logo SOV

Young Fathers
These New Puritans

Paris, Cigale - 8 novembre 2013

Live-report par Amandine

Bookmark and Share
Comme chaque année, à côté des mornes chrysanthèmes, le début du mois de novembre est également ponctué de son inénarrable Festival des InRocks. Si on le maudit parfois (comme ce sera le cas en cette soirée à la Cigale) à cause d’un public de professionnels de la musique souvent plus accaparé par le relationship que par les artistes, nous ne pouvons nier qu’il est l’occasion de découvrir ou revoir des groupes innovants et excitants.
En ce vendredi humide et frais, marquant définitivement l’arrivée imminente de l’hiver, le magazine musical le plus populaire de France offrait une affiche composée de pas moins de quatre formations, dont deux têtes d’affiche que l’on n’aurait su rêver sur la même scène, le même jour.

SOV

Les british de Young Fathers n’ont que faire de chauffer la salle encore bien vide dès l’entame à 19 heures. Ces rappeurs d’un autre temps ont bel et bien décidé de prouver que le rap anglais peut venir concurrencer la suprématie pop et rock d’Albion. Trois au micro et un quatrième aux machines et, surtout, aux percussions afin d’optimiser la trentaine de minutes qui leur est impartie.
D'emblée, nous sommes emmenés aux racines du hip-hop, qu’il s’agisse de la musique, old school à souhait, ou du look de nos quatre compères : entre bombers et baggys ou Doc Martens sur une tenue traditionnelle africaine de coton noire, la gestuelle même de Young Fathers rappelle les décennies passées. Si le style n’est pas le plus représenté d’habitude au festival des InRocks, il faut tout de même admettre que les Anglais savent occuper la scène. Dans une ambiance très monochrome animée sporadiquement par les stroboscopes, ils jouent avec le public, proposent des chorégraphies animées et s’excitent derrière leurs micros et leur caisse claire. Malheureusement, la fin de set sur une note R&B ternira la prestation jusqu’alors honorable du groupe.

SOV

Malencontreux hasard ou pas, ce sont Papa qui succèdent à Young Fathers. La transition va alors être brutale : les Californiens œuvrent dans un tout autre registre. Préférant les claviers estampés 80's, ils proposent une pop kitscho-langoureuse, emmenée par des musiciens statiques, sans aucun jeu de scène. Le batteur/chanteur y met pourtant du sien, allant même jusqu’à descendre dans le public et frapper dans les mains des premiers rangs pour les remercier de leur soutien. Malgré cette bonne volonté, difficile d’entrer dans l’univers insipide de Papa et les guitares africanisantes façon Vampire Weekend ou Fool's Gold ou la reprise quasi à l’identique du Because The Night de Patti Smith n’y feront rien. Aussitôt vus, aussitôt oubliés, d’autant que la partie la plus croustillante de la soirée reste à venir.

SOV

Après le tweet mystérieux de leur chanteur, Jack Barnett, il y a quelques semaines, le doute plane toujours sur l’avenir incertain de l’une des formations les plus fascinantes du Royaume-Uni. Coup marketing ou réelle envie de tourner la page, These New Puritans ne reviendront pas aujourd’hui sur ce « détail ». Comme nous avions pu la découvrir au Café de la Danse l’été dernier, la configuration live de Field Of Reeds, troisième opus des frères Barnett, donne toujours un peu plus dans la grandiloquence et l’ensemble de cuivres (constitué de trompettes, cors...) n’y est pas pour rien.
La setlist sera identique, à peu de choses près, à celle de leur précédent passage par la capitale et l’impression est toujours aussi hypnotique. Stoïque, le jeune leader filiforme semble plus que jamais faire corps avec ses compositions dont la dimension ne cesse de prendre de l’ampleur et de venir fendre l’air et éclater dans toute leur pureté et leur puissance. Attack Music ou V (Island Song) se détachent pour percuter les esprits, les faire chavirer et sombrer dans le monde sombre et anxiogène de These New Puritans.

SOV

Anxiogène, le terme restera adéquat pour l’uppercut final infligé par les Canadiens de Suuns. Ben Shemie et sa bande vont faire trembler, pendant une petite heure, le plancher de la Cigale grâce à leur rock fortement teinté d’électro et diablement noir. De Arena à Edie's Dream, de Zeroes QC à Image du Futur, la discographie du groupe sera intelligemment exploitée pour créer un condensé de la musique de Suuns. A l’image de formations telles que The Soft Moon, les Montréalais, à coups d’infra-basses et de lignes de guitares imparables, vont clouer au sol les spectateurs, leur enjoindre les effets de la pesanteur dans toute sa puissance. Mâchoires serrées et brutalité frontale, voir Suuns en live ne s’explique pas mais se vit, se ressent.

Étourdis, nous rejoignons Pigalle, nous demandant encore comment le balcon de la Cigale a pu rester fermé pour une telle soirée. These New Puritans auront confirmé la beauté classieuse de leurs prestations tandis que Suuns, dans un style plus brut et épuré, nous auront, une fois de plus, figés par une maîtrise parfaite et une violence maîtrisée.