Fidèle aux scènes parisiennes depuis son excellent premier album
Becoming A Jackal en 2010, Villagers alias Conor O'Brien n'a eu de cesse depuis cette dernière décennie de nous convaincre de son immense talent de compositeur-interprète. Avec son sens aigu de la mélodie, sa plume particulièrement juste s'agissant de décrypter les émotions et un incroyable don de multi-instrumentiste, l'irlandais s'est bâti tout au long des années une communauté de fans français loyaux et passionnés.
À la suite de la sortie de
Fever Dreams à l'été 2021, nous étions donc dans les starting-blocks pour découvrir ce nouvel opus en live, avec ses touches jazzy et ses délicates notes électro. Mais, l'interminable pandémie persistant à nous gâcher l'existence, le récital prévu dans la capitale comme la fin de la tournée en Irlande a été annulé, mais sans report s'agissant de l'Hexagone. Patiente dans son quotidien sauf lorsqu'il s'agit de concerts, votre chroniqueuse a donc décidé de reprendre son baluchon pour cette fois-ci partir chez nos voisins belges afin d'aller à la rencontre de Villagers en mode acoustique, pour une interprétation dépouillée et intimiste de ses classiques ainsi que des morceaux issus du dernier disque.
Direction la très charmante commune de Louvain pour cette dernière date d'une mini tournée européenne qui étonnamment ne passe pas par la France. Nous profitons donc de cette parenthèse un peu dorée où les voyages battent à nouveau leur plein pour découvrir le théâtre municipal de Louvain ou en flamand le 30CC Schouwburg. Dans cet édifice datant de 1867, les dorures, velours carmin et plafonds aux fresques romantiques offrent un écrin parfait au répertoire harmonieux ainsi décliné par Villagers.

Armé seulement de ses guitares acoustiques et de sa fidèle trompette, Conor O'Brien épaulé par Oisín Walsh Peelo, claviériste qui passera également au saxophone, transpose son univers déjà lyrique dans une sphère veloutée, dénudant volontairement les morceaux pour en extraire l'essence même. Devant un parterre confortablement assis, les deux musiciens paraissent noyés sur cette scène immense qui, du fait de sa profondeur, offre un contraste avec le minimalisme ainsi déployé. Sous un lightshow très tamisé, Conor O'Brien fait le choix d'une setlist s'adaptant parfaitement à l'acoustique, et place est faite à ses titres les plus délicats mais toujours interprétés de façon affirmée grâce au chant et à la présence du musicien, rappellant que la prestance ne passe pas uniquement par un physique imposant.
Favorisant les albums
Darling Arithmetic et
Fever Dreams, où Conor O'Brien s'est particulièrement démarqué par la richesse des orchestrations et la complexité des influences, les morceaux tels
Hot Scary Summer,
The Soul Serene,
Everything I Am Is Yours et
Courage prennent une belle ampleur. La passion insufflée avec subtilité par ces versions ramenées à leur essentiel fonctionne aussi efficacement qu'avec le groupe dans son intégralité. Les titres du dernier album plutôt tournés vers un soft jazz des plus modernes comme
Momentarily,
Song In Seven,
So Simpatico et le rayonnant
The First Day prennent ainsi une patine plus sensuelle tout en permettant avec la seule trompette présente de confirmer que ce mélange habile de sonorités fonctionne parfaitement.

La bonne humeur de l'irlandais est contagieuse et le récital, bien que se déroulant dans une salle dont la majestuosité la rend plutôt intimidante, reste humble et accessible à tous les présents, qu'ils soient familiers ou non du répertoire de Villagers. On retrouve avec joie d'autres titres phares tels
Twenty-Seven Strangers,
Fool et
Occupy Your Mind, ces derniers un peu plus dynamiques et l'on se laisse submerger par l'intensité de l'interprétation de
Deep In My Heart,
A Trick Of The Light et le très émouvant
Dawning On Me, à propos duquel on nous explique que, bien qu‘écrit il y a sept ans pour une personne proche, la chanson se destine aujourd’hui à tous car la magie de la musique vient de son universalité, qui que l'on soit et d'où que nous venions.
Un beau message que l'on sait honnête de la part d'un musicien extrêmement généreux. Clôturant ce soir cette tournée acoustique sur le vieux continent avant le final à Londres samedi, les heureux spectateurs ont ainsi bénéficié de conditions privilégiées. La France, elle, se place à nouveau dans les starting-blocks en attendant le retour chez elle d'un des plus talentueux songwriter que nous offre la scène irlandaise actuelle.