Seconde soirée du ARTE Concert Festival, toujours à la Gaîté Lyrique à Paris où la programmation de ce vendredi soir s'assagit en comparaison avec la déferlante punk de la veille. Sont ainsi présents
Eydís Evensen,
Joan As Police Woman et le très attendu
Damon Albarn. Toujours dans un esprit d'éclectisme, nous passerons ce soir d'un récital au piano dans le magnifique foyer antique, à du blues acoustique pour achever la soirée avec près d'une heure et demie de pop multi-influences, tant Damon Albarn se pose en chantre du multi-culturalisme musical.
Les places étaient chères ce soir, bien que gratuites pour le public. Avec une forte demande liée au retour du leader de Blur et Gorillaz, nombre de fans et autres curieux se sont frottés à la dure loi du premier arrivé / premier servi tant lors de l'attribution des places que lors de l'entrée dans la salle.
Nous débutons la soirée avec le récital de la jeune pianiste islandaise
Eydís Evensen dans le magnifique cadre du foyer antique aux lumières toutes tamisées, accompagnée d'un quatuor de violons et violoncelle. Quarante-cinq minutes légèrement entachées par le brouhaha du bar et les va-et-vient des curieux qui n'ont cependant pas semblé perturber la musicienne. La musique classique étant encore bien trop réservée à une certaine catégorie de mélomanes, sa diffusion à un large public est une opportunité à ne jamais manquer.
La suite se déroule dans la grande salle, qui conserve sa scène centrale et ses multiples agencements liés à la captation. L'entre-deux est offert à l'américaine Joan Wasser qui se présente sous le pseudonyme
Joan As Police Woman, musicienne multi-instrumentaliste qui étonne plus par ses multiples collaborations fameuses que par sa discrète discographie solo. C'est donc une découverte pour beaucoup qui se fait ce soir, cette dernière ayant justement participé l'an passé au dernier disque de Gorillaz.
Prenant place sur le piano et à la guitare de la scène déjà aménagée pour Damon Albarn, le set de trente minutes acoustiques révèle un petit bout de femme drôle, très assurée et qui renoue avec le live ce soir, d'où une certaine émotion. Le registre flirte avec le jazz et le blues, et un des morceaux au piano voit Damon Albarn en guest pour un duo aux claviers et au chant très agréable.
La salle plutôt clairsemée précédemment se voit rapidement investie par la quasi-majorité des présents ce soir, et c'est à 22h05 pétantes que
Damon Albarn prend possession d'une scène surchargée en instruments (trois pianos, une batterie, un saxophone, une guitare, une basse et pas mal de pupitres permettant d'y placer le parolier, ou ici le classeur à anti-sèches). Le peu de place restante permettra tant bien que mal au chanteur de passer d'un côté de la scène à l'autre assurant ainsi le show.
Son nouvel album à paraitre,
The Nearer The Fountain, More Pure The Stream Flows est présenté en grande partie, et les morceaux au piano qui forment la grande majorité du tracklisting sont révélés aux fans qui semblent immédiatement conquis, tant la musicalité est douce et inventive. Les trois premiers titres du disque se suivent sur scène et c'est dans un halo bleuté que
The Nearer The Fountain, More Pure The Stream Flows,
The Cormorant et
Royal Morning Blue posent le cadre d'une ambiance poétique et mélancolique. La présence d'un quatuor à cordes rend le moment particulièrement magique.
La basse puissante apporte ce qu'il faut de funky avec un des très bon titres du nouvel album qu'est
Royal Morning Blue, permettant ainsi de passer du songe à l'envie de danser d'un morceau à l'autre.
Damon Albarn se lève de son piano et se lance avec
Lonely Press Play aux quatre coins de la scène pour partager son plaisir non feint d'être de retour. La configuration particulière se prêtant aux échanges, le musicien ne s'en privera pas nous régalant entre deux titres de remerciements et d'autre petites anecdotes plus ou moins cocasses rendant le personnage presque accessible.
La voix de Damon Albarn n'a pas subi les effets du temps, bien plus mise en valeur en solo qu'avec Blur ou Gorillaz. Le personnage sait se montrer profond sur
Hong Kong,
Daft Wader ou
On Melancholy Hill. L'orchestration est sublimée sur
Out Of Time, la bossa nova nous fait chalouper sur
El Mañana et le magistral
Polaris, un des morceaux qui retiendra le plus notre attention sur le nouveau disque, démontre au travers du piano puissant et de son final pêchu au saxophone que l'univers de Damon Albarn ne connait pas de limites.
On retrouvera tout de même de ci de là la gouaille du Damon que nous avons découvert il y a plus de deux décennies maintenant, et
This Is Low venant conclure le set nous ramène avec pur bonheur à cette période ingénue où la bataille Blur/Oasis faisait rage tant dans les charts que dans les cours des bahuts.
Loin dorénavant des classements mainstream de par des choix audacieux et une soif infinie de nouvelles aventures musicales, Damon Albarn se révèle être bien plus qu'une icône pop. C'est néanmoins toujours porté par une fan base fidèle que ce dernier peut se risquer à toutes les expérimentations sonores pour toujours surprendre, tout cela en gardant le même jean baggy qu'à ses débuts, ce qui est tout de même le minimum pour un des étendards de la génération britpop.