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The Smile

Londres, Magazine London - 30 janvier 2022

Live-report par Jean-Christophe Gé

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Thom Yorke et Jonny Greenwood d'une part, et Tom Skinner d'autre part, respectivement membres de Radiohead et Sons Of Kemet (groupe de "jazz politique") ont effectué un choix peu commun pour le lancement planétaire de leur groupe, sobrement appelé The Smile : ils ont en effet donné trois concerts à la suite, en présentiel pour les londonniens, ou à streamer en soirée pour les Européens (20h de Londres), les Américains (20h de New York, 1h du matin à Londres) et les Asiatiques (20h de Tokyo et 11h à Londres). Ils avaient prévenu que pour le troisième de la "journée", ils ne seraient pas forcément très frais.

Je me suis levé à l'aube ce dimanche pour aller vérifier cela en personne. Comme tous les week-end, le métro londonien ferme une partie de son réseau pour maintenance. Et bien sûr, aujourd'hui, c'est tombé sur mon quartier de l'ouest, rajoutant un peu de piquant à cette expédition plein est pour atteindre le Magazine London.

L'organisation avait envoyé plus tôt dans la semaine une liste d'instructions très claire : ne pas arriver avant 9h, être assis avant 10h45, le bar ferme pendant le concert, ne pas se lever pendant le concert et interdiction de prendre des photographies... Des stickers devaient être posés sur les caméras des téléphones, et même si la mesure n'a pas été appliquée, la consigne a été respectée et le public était plongé dans le spectacle sans avoir à penser à Instagram.

Arrivé à North Greenwich, des grappes de fans cherchent leur chemin. Nous sommes au pied de l'O2 , la plus grande salle de concert de Londres, mais tout le monde est un peu perdu. La salle choisie par The Smile est hors des circuits musicaux classiques et semble plus utilisée pour les événements corporate (salons, soirées de gala...) ou les tournages. Il fait beau et la balade dans la friche industrielle puis l'attente ne sont pas désagréables sous un ciel bleu. Contrairement aux idées reçues, il ne pleut pas assez à Londres et le ciel peut rester bouché pendant plusieurs jours.

Aujourd'hui tout le monde est VIP. Les places sont chères, mais même perché tout au fond, la visibilité est excellente : il n'y a que quinze rangs et pas de pit photo. Les fans sont bien accueillis, pas de fouille, un espace de réception gigantesque avec une vue imprenable sur la Tamise et la skyline de Canary Wharf. Le bar sert de la bière, mais aussi du thé, du café et des croissants.
La scène est ronde dans une sorte de cage formée par des barreaux couverts de LED. L'espace est rempli d'instruments : guitares, basses, amplis, claviers mais aussi un piano, une harpe et une batterie. Un énorme tapis recouvre une partie du sol, Jonny est en chaussettes. C'est un espace cosy, il ne manque plus qu'une vue imprenable pour en faire un studio de rêve. Mais aujourd'hui il ne s'agit pas pour le groupe de regarder vers l'extérieur, mais d'être regardé, les gradins sont installés tout autour.

Pour se mettre doucement dans l'ambiance, Zakia Sewell est derrière les platines avec une setlist très cool et organique pour un dimanche matin. A 11h pile, elle coupe doucement le son d'un dernier morceau. Les percussions disparaissent et le silence s'installe. Impression étrange que celle d'une salle de concert totalement silencieuse, tout le monde est dans l'expectative, un peu impressionné et impatient. Un poème est diffusé, avec un effet sur la voix, la signature de Radiohead.

Le groupe arrive décontracté et souriant, c'est leur troisième et dernier set, ils sont rodés et c'est la fin de leur marathon. Jonny prend sa basse, Thom s'assit au piano et Tom se met derrière la batterie pour Panavision. Sur le morceau suivant, Thom passe à la guitare, puis Jonny abandonne la basse pour les synthés avant de passer au piano de la main gauche et la harpe de la main droite. En trois morceaux les musiciens auront changé de configuration quatre fois.

Le groupe n'a publié que deux titres, ils sont donc pour la plupart inconnus du public, et pourtant les chansons semblent familières tant elles reprennent le son de Radiohead. La rythmique est syncopée, les guitares, quand il y en a, plutôt écorchées, la basse se veut rentre-dedans, et la voix de Thom Yorke bien présente. Les couches se superposent et il est étonnant de voir tout ce qu'ils arrivent à faire à trois.
Tout est beau, tout est fort, il n'y a jamais de passage à vide. Le public écoute religieusement, applaudissant à tout rompre entre les morceaux et reprenant son calme quand les musiciens jouent. Certtains se démarquent dès la première écoute, ils touchent au plus profond ou donnent envie de danser, voire de crier. L'album promet d'être impressionant.

Pas besoin de faire de blagues avec le public, la connexion est forte et personne n'a envie de faire des simagrées. Après une heure et treize morceaux parfaits, le groupe se retire sous une standing ovation. Les trois musiciens reviennent très vite et dans le seul moment de flottement du concert, Jonny ne sait plus s‘il doit prendre la basse ou une guitare et Thom hésite entre le piano électronique et le piano droit. L'interprétation de Just Eyes And Mouth n'en sera pas moins impeccable. Avant leur dernier titre It's Different For Girls, une reprise de Joe Jackson, Thom lâche que c'est absolument tout ce qu'ils ont en réserve, sans préciser s'il fait référence à leur répertoire ou à l'énergie qu'ils ont dépensé en trois concerts.

Après ce moment exceptionnel, je retourne à la réalité et sort ébloui par le soleil. C'est une expérience étrange que de quitter un concert en plein jour, déboussolé, comme victime de jet lag.
setlist
    Panavision
    The Smoke
    Speech Bubbles
    Thin Thing
    Open The Floodgates (Thom Yorke cover)
    Free In The Knowledge
    A Hairdryer
    Waving A White Flag
    We Don't Know What Tomorrow Brings
    Skirting On The Surface (Radiohead cover)
    The Same
    The Opposite
    You Will Never Work In Television Again
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    Just Eyes And Mouth
    It's Different For Girls (Joe Jackson cover)
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