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Glass Animals

Paris, Olympia - 7 septembre 2022

Live-report par Adonis Didier

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L'Olympia à Paris, 20h58. Un écran cathodique géant affiche le bureau d'un ordinateur tournant sous Glass Animals OS, sorte de Windows 98 fluo, turquoise et rose, lequel est actuellement en plein téléchargement avant lancement du fichier Glass_Animals_Showtime.exe. Plus que 730Mb à télécharger sur 1450, et deux minutes annoncées par la barre suivant l'avancée. La pression monte, les cris aussi, à mesure que la barre se remplit, et que le compteur des secondes se rapproche de zéro. La salle est quasi pleine, le public surexcité. 10 secondes, 9, 8, 7, 6, 5, 4, 3, 2, 1... Et puis, plus rien. Coupure de l'écran. Certaines des lumières de la salle se rallument, comme à la fin du film. Les enceintes de l'Olympia relancent une musique de fond insipide, pour combler l'attente. 21h01. Puis 02, puis 03...

On entamera donc cette réunion tant attendue avec nos hipsters préférés par un faux départ, dans les grandes largeurs. La scénographie adoptée pour le Dreamland Tour étant une estrade représentant un bord de piscine, avec petite échelle, plongeoir, panneau de basket, et néons brillants indiquant Hotel et Pool. On prendra ce petit loupé pour ce qu'il est, c'est-à-dire un trempage de jambe jusqu'au mollet, avant de renoncer temporairement jusqu'à se faire balancer dans la piscine, pour ne plus jamais vouloir en sortir. 21h05. L'écran cathodique se rallume. Le téléchargement reprend à 30 secondes restantes. Les hurlements et les acclamations remontent comme si de rien n'était. Allez, comme on dit, si tu reviens j'annule tout. 10 secondes, 9, 8, 7, 6, 5, 4, 3, 2, 1. 0. Toutes les lumières se coupent, seuls les néons de la scène restent allumés, et brillent d'une couleur entre azur et turquoise, cernés par la vague sonore se fracassant contre les barrières de la fosse, tourbillon de fougue et d'impatience débordant du jeune public présent ce soir.


Life Itself se charge de nous jeter tout habillé dans la piscine Glass Animals. Dave Bayley harangue déjà, court partout (bien aidé par sa guitare en Bluetooth), tourne sur lui-même d'un bout à l'autre de la scène, et, toute la soirée, n'aura pour but que de faire monter en température un public déjà extrêmement chaud. Entame iconique du premier refrain de la chanson, Dave tend le micro et laisse le public connaisseur répondre de lui-même « I look fantastic ». L'intégralité de la salle, fosse, mezzanine, et balcons compris, est déjà débout. Tangerine aura elle aussi droit à une coupure sonore avant le lancement du dernier refrain, chaque arrêt ne faisant qu'amplifier l'intensité de la réponse lancée par la salle à un Davey Dave tourbillonnant, à l'énergie inépuisable.
Le frisson du choc thermique enfin encaissé et digéré, The Other Side Of Paradise nous plonge la tête sous l'eau avec la ferme intention de ne jamais la laisser remonter. Chaque drop de basse, de l'intro au refrain, accompagné d'un même drop de toutes les lumières, est une avalanche de vibrations et de graves, alignant le rythme de nos organes internes sur la temporalité des coups de semonce, tous salués par Dave d'une descente sur les cuisses et d'un coup de rein, les deux coudes jetés en arrière. Premier sommet, l'intensité et la qualité du concert ne redescendra plus.

Space Ghost Coast To Coast nous permet de mieux découvrir Edmund Irwin-Singer, bassiste et claviériste de son état, lorsqu'il s'avance et nous fait admirer sa chemise à jabot fleurie et sa basse, blanche, une Hofner en forme de violon, Paul McCartney vous connaissez ? Waterfalls Coming Out Of Your Mouth, subjectivement la meilleure chanson de Dreamland, fait une nouvelle fois honneur à l'option bass boosted du sound system de l'Olympia, comme on pouvait l'attendre d'un dernier album embrassant sans complexe les inspirations hip-hop et électro que le groupe cultive maintenant depuis un bon moment. L'écran cathodique nous abreuve de collages Photoshop d'un futur tel qu'on le voyait il y a quarante ans, pendant que les néons se partagent le code couleur, entre cyan et rose flashy. L'hommage à Miami Vice et aux années 80 est partout, tout ça sent bon South Beach, les après-midi chill en mini-maillot au bord de la piscine, et les courses-poursuite en hors-bord. Glass Animals ont définitivement lâché Oxford, et en même temps Wavey Davey a passé toute son enfance aux Etats-Unis.


Les tubes s'enchaînent, Your Love (Déjà Vu) est ouverte avec Dave seul au piano, un simple spot braqué sur lui. Le dépouillement durera environ dix secondes, et les nappes de basse synthétiques viendront remettre les pendules à l'heure. Take A Slice projette dans un délicieux délire psyché, suivi par un fond fait de fractales multicolores développées en slow motion. Même la pourtant kitsch à souhait I Don't Wanna Talk (Just Wanna Dance) se transforme en live en machine à faire danser la foule. La chaleur est réelle, étouffante, et le taux d'humidité de la salle tient plus de la jungle subtropicale que de la région parisienne.
Vous avez dit jungle ? Gooey, seule rescapée du premier album des anglais, fonctionne pourtant toujours aussi bien, et sans doute encore mieux qu'à l'époque. Dave descend de sa piscine piédestal, et chante la quasi-totalité de la chanson porté par un vigile, tout en lançant des regards complices à chacun des excités surchauffés présents dans la fosse. Derrière lui, les néons imitent un bleu fluo des fonds marins, l'écran de l'ordinateur aligne les créatures marines de type méduse, seiche, calamars, et consorts, l'immersion sous l'océan est totale, et l'on se met à chanter comme Ariel dans La Petite Sirène. Ou comme les murènes, car oui on crie déjà sans discontinuer depuis une bonne heure.
Dave en profite pour rappeler que cela fait maintenant six ans, et la tournée How To Be A Human Being, que le groupe n'avait plus joué à Paris. Il promet au passage de revenir plus vite que ça, damn Covid, et remercie un public rendant au groupe une ovation d'une force délirante. Nos quatre musiciens hipsters sont émus, tergiversent un peu, on les comprend, et Davey finit par annoncer qu'un nouvel album ne devrait plus trop tarder, tout ça en sortant un ananas d'une main, et en attaquant Pork Soda de l'autre (oui, vous avez bien lu).


Quelques minutes plus tard, et l'option Encore du fichier .exe dûment sélectionnée, le groupe revient sur scène, et on subodore déjà très fortement la suite en entendant le timbre qui s'échappe des claviers. Tokyo Drifting finit d'achever le tabassage à coup de kicks dans les infrabasses, ça coupe et ça relance dans tous les sens, et Dave continue d'enchaîner les pas de danse et les spins moves comme sur la piste du Pink Panther un samedi soir à 2h du mat'. Pas le temps de regretter que Denzel Curry n'ait pas fait un saut pour honorer son featuring, ni que Dave n'ait pas tenté de le remplacer pour jouer les MCs supersoniques, en fait seulement le temps de faire un petit dessin sur la pancarte d'un fan en joie, et la fin se profile déjà. C'était couru d'avance, Heat Waves et son énorme buzz TikTok viennent clore la soirée. Le dernier pont monte, encore et encore, et Wavey Davey s'arrête, demande au public s'il est prêt, s'il est vraiment prêt, on coupe, action, le dernier refrain tombe, repris par toute la salle dans une communion globale, bien aidée s'il le fallait par les paroles défilant devant un fond de jeu de course de borne d'arcade et panneau Hollywood de série. Mode karaoké activé, histoire de terminer les cordes vocales, avant l'extinction des lumières, et l'arrêt de l'ordinateur à remonter dans le futur du passé.

De la générosité, de la chaleur moite, des wagons de basses, beaucoup de néons, des couleurs aussi rétro-futuristes que flashy, un frontman qui tourbillonne sur scène avec une guitare et un ananas dans les mains, et tout votre corps qui s'agite de la première à la dernière minute. Un concert de Glass Animals c‘est ça. Ça et bien d'autres choses.
setlist
    Life Itself
    Tangerine
    Poplar St.
    The Other Side Of Paradise
    Space Ghost Coast To Coast
    Waterfalls Coming Out Your Mouth
    Your Love (Déjà Vu)
    Take A Slice
    I Don't Wanna Talk (Just Wanna Dance)
    Youth
    Helium
    Gooey
    Pork Soda
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    Tokyo Drifting
    Heat Waves
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