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Chartreuse
Palace

Paris, Maroquinerie - 2 septembre 2022

Live-report par Adonis Didier

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Ah, la rentrée ! Finis les festivals, finies les siestes de l'après-midi entre deux arbres, fini ce maudit soleil et l'air frais qui court sur la peau entre deux pogos. Le retour annoncé aux salles obscures et enfumées se fera donc à la Maroquinerie de Paris, et quoi de mieux qu'être littéralement enterré au second sous-sol d'un bar de Belleville par une chaude soirée ensoleillée pour rompre définitivement avec l'extérieur ?

Chartreuse s'occupent donc de nous ramener à la réalité froide et cruelle de la vie en entamant leur set par Three Days et Keep Checking Up On Me, officiellement leurs deux chansons les plus connues. Dans les faits, on s'accroche à la vie de toutes nos forces pour ne pas mourir d'ennui. Le chant du frontman assis face à son piano est dépressif à souhait, la pianiste-choriste se demande si elle a bien éteint son Wi-Fi avant de partir, et le batteur et le bassiste se lancent des regards pour passer le temps. A noter, puisque l'on a que ça à faire, le bassiste et son style remarquable conjuguant cheveux frisés mi-longs surmontés d'une casquette Adadas, le tout accompagné d'un gilet sans manches brun-kaki, le dernier cri pour partir pêcher et camper. On ne lui en tiendra pas rigueur, le set nous prouve qu'aussi talentueux soit-il, il était bien venu ici pour camper sur sa marque au sol. Puisque deux chansons c'est long, j'en profite aussi pour vous dire qu'il y a cinquante-et-un spots au-dessus de la scène, fameux numéro anisé, dont vingt-et-un étaient allumés pour le set de Chartreuse. D'ailleurs, saviez-vous que la Chartreuse, pouvant être jaune ou verte, est un alcool fabriqué à la distillerie d'Aiguenoire, dans l'Isère, sous la direction des moines de la Grande-Chartreuse ?


Mais bref, le frontman se lève enfin, passe une Fender Stratocaster autour de son cou, et Never To Be Real nous donne enfin une raison de ne pas aller s'en jeter une au bar (sans parler de la déontologie journalistique). Le passage en configuration debout avec une guitare donne au groupe un frontman, qui même s'il a les yeux mi-clos pendant les trois-quarts du concert, a l'avantage de créer un peu de présence. Le groupe nous livre alors sur quelques morceaux une sorte de post-rock-pop bien plus appréciable que leurs deux premiers morceaux de pop névrosée insipide, pendant que la pianiste crée un peu de complicité avec le public à base de « I should have said bonjour » ou encore « we're Chartreuse, it's a french name ».
On retiendra donc des morceaux intéressants comme Never To Be Real, Deep Fat, ou Enemy's Belly mais un groupe qui manque encore de véritable présence live, avec des morceaux déroulés timidement, et à l'émotion trop intériorisée, clairement pas assez communicative. Ceci étant dit, le public, pourtant assez passif, et composé en majorité de jeunes femmes entre dix-huit et vingt-cinq ans, lancera une standing ovation à la fin du set. J'imagine que le public aussi à tendance à intérioriser son plaisir.

Passons maintenant à Palace, puisque c'est quand même pour eux que la Maroquinerie affiche complet en ce jour de rentrée des classes. Première remarque, les musiciens sont beaux, propres sur eux, avec des airs dynamiques et sympathiques parfaitement en accord avec leur musique. Le genre de mecs avec qui on irait bien boire un coup pour parler bar branché, yoga, et jus détox. Deuxième remarque, Shoals à peine débutée, on sent que le son a passé un cap, et remplit véritablement la salle. La guitare diffuse dans l'air, pleine de reverb, la batterie ne fait pas seulement métronome, elle frappe, résonne, et s'éclate contre les murs et les piliers, pendant que la basse s'avance d'abord à petit pas, avant de véritablement gronder à l'entame de la deuxième chanson, So Long Forever. La proximité vocale de Joe Wyndham avec Chris Martin, quasi jumeaux de cordes vocales, rapproche automatiquement Palace de Coldplay. Le fait est que leur musique, en général, nous y fait penser, même si on se dit que l'on échangerait bien le Coldplay nouvelle génération fluo-paillettes contre ces jeunes gens autrement plus dépouillés. Notamment pour ces moments d'intimité, Trouble On The Water en tête, durant lesquels Joe Wyndham joue, seul ou presque en guitare-voix avce deux spots à la lumière chaude braqués sur lui, pour un résultat tout simplement touchant. On se dit alors que le concert acoustique du lendemain au Supersonic Records doit valoir le coup. Il paraît d'ailleurs que c'était effectivement très pur et « tout mélodieux ».


Le reste du concert est agréable, cool, à l'image du groupe, dans une intensité très mesurée et avec finalement peu de moments détonants ou subversifs. Le nouvel album Shoals, très représenté, fonctionne plutôt bien, en particulier le couple Shame On You et Fade. Les musiciens se débrident un peu, guitare et basse se font face pendant les solos, et l'ambiance s'électrise. Mention spéciale au final de Face In The Crowd, qui sera le moment le plus rock du set, et la réaction d'un public enthousiaste ne trompe pas.
Quelques échanges avec ledit public parsèment d'ailleurs le live, dont une émotion qui semble non-feinte de revenir à Paris, comme pour de nombreux groupes enfin soulagés, en cette période qui semble plus sereine en matière de programmation de tournées. On apprendra aussi que Chartreuse est leur nouveau groupe préféré, malgré le fait qu'ils trouvent l'alcool associé passablement peu à leur goût (ndlr : awful en VO). C'est vrai qu'on les imagine plus facilement prendre un petit verre de vin blanc au bord de la plage à Versailles que s'envoyer de la Chartreuse au PMU du coin. Enfin, sommets de communion avec leur public, Live Well et Bitter sont sans surprise les deux principaux tubes du groupe, et Joe l'a bien compris en appelant le public à chanter les refrains avec lui, voire même seul, lorsqu'il tend la perche du microphone par-dessus la foule pour finir de motiver les rares réticents qui auraient oublié de réviser les paroles.

Un concert sympathique et propre sur lui, donc, dont les moments les plus savoureux auront tout de même été les plus sobres et les plus intimistes, le public ayant au mieux légèrement dansé sans jamais se livrer à des démonstrations de joie plus avancées. Mais nul doute que les fans du groupe auront infiniment apprécié cette performance sincère et carrée, aussi intérieur que leur bonheur a pu être dans la salle.
setlist
    CHARTREUSE
    Three Days
    Keep Checking Up On Me
    Never To Be Real
    Switch It On Switch It Off
    Feed Be Fed
    Deep Fat
    Enemy's Belly

    PALACE Shoals
    So Long Forever
    Lover (Don’t Let Me Down)
    Gravity
    Have Faith
    I Want What You Got
    Live Well
    Trouble On The Water
    Face In The Crowd
    Berlin
    Blackheath
    Shame On You
    Fade
    Heaven Up There
    Bitter
    Give Me The Rain
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    Veins
photos du concert
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