logo SOV

Lewis Evans

Interview publiée par Pierre-Arnaud Jonard le 21 janvier 2021

Bookmark and Share
Le plus français des britanniques vient de sortir un très joli EP, Le Rayon Vert, entre pop classique et folk radieuse. Un disque mélancolique et romantique. Rencontre avec cet anglais installé en Normandie.

Tu avais sorti un album en 2015 puis un autre en 2018. Pourquoi aujourd'hui un EP ?

Cela fait quinze ans que je joue de la musique avec les Lanskies puis en solo. Après Man In A Bubble, j'ai eu l'impression que les gens n'écoutent que les singles et pas les albums. J'ai envie que ma musique soit écoutée. Du coup j'ai eu envie de faire un EP. Je me suis, en effet, rendu compte que les gens écoutent les EPs dans leur intégralité.

Le titre de l'EP, contrairement à ce que l'on pourrait penser, ne vient pas du film de Rohmer du même nom...

Effectivement, cela n'a rien à voir avec ce film. Je ne l'ai jamais vu d'ailleurs. Je venais de terminer la composition de l'EP et suis allé le fêter dans un bar à côté de Granville et là j'ai vu un rayon vert. Le voir permet de mieux discerner les choses. Je suis arrivé à un moment de ma vie où je me suis ancré dans le réel avec une maison, des enfants. J'avais de plus envie d'un titre en français, comme un hommage à la France.

Tu as collaboré avec plusieurs artistes francophones, comme Juliette Armanet ou Keren Ann. Quelles différences vois-tu entre la façon d'écrire en France et en Angleterre ?

La façon d'écrire est différente. Les français écrivent de manière métaphorique, les anglais sont plus directs. Ils montrent davantage leurs émotions. Je suis dans ma bulle. Je n'écoute pas trop la musique des autres. Du coup je ne connais pas tant que cela la scène française. Je sais seulement que j'aimerais bien collaborer avec Albin de la Simone. J'aime bien la tendresse de son écriture.

Tu viens de Liverpool. Tu as grandi avec la musique du coup ?

Tout le monde a un lien avec la musique dans cette ville. Ma mère est sortie avec le bassiste de Devo, mes grands-mères ont dit être sorties avec George Harrison. A Liverpool tout le monde connait le chanteur de Cast. Les musiciens de Liverpool sont des gens normaux qui vont dans les bars, que l'on côtoie facilement du coup.

Il y a un côté très pop « classique » dans ton EP...

Je suis un grand fan de Simon And Garfunkel. Cela a baigné mon enfance lorsque l'on allait avec ma famille en voiture en Cornouailles et que l'on écoutait cela. Simon And Garfunkel et Jim Croce sont des artistes qui m'ont marqué musicalement. Des années plus tard je faisais la manche à Caen. Je composais des mélodies très simples. Tous mes morceaux sont faits ainsi, sur quatre accords.

Tu as collaboré avec David Ivar de Herman Dune pour cet EP. Comment cela s'est-il fait ?

J'étais fan de ce groupe. Je les ai vus il y a longtemps à Saint-Lô. Ce set m'avait marqué car j'ai toujours voulu faire de la folk. On s'était contactés avec Jay-Jay Johanson pour cet EP et cela ne s'est pas fait. J'ai ensuite contacté le mec de Herman Dune par le Internet. Il connaissait ma musique. Ça s'est fait comme ça. J'aime bien son travail sur le disque car cela ne sonne pas lisse. Je lui ai donné carte blanche pour les arrangements.

Vous avez travaillé entre la France et la Californie via Internet...

Oui. En Californie, il a son studio dans son garage. J'aurais adoré y aller mais je ne sais pas si mon label m'aurait payé le voyage. C'était agréable de travailler à distance ainsi.

Le dernier morceau de l'EP, King Of The Jingle, parle de la galère d'être musicien...

Avant je faisais des tournées de cinquante dates, puis ensuite d'une vingtaine. J'ai constaté qu'il y avait peu de place pour la musique que je joue. Mais j'ai su rester persévérant.

Les trois autres titres sont autobiographiques ?

Oui. Rock In The Sea parle également de persévérance, celle d'être musicien et de concilier ce travail avec sa vie de famille. Hold On parle des addictions de mes parents, notamment celles liées à l'alcoolisme. Et dans Cocaïne je parle d'une soirée où tu es défoncé alors que tes enfants dorment. Cet EP parle du fait de devenir responsable, responsable de soi et des autres.

Le fait d'être père influe sur ton écriture ?

Bien sûr. Cela influence ta vision des choses. Tu ne peux plus être l'ado qui n'en a rien à foutre de la vie. Les gens de ma famille sont morts jeunes. Du coup je me suis dit pendant longtemps qu'il faut vivre vite car cela peut ne pas durer, mais j'ai changé.

Tu penses à préparer un futur album ?

Je compose tous les jours. J'envoie des titres chaque jour à mon ami, Frédéric Boucher. J'ai trois-cent morceaux de côté. Je compose très vite. On verra.

Il y a un côté pop mais aussi folk dans le EP qui fait parfois penser à Leonard Cohen...

Je suis un story-teller. J'écris sur des thématiques liées à la nostalgie, des choses liées aux traumatismes. Leonard Cohen faisait cela aussi, donc il est logique que cela puisse faire penser à lui.