chanson de l'album nous identifie parfaitement. Du point de vue des textes, elle exprime ce que j'ai toujours essayé d'écrire inlassablement par le passé.
Lorsque je compose, je ne pense pas aux tubes.
Il n'y a pas vraiment de tube sur le disque. C'est quelque chose de voulu ?
Lorsque je compose, je ne pense pas aux tubes. Quand nous avons écrit My Number, nous n'avons pas pensé à en faire un tube. Nous n'écrivons pas de tubes. Je m'en fous pas mal de ça. Je tiens juste à écrire de bonnes chansons. Parfois, elles sonnent comme de la pop musique et parfois pas. Je pense qu'il n'y a pas de poppy song sur le disque mais cela représente très bien ce que nous sommes actuellement.
London Thunder, malgré son titre, est étonnamment calme. Peux-tu nous expliquer pourquoi ?
C'est une de mes chansons préférées. Cela va peut-être paraître cliché, mais cette chanson c'est un peu comme se retrouver en tournée, se sentir loin de chez soi, et trouver une douce mélancolie lorsque tu te retrouves à l'aéroport la nuit. Tu as cette sensation de devenir émotionnel lorsque tu prends des vols longue distance, notamment quand tu te retrouves dans le ciel alors que les lumières dans l'avion s'éteignent et que tu sais que tu vas enfin rentrer. Cependant ton chez toi ne sera plus le même que ce qu'il était lorsque tu l'as quitté. Cette chanson parle de tout cela.
C'est la première fois que l'album ne contient pas onze chansons. Il y a une raison spécifique à cela ?
Nous avons enregistré plus de chansons que celles qui figurent sur What Went Down. Nous en avons retiré trois. Elles étaient bonnes mais nous avons trouvé que le disque était déjà suffisamment long ainsi, dans le format que tu connais déjà. Nous ne voulions pas que le disque soit trop long. Nous avons passé un long moment à travailler sur le tracklisting et sur l'ordre dans lequel les chansons devaient se trouver. Il n'y a pas de raison consciente au fait qu'il n'y ait pas onze morceaux sur le disque. C'est d'ailleurs un peu triste que toutes les chansons enregistrées ne soient pas présentes sur le disque. Ce fut presque douloureux de devoir en retirer certaines. Mais elles sortiront peut-être d'une autre manière un peu plus tard.
Foals approche tout doucement de son dixième anniversaire d'existence. Qu'est-ce que ça t'inspire ?
On doit avoir un peu plus de huit ans d'existence maintenant. On s'approche doucement des dix en effet. Je me sens super bien dans ce groupe. Nous avons été chanceux mais nous n'avons jamais fait de compromis. J'adore écrire de la musique avec les autres membres du groupe. J'adore jouer en live. J'adore nos fans, même si cela peut paraître un peu ringard. Je pense que c'est rare à notre époque d'être dans un groupe où nous continuons à évoluer musicalement. Il y a encore des territoires que nous n'avons pas explorés, et je suis excité à l'idée d'aller vers cette prochaine étape même si je n'ai aucune idée à quoi ressemblera notre prochain disque. Je suis incapable de prédire la suite.
Après toutes ces années, tu te sens loin de chansons telles que Tron, Heavy Water ou Cassius ?
Je me sens définitivement loin de Cassius. Je peux reconnaître la personne qui a écrit ces chansons. Je peux me voir dans ces moments où j'étais bien plus jeune et insouciant. Je serais incapable d'écrire encore de la sorte. Une chanson comme Tron ce ne serait vraiment plus possible. D'un côté, cela me rend triste, mais d'un autre, il y a une joie réelle générée par notre évolution. La manière dont nous écrivons actuellement fait que nous sommes quasiment devenus un autre groupe. Le groupe a trouvé une toute autre alchimie.