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Morrissey

Londres, Brixton Academy - 11 octobre 2022

Live-report par Laetitia Mavrel

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Les années passent mais Morrissey reste, comme un monolithe dans notre paysage musical, à l'ombre imposante et à l'allure imperturbable. L'anglais est ce type d'artiste qui a construit inlassablement sa légende mais n'a pas cédé comme d'autres grands noms du rock à la manie de s'éclipser dans la fleur de l'âge. Bien au contraire, comme pour confirmer sa réputation d'empêcheur de tourner en rond, ce dernier a décidé de vieillir avec nous, tout en maintenant un nombre de fidèles incalculable, au nez et à la barbe de tous les détracteurs qui refusent de continuer à voir en lui le génie de la prose qui a inspiré tant de générations de musiciens.

Octobre 2022 : c'est au Royaume-Uni qu'il faut se rendre pour aller écouter Morrissey en live. Ainsi, c'est une tournée de dix dates entre l'Irlande, l'Écosse et l'Angleterre qui se déploie sur quatre semaines et dont la résultante était ouverte à toutes les interrogations, l'artiste n'ayant à ce jour toujours pas signé pour la sortie d'un nouvel album qu'il couve depuis quelques temps maintenant. Alors, que faire en attendant ? Patienter jusqu'à ce que les labels cessent l'opération boycottage du musicien ou prendre les devants à grand renfort de tunnel sous la Manche, de trains anglais en grève et autres gares routières bondées ? C'est évidemment la deuxième option qui s'impose et c'est appâté par la qualité des nouveaux singles diffusés uniquement sur le net que quatre dates seront sélectionnées dans la liste des concerts afin de vérifier s'il fait toujours bon accorder sa confiance à celui qui trône dans le panthéon des meilleurs paroliers de la chanson britannique depuis maintenant quatre décennies.


Suivre Morrissey en tournée est une expérience unique. D'une part du fait de son répertoire d'une richesse luxuriante entre The Smiths et sa carrière solo. Ce qui fait l'unanimité est le don que détient Morrissey pour exprimer de façon transcendante n'importe quel type d'émotion, grâce à une écriture intelligente et toujours facétieuse. D'autre part, il est toujours fascinant d'observer le microcosme qui gravite autour du chanteur : guidés par une passion qui pour certains d'entre eux frôle la limite du déraisonnable tant dans les signes extérieurs que dans le comportement excessif, les fans du mancunien sont néanmoins d'une fidélité à toute épreuve. Se retrouvant à chaque concert, comme une famille le ferait tous les dimanches, les fans mettent dans les salles visitées une ambiance de feu, et la pareille est rendu par un Morrissey qui, de date en date, s'impose par son charisme et son infaillible talent d'interprète.

C'est à Londres que nos valises se posent ce soir pour le second show dans la capitale, celui-ci à la Brixton Academy. Temple du rock et du punk, la grande coupole nous accueille avec les 5000 autres spectateurs dans une salle qui affiche sold-out comme la quasi-intégralité des dates de cette tournée d'automne. Sans première partie, commençant par une petite demi-heure de vidéo clips dévoilant certaines des idoles de Morrissey comme les New York Dolls, Eddie Codhran, T-Rex, Vince Taylor ou les Sex Pistols, l'ambiance chauffe graduellement dans la salle. En dépit du fait que de nombreux spectateurs présents aient déjà assisté à un ou plusieurs concerts les semaines précédentes, l'attention est religieuse quand ces images sont diffusées. Puis, sans transition, l'écran vidéo géant qui servira tout au long du concert pour illustrer chacun des morceaux avec un montage d'images d'archives dont Morrissey a le secret, s'illumine et ce dernier arrive sur scène accompagné de son back up band version 2022 composé de Jesse Tobias à la guitare, Gustavo Manzur au clavier, Brendan Buckley à la batterie, Juan Galeano Toro à la basse, célébrant au passage le grand retour d'Alain Whyte.


Au travers de morceaux tubesques en solo ou des Smiths, ou lors de chansons plus rares et intimistes, Morrissey parcourt en une heure et quarante-cinq minutes une discographie riche, soignée, toujours en phase avec ses pérégrinations personnelles comme professionnelles, donnant ainsi l'occasion d'une petite introduction toujours un brin sarcastique avant chaque morceau. Morrissey continue de développer cette personnalité clivante qui ne souffre d'aucune hypocrisie, quitte à déclencher les réactions hostiles et s'attirer les foudres du petit monde de la musique.
Des classiques des Smiths (How Soon Is Now?, Shoplifters Of The World qui fait sa rentrée ce soir même, Never Had No One Ever et le bouleversants Half a Person et Please, Please, Please Let Me Get What I Want) à ceux de Morrissey (Everyday Is Like Sunday, Irish Blood English Heart, The Loop ou l'entêtant Jack The Ripper), les nouveaux morceaux sont alors mis en rodage. Parmi ceux là figurent le presque punk Sure Enough, The Telephone Rings, le très poppy I Am Veronica et le morceau qui a entretenu des polémiques injustifiées, Bonefire Of Teenagers, à propos de l'attentat à la bombe à l'Arena de Manchester. On y retrouve une prise de position ferme de son créateur qui affirme à nouveau sa forte personnalité, ne s'imposant aucune entrave dans la transposition de ses sentiments, qualité qui l'a toujours défini depuis ses débuts, que l'on adhère ou non au contenu.


Les morceaux du dernier disque I Am Not A Dog On A Chain tels Knockabout World et le touchant My Hurling Days Are Done permettent quant à eux de réaliser à quel point la plume de Morrissey sait parfaitement s'accommoder du temps qui passe inexorablement et leur maturité comme leur harmonie appellent à se replonger plus intensément dans ce dernier opus, si ce n'est déjà fait.

Avec le costume qui tombe petit à petit pour finir le rappel en tee-shirt rapidement jeté telle une relique dans la foule qui en vient souvent aux mains pour obtenir un bout de l'étoffe, c'est toujours la même énergie et dévotion que nous nous ne cessons de trouver chez Morrissey depuis toutes ces années, et la masse surexcitée et en grande partie masculine (ce qui vous fait vous sentir toute petite, même si vous ne l'êtes pas vraiment) de la Brixton Academy a fait honneur à la réputation de cette salle mythique. Le peuple londonien a encore eu la preuve que Morrissey, bien plus qu'un nom ou qu'une réputation d'emmerdeur, est un géant qui n'est pas près d'être détrôné du fameux panthéon cité précédemment.
setlist
    How Soon Is Now?
    We Hate It When Our Friends Become Successful
    Our Frank
    Knockabout World
    First of the Gang to Die
    Irish Blood, English Heart
    Shoplifters of the World Unite
    Sure Enough, the Telephone Rings
    Rebels Without Applause
    I Am Veronica
    Half a Person
    My Hurling Days Are Done
    Bonfire of Teenagers
    Everyday Is Like Sunday
    Never Had No One Ever
    Have-A-Go Merchant
    The Loop
    Please, Please, Please Let Me Get What I Want
    Jack the Ripper
    --- Sweet and Tender Hooligan
photos du concert
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