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Gallon Drunk

Paris, Maroquinerie - 10 février 2013

Live-report par Edina Tymp

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Autant le dire tout de suite, l'idée d'aller à un concert un dimanche soir, sous la neige, la pluie puis encore la neige, était très loin de m'enchanter; encore moins pour écouter des reptiles préhistoriques chanter. Les Nuits de l'Alligator à la Maroquinerie, proposent ce soir trois groupes aux couleurs et sonorités bien tranchées.

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En ouverture, King Dude, revenu du hardcore pour une variation dark folk des plus étonnantes. TJ Cowgill et ses deux acolytes, les cheveux gominés et plaqués sur l'arrière du scalp, pénètrent dans la salle dans un silence religieux, de circonstance à la vue de leurs sombres costumes et mines graves. Au centre de la scène trônent les percussions, ornées de cloches tubulaires qui carillonnent sous le poids des lourds costauds Bootleggers.
Avant de débuter le concert, ils ont pour marotte un franc cheers au bourbon - puisque les King Dude viennent tout droit de Seattle, donnant aux Nuits de l'Alligator tout leur sens folklorique. Les King Dude font un barouf d'enfer à réveiller les morts à grand renfort de tambourin métatarsien. Leur musique sur fond de gothique trempée dans un chaudron 60's, relevée par le crooner des cimetières JT Cowgill, peut aussi bien donner dans une bluffante imitation d'Elvis sur le slow You Can Break My Heart ou encore pousser des cris gutturaux dont seuls les spécialistes du hardcore ont le secret.
Tandis qu'ils donnent parfois dans les Cavaliers de l'Apocalypse (I'm Cold), ils pourraient presque trouver leur place sur la Bande Originale de Django Unchained sur Vision In Black. Sans cesse, ils explorent les styles tous passés au filtre satanico-freak. A la question « Peut-on encore danser dans un concert sans électrons ? », King Dude répondent franchement : hell Yeah !

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Après cette introduction marécageuse de Seattle, les histrions foufou de Mama Rosin s'installent pour quarante-cinq minutes de cajun au parfum d'Appenzeller déjanté. Tous les ingrédients de la fête sont réunis, ils démarrent sous le signe du chaloupé, avec des maracas, un mélodéon... on se croirait sous l'Océan avec le crabe Sébastien.
La température continue doucement à monter dans la Maroquinerie, les zoulous chantent en vieux français sur You Broke My Stuff et en anglais sur un air de Bye Bye Birdy Black bien rythmé. A la lumière de l’insolente joie de vivre des trois fanfarons, on comprend pourquoi la Suisse se classe au deuxième rang depuis de nombreuses années au classement des pays aux plus forts taux de bonheur dans le monde ! Le set va crescendo jusqu'à l'explosion de la Louisianne, on sort un banjo et un grattoir à lessive, ça sent le bayou ! Mais ils ne se cantonnent pas au cajun pompé made in USA et proposent des airs populaires en créole, ou encore une reprise de Creedence Clearwater Revival, tout cela pendant que les deux chanteurs ne cessent de tournoyer sur eux-même en bons représentants de la bourrée de Baton Rouge.

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Comment enchaîner après une telle énergie débridée ? En étant plus vieux, plus saouls, plus expérimentés et en plantant un lourd Hanging On à l'allumage. Les vétérans de Gallon Drunk, les bien nommés, annoncent ainsi la couleur avec un « We're kind of drunk ». Mais c'est avec une classe folle qu'ils vont assurer la soirée sur The Big Breakdown ou encore Stuck In My Head en titubant ou trébuchant. Ces mastodontes du punk ont un sacré entrainement.
Leur musique est profonde, presque viscérale et charnellement exotique. Le batteur implacable et d'une précision rare tient la distance avec le jeune bassiste, alors que le chanteur (saoul, je le rappelle) passe du synthé à la guitare ou à l'harmonica; équilibriste de talent et interchangeable. Restent les éléments exotico-Jazz de Gallon Drunk, avec maracas, saxophone et synthé. Le chanteur charismatique pourrait être présenté tel un mélange de Steven Tyler et Iggy Pop, pour le déhanché dérouillé, avec un accent cockney des plus précieux. Ces vieux loups de mer ont mené leur barque à travers les club Londoniens des 70's et en sont revenus; presque sans séquelles.

Finalement cela valait le coup de sortir un dimanche soir. Je comprends mieux le proverbe « Ce qui est mouillé ne craint pas la pluie », suffisamment absurde pour être véridique.