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black midi

Paris, Cabaret Sauvage - 27 novembre 2021

Live-report par Franck Narquin

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Les furieux anglais de black midi viennent, en ce samedi soir pluvieux de novembre, défendre sur scène Cavalcade, leur excellent second opus sorti cette année, qu'on devrait très probablement retrouver dans notre top ten de 2021, et son cabaret sauvage, dans la salle du même nom. Après le coup d'éclat en 2019 avec Schlagenheim, ovni rock transgenre inclassable (free-jazz, math-rock, post-rock, etc...), le combo a su répondre avec brio aux attentes folles qu'il avait alors fait naître avec un deuxième essai toujours aussi sonique mais offrant des plages plus atmosphériques et une écriture plus complexe.

La première parie est assurée par O., groupe inconnu au bataillon mais que black midi ont recruté pour assurer toutes les premières parties de leur tournée. Choix judicieux, tant la complémentarité entre les deux groupes semble évidente malgré des styles totalement différents. Tash Keary et Joe Henwood forment un duo de saxophone baryton et de batterie avec un côté dub, des bruits forts et des rythmes lourds, à mi-chemin entre The Comet Is Coming et John Zorn. Leur set débraillé et jubilatoire, qu'on dirait sorti d'une scène au bang-bang bar dans Twin Peaks : The Return, nous titille les oreilles et nous prépare parfaitement au déluge sonore qui nous attend.

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L'entracte nous permet de faire un tour au bar, mais n'en déplaise à Philippe Delerm, la première gorgée de bière a ce soir un goût amer (et pas seulement parce que l'on a pris une tournée d'IPA) quand la sécurité vient nous demander de remettre notre masque entre chaque gorgée. On pense tout de suite à cette annus horribilis et on entrevoit malheureusement poindre le spectre des nouvelles restrictions et des annulations de concerts. Plutôt que de voir la pinte à demi vide, on se dit qu'il va falloir profiter de cette soirée, même si masqué, la fête est moins folle.

Les lumières du Cabaret Sauvage s'éteignent peu à peu, la foule gronde puis râle de plaisir à l'arrivée des cinq lads aux looks aussi incongrus que leur musique, chemise blanche-cravate rouge de banquier sur survêtement chav ou un improbable combo chemise hawaïenne, cravate de notaire des années 70 et treillis ; pas sûr qu'on les croise à la fashion week (ou alors à celle de 2046). Mais nous ne sommes pas ici ce soir pour mater des beaux gosses ou détecter le futur Virgil Abloh mais plutôt pour en prendre plein les esgourdes, se faire péter les portugaises, s'exploser les feuilles de chou comme au bon vieux temps des concerts telluriques de My Bloody Valentine. On est venu ici pour souffrir, OK !

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D'ailleurs, le public lui aussi qui rugit aux sons des premiers accords de 953, s'agite et entame son premier pogo (qui peut être considéré comme un geste barrière si on tape avec les coudes). Alternant les uppercuts à la manière d'un Connor McGregor (Welcome To Hell, John L et j'en passe) et les morceaux calmes, chantés par le bassiste à la voix de crooner déviant, qui laissent quelques minutes de repos pour reprendre son souffle, black midi livrent un show pied au plancher. Les fans de la première heure sont aux anges et les sceptiques, pensant que black midi est ce groupe dont tout le monde parle mais que personne n'écoute, sont confondus, conquis par ce rock expérimental déjanté mais totalement précis.

Si, sur disque, black midi peuvent s'avérer géniaux, innovants mais parfois un peu ardus, c'est définitivement sur scène que le groupe s'apprécie à sa pleine valeur, leurs morceaux s'épanouissant en live et se délivrant de tout formatage, leur aspect sensoriel prenant le pas sur leur côté intello. Nous quittons la salle vidés et éreintés, quelques acouphènes nous sifflants dans les oreilles mais le sourire aux lèvres avec la satisfaction d'avoir vécu un des grand moment de rock de cette fin d'année et espérant que rien ne nous empêchera d'en vivre plein d'autres, sans contrainte aucune, tout au long de 2022.
setlist
    953
    Speedway
    Welcome To Hell
    Dethroned
    Sugar/Tzu
    Circus
    Defence
    Lumps
    Wester
    Still
    Eat Men, Eat
    Chondromalacia Patell
    John L
    27 Q
    Slow
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