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Hood

Interview publiée par Delphine le 27 janvier 2005

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Malheureusement sous-estimés depuis de nombreuses années, Hood reviennent en 2005 avec leur excellent nouvel album Outside Closer. En attendant leur concert à Paris dans quelques jours, rencontre avec un des groupes les plus étranges de la scène anglaise...
Hood, en résumé, ce sont deux frères qui savent s'entourer, Chris et Richard Adams, originaires de Leeds. Ils ont une petite dizaine d'albums à leur actif (rien que ça) mais n'ont jamais fait la couverture du NME. Dommage ? Pas si sûr....

Rencontre chez PIAS avec un charmant petit homme, timide et roux, qui accueille les journalistes (et autres intervieweurs comme moi) avec un sourire à tomber. Rien de mieux pour me mettre à l'aise.

A l'écoute de la musique de Hood, on pourrait s'attendre à rencontrer quelqu'un de plutôt assez torturé, craintif... Que nenni, ce jeune homme adore parler : Je parle à des gens à longueur de journée. Je travaille chez un disquaire. Ah oui, j'oubliais : Hood, c'est une sorte de groupe amateur qui fait de la musique avant tout pour son plaisir (on a tous eu un pote de collège ou lycée qui répétait avec son groupe tous les samedis après-midi dans le garage de son beau-père, non ?!). Hood, c'est tout de même plus élaboré. Faire des disques tout en gardant leurs jobs à temps partiel, c'est un choix : On préfère, on garde les pieds sur terre comme ça. Chris travaille à la fac, il aide les étudiants handicapés à prendre leurs notes... Il a dû quitter son job deux mois pour enregistrer le disque et ça l'a rendu fou parce qu'il ne faisait que de la musique. Il avait besoin de s'en éloigner. La musique a toujours été un loisir. On croit que quitter son job et faire de la musique, c'est parfait, mais on a besoin d'autre chose pour avoir de l'inspiration. C'est super de s'y arrêter et d'y revenir. Il faut s'en éloigner. Prendre du recul par rapport à la musique, c'est encore meilleur.

Décidément, Hood est un groupe à part : ils viennent de Leeds... et non pas de Manchester, ni de Glasgow et encore moins de Londres. Avantage ou inconvénient ? Quand tu vis à Londres, tu vas à des concerts, tu rencontres des tas de gens qui se doivent de dire des choses gentilles à ton sujet. Tout le monde se connaît à Londres, mais nous, on n'y connaît personne ! A Leeds, il n'y a pas de compétition et il y a de très bons groupes. Tu fais de la musique pour toi, tu ne fais partie d'aucune mode. On ne vit pas de la musique, on peut faire d'autres choses. On n'a aucune pression de la part de la maison de disque. C'est cool d'être un peu à l'écart. A Londres, on n'aurait pas fait la musique qu'on aurait eu envie de faire, on aurait donné des concerts qu'on n'aurait pas eu envie de jouer. Les groupes londoniens se séparent souvent au bout de quelques années, ils ont trop de pression. L'industrie du disque britannique est très dure, il faut faire la musique que le public attend. Quand on lui demande justement s'il pense appartenir à la scène rock britannique actuelle, la réponse est : On ne correspond pas du tout à cette scène. On n'a jamais essayé d'être le nouveau Radiohead. On n'essaie pas d'être quelqu'un, seulement nous. Il va sûrement y avoir 20, 30 groupes post-Franz Ferdinand ou White Stripes. Mais on s'ennuie rapidement de ce genre de groupes qui apparaissent et disparaissent aussi vite.

Certes, Hood n'a jamais été un des nouveaux meilleurs groupes du monde parrainé et encensé par le NME, mais c'est tant mieux : ça n'a pas empêché Hood de se forger, depuis leur tout premier album, un noyau de fans qui tend à s'élargir d'année en année, bien que le groupe n'ait jamais fait la une des tabloïds ou magazines musicaux anglais. On espère que notre public restera et que, petit à petit, davantage de monde écoutera notre musique. Malgré ce que les médias affirment, je suis certain que le public demande autre chose. Je suis convaincu qu'un grand nombre de groupes qui apparaissent en ce moment sont fabriqués de toutes pièces. Ensuite, ils sont en couverture du NME, ils représentent soi-disant le futur de la musique... Et on se dit "Mais de quoi est-ce que vous parlez ?!" . Hood aurait sûrement pu faire partie de ce genre de groupe à un ou même plusieurs moments de leurs carrières, mais ils ont fait certains choix, la plupart leur paraissant aujourd'hui saugrenus. Par exemple, on nous a proposé de faire les premières parties de Pavement, on a refusé. On a seulement fait ce qu'on voulait faire. Plus tard, on s’est dit "Mais qu'est-ce qui nous a pris ?!". C'étaient des décisions complètement folles, mais on a toujours tout fait par instinct, même si c'était la chose la plus ridicule à faire, on la faisait. On se disait qu'on était trop jeunes : 16, 17 ans, encore chez nos parents. On savait qu’on n'aurait pas supporté le succès.

Heureusement, ces décisions-là n'ont en rien nuis au groupe qui a réalisé pas moins de huit albums en dix ans, du noisy rock lo-fi presque inécoutable, à leur dernier opus en date, Outside Closer, au son davantage produit : Avant, on s'enregistrait sur des magnétophones. Pour les derniers albums, on a eu droit à de vrais musiciens, de vrais studios. On n'a pas envie de reproduire d'une autre manière ce qu'on faisait avant. On essaie d'être spontané. La seule façon de faire un nouvel album, c'est de le faire sonner différemment. J'espère que ce dernier disque n'est pas trop poli non plus, que c'est un peu entre les deux !

En plus de ses propres albums, Hood a œuvré à travers moult collaborations, notamment avec cLOUDDEAD, collectif hip-hop électro, qui ont également participé sur Cold House, mais aucun invité sur le nouvel album : On a des invités, mais pas connus ! Certains ont cru que Cold House était un projet parallèle de cLOUDDEAD... Cette fois, on a essayé de faire nos propres trucs. Les gens qui ont contribué à l'album viennent de Leeds, ce sont des amis de longue date. On voulait se forcer à travailler seuls. Si on était resté à cLOUDDEAD, on aurait été automatiquement assimilé à eux, car ils sont plus connus. Déjà que Radiohead leur a piqué la vedette, faudrait pas non plus trop abuser ! Lors de la sortie de Kid A, l'expérimentation de Radiohead a été perçue par beaucoup comme une révolution musicale, bien que cette musique ait été celle jouée par Hood depuis leurs débuts. On ne pouvait pas forcer les gens à nous écouter. La musique parle pour le reste. Ca ne peut pas nous mettre en colère, on continue d'avancer. Quand Cold House et Kid A sont sortis, les médias ont commencé à parler d'indie-tronic... Je déteste ce terme.

Les expérimentations au sein du groupe sont toujours présentes, mais ils se décident enfin à faire une tournée pour de vrai avec cet album. En effet, les apparitions live de Hood sont trop rares pour êtres manquées : On est prêts pour une tournée maintenant. On réapprend à jouer live. On n'est ni un groupe à guitares ni un groupe utilisant seulement des laptops et ce genre de matériel, on est un peu entre les deux ! Sur scène, on ne pourrait pas reproduire ce qu'on fait à 5, il nous faudrait 10 ou 15 personnes différentes, alors on utilise des samples, mais ça ressemble quand même à un vrai groupe ! On a des vidéos aussi, ça permet au public de ne pas seulement nous regarder, nous... On est assez timides et réservés, on n'est pas comme Bono !

Bref, c'est pas l'tout, va falloir remballer, mademoiselle ! Ok, ok, juste une dernière question : Qu'est-ce qui fait kiffer Richard Adams en ce moment ? Et la réponse est une (très bonne) surprise : Justin Timberlake ! J'adore son album ! Il est sorti il y a 2 ans, je crois, mais je ne l'écoute en boucle que depuis 2 mois ! Les Neptunes sont d'excellents producteurs : leur son est frais et excitant, on se demande comment ils font... (Mon dieu, il est parfait !)

Fin de cette interview on-ne-peut-plus-sympathique. Richard Adams est la musique de Hood personnifiée : calme, humble, intense, passionné... Rendez-vous cet été pour une tournée des festivals (qui passera sûrement par la France...) pour rencontrer ce groupe définitivement hors du commun.