logo SOV

And Also The Trees

Montreuil, La Marbrerie - 22 février 2023

Live-report par Laetitia Mavrel

Bookmark and Share
L'adage « Mieux vaut tard que jamais » résonne particulièrement dans la tête de votre chroniqueuse au lendemain du concert de and also the trees à la Marbrerie de Montreuil. Il s'agit ici de rentrer dans l'univers d'un groupe culte, en d'autres termes seulement connu d'une poignée d'initiés, guère présent dans les rayons de la FNAC et en contradiction d'avec les codes d'aujourd'hui de par sa discographie sommairement disponible sur les plateformes de streaming. Mais alors, comment en vient-on en 2023 à se rendre au concert de and also the trees, un mercredi soir un peu morose de février et surtout, au-delà du périphérique ? La réponse me concernant se trouve parmi le karma, l'alignement des planètes ou le remplacement à la dernière minute d'un collègue lors du passage du groupe dans la capitale en octobre 2021, m'amenant à tendre l'oreille vers une des formations les plus élégantes qu'a produit l'Angleterre ces quarante dernières années.

C'est donc à la suite du choc reçu lors du dernier concert à la Maroquinerie, si bien rapporté par un de nos deux experts au sein de la rédaction, que je me suis intéressée à and also the trees, groupe protéiforme mené par les frères Simon et Justin Jones, lesquels déclinent depuis maintenant quatre décennie une série d'albums toujours à contre-courant des tendances, produisant systématiquement des disques où poésie et haut sens du lyrisme s'expriment au travers d'une musique envoûtante, vaporeuse, très intelligente mais sans jamais être prétentieuse. Les paroles sont une succession de contes qui nous parlent de femmes et d'hommes aux histoires tantôt tragiques, tantôt romantiques, où l'on prend le temps de nous dépeindre des paysages quant à eux tantôt dévastés, tantôt bucoliques, le tout avec une délicatesse et une justesse qu'un nombre restreint de compositeurs interprètes peuvent se vanter de posséder.


Le cadre étant posé, retour à Montreuil où le concert affiche quasi complet et où les spectateurs présents sont en majorité des fans de longue date, venant partager leur passion pour ce groupe dont l'extrême discrétion le rend d'autant plus fascinant. Le concert de ce soir fait suite à la sortie de The Bone Carver, quatorzième album studio paru six années après un Born Into The Waves qui confortait le line-up actuel du groupe et actait l'étoffement de leur musicalité par la présence de Colin Ozanne au clavier et à la clarinette ainsi que Grant Gordon à la basse.

L'entrée sur scène se fait avec les musiciens prenant place dans la quasi-pénombre (Colin Ozanne, Grant Gordon, Paul Hill à la batterie), suivis de Justin Jones à la guitare et enfin de Simon Huw Jones, drapé dans son long manteau sombre qu'il laissera tomber au bout de quelques minutes malgré la relative fraîcheur apportée par les murs en béton brut de la salle. Le raffinement des morceaux de la setlist coïncident ainsi avec l'élégance vestimentaire des membres du groupe et l'incroyable charisme de Simon Jones, qui impose de son timbre de voix chaud et monocorde cette profondeur et cette légère tension que l'on perçoit à l'écoutes des disques.

La présence scénique de Simon Jones est le reflet fidèle de l'ambiance que distillent les albums ainsi explorés. Comme lui-même hypnotisé par ses propres chansons, le visage tendu, les yeux clos et venant haranguer fougueusement le public à ses pieds, ou au contraire se recroquevillant sur scène comme pour se replier dans son propre univers, le chanteur porte en lui même tout ce que représente and also the trees aux yeux et aux oreilles des fans. The Bone Carver occupe le plus d'espace dans la setlist avec cinq de ses morceaux les plus captivants tels A Bed In Yugoslavia, The Book Burner et le captivant The Seven Skies aux envolées si prenantes. Le voyage dans la discographie semble plutôt bien équilibré et l'écho si moderne en live des singles les plus anciens tels Virus Meadow, Scarlet Arch et Maps In Her Wrists And Arms démontre la solidité des compositions des frères Jones.


Plus d'une heure et demie de concert où les esprits et les sens s'évadent dans des contrées lointaines, aussi belles que sauvages et teintées de cet imaginaire que nous évoquent les peintures de Turner ou les livres de Jane Austen, emplis de ce romantisme et de ce dépouillement que l'on retrouve dans les campagnes anglaises reculées, de celles dont proviennent Justin et Simon Jones, qui n'ont eu de cesse durant leur carrière d'y puiser leur inspiration.
Le rappel verra le titre éponyme du dernier opus joué avec une nouvelle plongée dans les années 80 grâce à Shaletown, A Room Lives In Lucy et un retour aux tous débuts avec Wallpaper Dying. Malgré la fin du concert, et porté par les applaudissements incessants du public, le groupe revient pour entamer So This Is Silence, qui apporte cette petite touche – oserons nous cette facile comparaison d‘avec leurs bienfaiteurs – « curiste » à ce groupe qui a pourtant rapidement pris ses distances d'avec les tendances punk gothiques et autres cold wave qui régnaient dans les charts anglais à leur débuts, quitte à se mettre en orbite de la planète rock britannique et devenir ainsi aussi rare que précieux.

L'exploration de la galaxie and also the trees s'annonce des plus passionnantes, et il n'est donc jamais trop tard pour s'y atteler.
setlist
    In A Bed In Yugoslavia
    Beyond Action And Reaction
    Your Guess
    Maps In Her Wrists And Arms
    Scarlet Arch
    The Book Burners
    Virus Meadow
    Bridges
    The Seven Skies
    Dialogue
    The Legend Of Mucklow
    Winter Sea
    Missing
    Rive Droite
    ---
    Shaletown
    Wallpaper Dying
    The Bone Carver
    A Room Lives In Lucy
    ---
    So This Is Silence
photos du concert
    Du même artiste