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Breton

Paris, Silencio - 14 janvier 2014

Live-report par Xavier Turlot

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C'est au Silencio, très select club culturel conçu par David Lynch, que Breton ont livré en avant-première une grande partie de leur second album War Room Stories à paraître le 3 février prochain.

Sous-sol étonnant alliant obscurité et scintillement, ce lieu à l'atmosphère classe et feutrée semble a priori à l'opposé absolu de la musique des Londoniens, industrielle et sauvage. La salle chatoyante est bondée lorsque, sous l'arche dorée, le rideau de velours rouge se lève sur les Anglais qui entament Envy, leur single tropical syncopé. Il manque un musicien, Ryan McClarnon, mais l'énergie est là. L'extraordinaire batterie soutient de toute sa puissance cet édifice tout destiné à ouvrir un set et annoncer la couleur.
S'en suit une première piste inédite, assez calme et mélancolique, très axée sur le chant. La patte Breton, alliant le grain de voix de Roman Rappak à des instrumentations électro-rock riches et insaisissables, est toujours bien là. Ils nous emmènent toujours aussi loin dans leur univers évoluant entre pop et musique synthétique, larguant leur dose d'éléments glitch au cas où quelqu'un les aurait trop rapidement classés dans un dossier.

La violence brute de Edward The Confessor fonctionne toujours aussi bien, les mains n'ont pas rouillé depuis Other People's Problems et délivrent toujours bien cette dose de tension électrique protéiforme qui avait redistribué les cartes début 2012. Excellente transition vers un Got Well Soon vrombissant, monstre urbain de math-rock qui rôde et trouve bien sa place dans cette crypte de satin dans les bas-fonds de Paris. Voyez le clip qui s'y rapporte. Beaucoup plus « propre » est le morceau suivant, arborant des accords de piano qu'on ne leur aurait pas prêtés auparavant, sans doute le signe d'une évolution vers une esthétique moins frénétique et torturée. Même s'il n'est pas facile d'imaginer sa forme en studio, on peut gager que le titre sera aérien, qu'il mettre à l'honneur des pitchs de violons et qu'il rapprochera sans doute un peu Breton des Foals.
Le groupe envoie à présent un long titre, grandement instrumental et truffé d'échos et de bidouillages électroniques. De longues complaintes de violons une section rythmique plus effacée laissent penser qu'ils ne sont pas près de tourner en rond. Échanges fréquents d'instruments, un Ian Patterson en forme derrière ses ordinateurs, Adam Ainger qui fracasse ses fûts dans d'amples gestes millimétrés... Breton sont en forme pour défendre l'opus prochain. Les mots approchent difficilement la musique, mais une autre perle valant son pesant de carats mélodiques est encore interprétée, rendant le mois de février un peu plus lointain encore. Le synthé lancinant de Jostle retentit avant de lancer place à la rare Foam, artillerie électronique lourde qui bombarde l'auditoire de saccades sourdes et effrayantes, sur un fond de martellement mathématique et impassible. Il est déjà l'heure de la dernière chanson, qui comme ses sœurs offre un caractère plus lent et contemplatif que ses ancêtres, baignant dans une réverbération omniprésente et un dépouillement qu'on ne connaissait pas à Breton.

C'est à une vraie avant-première que s'est livrée la formation londonienne ce soir, se rôdant dans ce cadre intime incongru avant d'entamer la tournée qui accompagnera un War Room Stories qui sans nul doute ne sera pas un Other People's Problems 2. Les sonorités industrielles et distordues, comme les beats piqués au hip-hop, se feront probablement plus rares et laisseront naviguer ce groupe passionnant dans des eaux un peu différentes. Ce n'est pas plus mal pour qui aime se faire surprendre.