C’est une affiche des plus alléchantes qui s’annonce ce soir à la Maroquinerie, avec deux des songwriters les plus prometteurs de ces dernières années.

Tout d’abord arrive
Luke Sital-Singh, jeune homme de 24 ans, pour sa deuxième prestation à Paris (après la première partie d’Angus Stone en octobre au Point Éphémère). Si vous pensez avoir tout vu en ce qui concerne les songwriters, révisez votre jugement. Il y en a encore capables de vous surprendre. Luke Sital-Singh est de ceux-là. D’emblée, une atmosphère monacale s’installe. La Maroquinerie entièrement remplie retient son souffle, et admire le jeu, et surtout la voix du jeune Londonien. Une voix moelleuse et douce, capable de fulgurances tout en puissance, qui n’est pas sans rappeler un certain Jeff Buckley. Ses mélodies mélancoliques retiennent l’attention, sans jamais tomber dans le dépressif. Le garçon attire la sympathie naturellement tel un Josh Ritter hipster. Très inspiré par Damien Rice, le troubadour parvient à toucher le cœur du public et ses complaintes intimistes, pour la plupart tirées de son EP
Fail For You, ne demandent qu’à être plus largement connues.
Lorsque Conor O’Brien, alias
Villagers, entre en scène, accompagné de son groupe, les spectateurs sont déjà à fleur de peau. Fort d’un premier album récompensé d’une nomination au Mercury Music Prize et d’un second élargissant l’étendue de sa palette musicale, l’Irlandais commence son concert en se félicitant de jouer ce soir à guichets fermés, en toute modestie. Heureusement pour les adeptes déjà présents au Point Éphémère en novembre dernier, Conor a l’élégance de présenter une setlist différente. C’est avec
Grateful Song qu’il démarre, extraite du second album, lumineuse comme un soleil qui se lève sur un matin clair. Ce petit bonhomme est capable de conjurer les plus belles images avec presque rien. Seulement quelques accords simples et la conviction de son interprétation. Les morceaux du premier et du second album s’entremêlent, alternant les atmosphères entre l’intimisme et le plus ambitieux, à travers les musiciens qui l’accompagnent, dont Tommy McLaughlin qui a par ailleurs produit ce dernier alhum
Awayland.

Comme pour Luke Sital-Singh un peu plus tôt, le public demeure extrêmement respectueux et entre les morceaux et les applaudissements, on entendrait les mouches voler. En effet on ne peut être qu’en admiration devant la fraîcheur et l’intensité de morceaux tels que
Meaning Of The Ritual, ou encore
Memoir, morceau écrit initialement pour Charlotte Gainsbourg, et qui sous l’égide de Conor révèle sa poésie fulgurante. Tour à tour, le groupe va expérimenter (
The Waves,
Earthly Pleasure), draguer ouvertement les ondes FM (
Nothing Arrived), ou bien se balader sur une pop légère et surannée qui donne le sourire (
The Pact). Bien entendu, le fameux
Becoming A Jackal est le morceau qui reçoit la plus grande ovation ce soir, sans doute l’une des plus importantes compositions de ces dernières années, ayant reçu l’Ivor Novello Award de la chanson de l’année 2011, amplement mérité.
Pour le rappel, Conor entre seul en scène pour un
That Day intimiste, avant de récupérer ses musiciens pour les langoureux
In a Newfound Land et
My Lighthouse, pour finir en douceur sur
On a Sunlit Stage, premier single à avoir été extrait du premier album en 2009, témoin d’une époque où l’on n’attendait rien, et où l’on avait découvert un très grand poète. Serait-on actuellement en train d’assister à un retour en force des songwriters ? À en croire le niveau des performances de ce soir, peut-être. Quoiqu’il en soit, il est rassurant de voir qu’après des années de poursuite de la gloriole et de la hype inutiles, le débat se recentre sur la chanson et la lutte perpétuelle entre un homme et les cordes de sa guitare.