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Glass Animals

Interview publiée par Cyril Open Up le 17 février 2014

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Les compositions obsédantes du groupe originaire d'Oxford Glass Animals risquent bien d'accrocher l'oreille dans les prochains mois. En ce doux mardi 17 décembre 2013 très ensoleillé, nous sommes allés à la rencontre de Dave Bayley et Joe Seaward (tous deux membres de ce quatuor) en terrasse d'un café parisien pour mieux faire leur connaissance au lendemain de leur prestation au Trianon en ouverture du concert de Tricky. Retour sur ce moment très détendu avant la sortie de leur premier album dans quelques semaines et leur venue le 18 février prochain en première partie de la new-yorkaise St. Vincent à La Cigale.

Commençons par le début, comment vous êtes-vous rencontrés ?

Dave : On s'est rencontrés il y a longtemps, c'était il y a dix ans quand on était à l'école ensemble. On était très bons amis et on a commencé à envisager de former un groupe.

Pourquoi avez-vous choisi ce nom pour le groupe ? Quelle information voulez-vous véhiculer avec ce nom ?

Joe : Notre nom est censé refléter notre musique et son côté fragile. On a pensé à plusieurs noms et c'est celui-ci qui nous a tous mis d'accord.
Dave : Oui, une fois après l'avoir choisi, on s'est dit qu'on ne pourrait pas en trouver un meilleur.

J'ai lu des articles qui vous comparent à Alt-J, Wild Beasts et j'ajouterai de mon point de vue The Antlers et d'une certaine façon Django Django également. Qu'en pensez-vous ?

Dave : Il est toujours très bon d'être comparés à d'autres groupes qui font des choses intéressantes avec des sons différents. Ce ne sont pas forcément des groupes que nous écoutons.
Joe : Oui, c'est assez étrange d'être comparés avec certains groupes qui sont cités régulièrement et que personne au sein du groupe n'écoute.

J'aime beaucoup écouter des nouvelles personnes qui font des choses étranges, pas mal de petits producteurs mais aussi Flying Lotus, Burial, Four Tet, des gens qui font des choses vraiment nouvelles.

Quels sont les groupes qui vont ont le plus influencé ?

Dave : On écoute pas mal de hip-hop, beaucoup de disques de Kendrick Lamar, énormément de Kendrick Lamar... (rires)
Joe : Sérieusement, un peu trop même.
Dave : Quand on est en tournée, à chaque fois qu'on arrive dans la ville où nous allons jouer, on passe le disque de Kendrick Lamar à fond avec les enceintes de notre van qui crachent des basses. On écoute aussi pas mal de Dr. Dre, de Notorious B.I.G., ce genre de choses...
Joe : Flying Lotus également.
Dave : Oui, pas mal de nouveaux producteurs. J'aime beaucoup écouter des nouvelles personnes qui font des choses étranges, pas mal de petits producteurs mais aussi Flying Lotus, Burial, Four Tet, des gens qui font des choses vraiment nouvelles. On s'intéresse aussi à Animal Collective mais également à d'anciens groupes comme CAN et d'autres artistes de krautrock.
Joe : Nous sommes assez éclectiques.
Dave : Ça peut aussi passer par le R'n'B 90s comme les Destiny's Child, Joe aime bien ce genre de trucs.

Votre musique contient un peu de pop, un peu d'électro, un peu de R'n'B et un peu de hip-hop...

Dave (m'interrompant) : Tu trouves ?

Oui, je trouve !

Dave (m'interrompant) : Cela doit ressortir de tout ce que l'on écoute. (rires)

Et vous comment qualifierez-vous votre musique ?

Dave : Je ne sais pas. Je n'y ai même jamais pensé. Dans quel genre pourrait-on nous classer ?
Joe : Nous classer nous-mêmes dans un genre... J'ai toujours pensé que c'était ce qu'il y avait de plus compliqué. A chaque fois que je croise quelqu'un qui me demande "qu'est-ce que tu fais comme style de musique avec ton groupe ?", je réponds toujours "pfff, je n'en sais rien !". Je pense que c'est très difficile parce qu'on est en plein dedans. Je n'entends pas notre musique comme les autres l'entendent je pense.
Dave (s'adressant à moi) : Et toi, quel est ton avis ? Où classerais-tu notre musique ?

Je ne saurais pas dire non plus...

Dave : Tu ne saurais pas dire. Exactement ! (rires)

Vos premiers morceaux ont été enregistrés dans un homestudio à Oxford et vous avez décidé d'aller enregistrer votre album à Londres. Qu'est-ce qui vous a poussé à aller là-bas ?

Dave : Tout ce que nous faisions à Oxford se faisait au ralenti. On n'avait pas vraiment du très bon matériel, un ordinateur complétement dépassé et pour enregistrer quelque chose, cela prenait des plombes. Cela n'en valait pas la peine. Il fallait que l'on sorte de là pour que l'on puisse mettre à plat plus d'idées, plus vite et utiliser plus de matériel.

Ce sont plutôt de bonnes raisons.

Dave : Oui, je trouve aussi (rires)

Pouvez-vous nous parler un peu plus de votre album qui sortira bientôt ? Il n'est pas encore terminé ?

Joe : Nous n'en sommes plus très loin.
Dave : Oui, on y est presque.

Y trouvera-t-on des titres qui étaient présents sur vos EPs ?

Dave : Peut-être, peut-être un ou deux mais on aimerait sortir un album entièrement neuf. On verra bien au moment de la sélection, à priori tous les titres ont leur chance.
Joe : On a pas mal de nouveautés.
Dave : On commence à avoir pas mal de morceaux parmi lesquels choisir désormais. Il ne reste plus qu'à sélectionner ceux qui pourraient faire le meilleur album.

Combien de chansons avez-vous écrites pour ce disque ?

Dave : Plutôt pas mal, entre vingt et vingt-cinq, je dirais.
Joe : Oui, mais il y en a surtout quinze parmi lesquelles on n'arrive pas à se décider.

Comme vous venez d'Oxford, il est quasiment impossible de ne parler de Radiohead. Que pensez-vous de ce groupe ?

Dave : J'aime Radiohead.
Joe : On aime tous Radiohead en fait et je crois que c'est une des raisons pour laquelle nous sommes devenus amis. C'est en effet un des goûts communs en musique que nous avons tous.
Dave : Nous avons tous des goûts musicaux différents comme Joe qui écoute beaucoup de hip-hop et R'N'B, un autre écoute énormément de musique classique et de jazz mais il se trouve que nous aimons tous Radiohead. Ce groupe nous a un peu rapproché.
Joe : On est assez fiers qu'un groupe comme Radiohead vienne d'Oxford.
Dave : Nous avons joué notre premier concert dans la même salle où ils ont donné leur tout premier concert ! C'est un bel endroit.

Connaissez-vous et êtes-vous en relation avec d'autres groupes de la scène locale ? Vous me recommanderiez de me pencher plutôt sur lesquels ?

Joe : Des petits groupes ou des gros groupes ?

Comme tu veux !

Joe : Je ne crois pas qu'on en connaisse personnellement en fait ! Foals aussi viennent d'Oxford.
Dave : Foals sont vraiment très bons.

Oui, j'avais oublié qu'ils venaient aussi d'Oxford !

Joe : Il y a quelques années, des petits groupes s'associaient entre eux et jouaient dans des entrepôts, c'était assez cool mais on n'en a jamais fait partie.
Dave : Oui, on était encore à l'université quand cela s'est mis en route et cela était terminé quand on en est sortis. Cela serait en effet pas mal de connaître d'autres groupes d'Oxford mais on est un peu dans notre propre univers en ce moment.

J'ai toujours assez peur de dire de quoi les paroles parlent exactement et de ce qu'elles peuvent signifier pour moi alors que quelqu'un d'autre pourrait comprendre totalement autre chose.

Les paroles de vos chansons sont un peu bizarres et mystérieuses comme dans Cocoa Hooves, de quoi parlent-elles en fait ?

Dave (rires) : On me pose cette question trèss souvent. J'ai toujours assez peur de dire de quoi les paroles parlent exactement et de ce qu'elles peuvent signifier pour moi alors que quelqu'un d'autre pourrait comprendre totalement autre chose. Je ne voudrais donc pas influencer l'interprétation de chacun mais il y a toujours à la surface de petites histoires. Pour faire court, Cocoa Hooves parle d'une chèvre assise dans son salon qui se remémore son passé. Il s'agit quasiment toujours de petites histoires sur des petits animaux. (rire) Oui, je sais c'est assez étrange. (éclat de rire)

Lors des phases d'écriture, réfléchissez-vous à la façon dont vous jouerez les titres en concert ?

Dave : Non, certainement pas. Cela a d'ailleurs posé quelques soucis car nous avons une politique très stricte contre les "backing tracks". Du coup, on met quelques trucs de côté comparé aux versions studios mais ces passages enregistrés sont une mauvaise chose. Ils anéantissent toute liberté d'interaction avec le public. Si tu es en face d'une foule qui est dans une ambiance chillout et que tu arrives avec tes backing tracks, cela fige le tempo et tu ne pourras pas t'adapter. Du coup, on ne s'en sert pas.

Cela empêcherait toute part d'improvisation...

Dave : Oui, exactement.
Joe : Le concert peut être différent tous les soirs.
Dave : Oui, c'est plus varié ainsi. Par exemple, si c'est un concert tardif, on peut faire un set beaucoup plus dansant.

Dave, tu as fait des études de neurosciences, cela t'a-t-il aidé à construire des chansons addictives et hypnotiques ?

Dave (éclat de rire) : Non, je ne pense pas. (rires) Non, pas directement mais peut-être qu'en cherchant bien en profondeur dans mon cerveau... J'ai oublié la plupart des choses médicales que j'ai apprises désormais. Les autres membres du groupe me consultent cependant quand ils se sentent un peu malades et me demandent ce que je pourrais faire pour les aider à aller mieux mais je leur dis qu'il vaut mieux demander à quelqu'un d'autre.
Joe : Tes études t'ont un peu influencé pour les paroles.
Dave : Oui, cela m'a aidé pour une partie des paroles. J'ai fait beaucoup d'études sur la psychiatrie. Tu entends tellement d'histoires intéressantes en psychiatrie. Chaque patient te raconte une histoire différente. Pas mal des paroles les plus anciennes, quoique c'est également le cas des plus récentes, incorporent une partie de ces histoires à un certain point.

Vous avez joué avec Tricky hier soir, aimez-vous sa musique et avez-vous apprécié le concert ?

Dave : Oui, on est restés pour voir son concert et c'était très différent de ce à quoi je pouvais m'attendre. J'écoutais beaucoup ses disques, c'est une légende du trip-hop. J'écoutais pas mal d'albums de Massive Attack, de Tricky ou de Portishead.
Joe : Son premier album est épatant.
Dave : Oui, son premier album est excellent. Le concert hier soir était bien plus dur et intense que ce à quoi je m'attendais.
Joe : J'ai été assez impressionné, j'ai trouvé que le groupe était très soudé.
Dave : Ça a été un honneur pour nous qu'il nous demande de faire sa première partie.

Je vous avais loupé à La Flèche d'Or...

Dave (m'interrompant) : C'était cool comme concert, j'ai bien aimé le lieu.
Joe : Le public aussi était très agréable.
Dave : Oui, très beau lieu et bon public. J'aimerais beaucoup y rejouer. C'est quand vous voulez ! (rires)

Dans quelle autre salle, vous êtes-vous produits à Paris ?

Dave : Au Point Éphémère, un très bon endroit également ! Il y a vraiment de bonnes salles à Paris !

Et que pensez-vous du public parisien ?

Dave : C'est un très bon public.
Joe : C'est un public assez cool. Il est assez similaire au public londonien. J'ai senti que les gens étaient attentifs, ils n'étaient pas complétement fous.

J'aime le public parisien, il a l'air d'être là pour écouter la musique.

C'était un lundi soir aussi !

Joe : Oui c'est vrai mais j'aime le public parisien, il a l'air d'être là pour écouter la musique.
Dave : Oui, j'ai trouvé les gens mystérieusement silencieux pendant que nous jouions, cela montrait qu'ils écoutaient.

Les pochettes de vos disques sont très colorées et même assez psychédéliques ...

Dave (rire) : Oui, j'avoue, tout est de ma faute. J'ai fait quelques pochettes de nos disques.

Quel est votre rapport à la musique psychédélique ?

Dave : La musique psychédélique est très bonne, Pink Floyd, Jimi Hendrix, ce genre de groupes, j'ai grandi avec tout ça. Mon père était très adepte de ces groupes. Il me faisait écouter pas mal de Rolling Stones et de Beatles également mais plus particulièrement la période psychédélique des Beatles. Ce sont donc des groupes qui sont ancrés en moi.

Dans la vidéo pour illustrer votre chanson Psylla des plantes poussent sur vos cadavres. Quel message essayez-vous de nous faire passer ? Est-ce une métaphore et de qui provient cette idée ?

Dave : Oui, c'est en partie notre idée l'histoire des plantes qui poussent sur nos corps.
Joe : Nous voulions que le réalisateur de la vidéo (ndlr : Rafael Bonilla Jr.) apporte sa vision artistique de notre chanson. C'est donc surtout son interprétation de notre musique. Nous lui avons soumis cette idée et il l'a incorporée. C'est assez étrange, c'est un mec un peu farfelu.
Dave : Oui, c'est un mec farfelu.

C'est un réalisateur qui vient d'Oxford ?

Joe : Non, non, c'est un réalisateur qui vient de Los Angeles.

Comment l'avez-vous rencontré ?

Dave : On a vu une des autres vidéo qu'il avait faite. Je crois que c'est Joe qui est tombé dessus, il me l'a montré et je me suis dit que c'était vachement bien. On lui a alors envoyé un mail et il était partant car il aimait notre musique. Il est probablement le premier à nous avoir questionné sur le sens profond de nos vidéos.

Comment avez-vous enregistré le morceau avec Jean Deaux ?

Dave : J'ai toujours aimé le rap et j'ai un ami qui suit de près les jeunes rappeurs. Il m'a parlé d'elle, j'ai écouté ce qu'elle faisait. J'ai trouvé un morceau spoken word a-capella d'elle et ça m'a scotché. Je suis rentré en contact avec elle puis je suis allé à New-York. On est entré en studio et c'était un très bon moment.

Nous approchons de noël, c'est la période des voeux et des souhaits, avec quels artistes rêveriez-vous de collaborer à l'avenir ?

Joe : Beyoncé, ce serait top.
Dave : Beyoncé, Dr. Dre et Timbaland. Ce sont nos rêves les plus fous. (rires) Dans ce que j'ai pu écouter dernièrement, cela serait MF Doom. J'ai pas mal écouté MF Doom, cela serait extraordinaire. Il y a pas mal de bons rappeurs en ce moment.

C'est également la saison des tops, quels ont été vos albums marquants en 2013 ?

Dave : Je n'ai pas vraiment eu le temps d'y réfléchir. Le nouveau Tame Impala c'était cette année ou l'année dernière ?

C'était plutôt en fin d'année dernière il me semble.

Dave : Unknown Mortal Orchestra ont sorti un bon disque. Le disque de James Blake était très bon. Acid Rap par Chance The Rapper, c'était très bon également ainsi que Earl Sweatshirt. Qu'est ce qui est donc sorti encore ? On n'a pas trop eu le temps de s'y pencher ces derniers mois comme nous étions en studio. Je n'ai donc pas écouté le nouveau Arcade Fire.
Joe : Queens Of The Stone Age ont également sorti un bon disque.
Dave : Oui, le Queens Of The Stone Age était pas mal en effet. Joe et moi ne sommes pas d'accord à propos du nouveau Arctic Monkeys, Joe ne l'aime pas et je le trouve pas mal. Mais cela n'est pas grave nous sommes souvent du même avis sur les plus importants : Kendrick Lamar, Radiohead et Beyoncé. Je rigole mais Joe vient tout juste d'avoir le nouveau Beyoncé et il est très excité ! (rires)