Dix années désormais suite à l'annonce de la reformation du groupe après deux décennies de pause, la popularité de Slowdive n'a sans doute jamais été aussi grande qu'aujourd'hui, à l'image de celle du mouvement shoegaze en pleine renaissance. Déjà renforcée par la publication de leur album éponyme en 2017, celle-ci a repris sa trajectoire ascendante depuis quelques mois maintenant et la présentation de
everything is alive en septembre dernier, suivie en ce début d'année 2024 par une tournée en Europe à guichets fermés pour la majorité des dates. L'escale du groupe à Paris cette semaine ne faisait pas exception à la règle, l'ensemble des places mises en vente pour le concert du groupe à la Cigale ayant instantanément trouvé preneur.

Il n'est ainsi pas encore 20h mais la salle du boulevard Rochechouart est déjà pourtant copieusement garnie, tant au balcon qu'en fosse. Le public mêle ce soir toutes les catégories d'âge, du post-adolescent au sexagénaire ayant connu les débuts de la formation, partageant toutefois un même enthousiasme face au spectacle proposé. A 19h55 précises,
Pale Blue Eyes, invités en première partie de cette escapade de quelques semaines en Europe, se présentent pour lancer un set de trente petites minutes. Si leurs deux premiers albums publiés coup sur coup en 2022 et 2023 ont attiré une certaine attention sans pleinement convaincre, leur mélange de synth pop et krautrock prend ce soir une toute autre ampleur dans des conditions live. Certes les quatre musiciens ne brillent pas par leur charisme, chacun semblant concentré sur le fait de tirer le meilleur son possible de son instrument, et le manque de diversité de leurs compositions se fait toujours sentir, mais l'excellente acoustique des lieux et des titres interprétés tout en tension et précision leur permettent de faire excellente impression. Maîtrisé, le chant de Matt Board, ponctuellement accompagné par celui de sa femme Lucy derrière la batterie, se veut somme toute secondaire en comparaison avec des instruments donnant le ton à une prestation courte mais au final prenante et pleinement convaincante.

Une petite demi-heure plus tard, les lumières s'éteignent une seconde fois pour accueillir
Slowdive. Christian Savill, Rachel Goswell, Nick Chaplin et Neil Halstead prennent ainsi place de gauche à droite de la scène, tandis que Simon Scott est quant à lui plus en retrait derrière sa batterie et devant un écran géant sur lequel seront projetés tout au long de la soirée les visuels accompagnant chacun des titres, le tout sur fond d'éclairages somme toute secondaires. Titre d'ouverture du récent
everything is alive,
shanty est également choisi ce soir pour lancer le concert sur fond de boucle électronique, pour un rendu somme toute fidèle à une version studio déjà très prenante. Enchaînant dans la foulée
Star Roving et ses envolées de guitares et le vaporeux
Catch The Breeze, Slowdive visent juste en choisissant de faire l'étalage de toute leur palette musicale en une poignée de titres seulement. Magnifiée par un son d'excellente facture, la prestation du soir part sur des bases solides, les voix de Neil Halstead ou Rachel Goswell se mêlant ou répondant avec précision tout au long du set.

Jouée sur scène pour la seconde fois seulement,
chained to a cloud est elle aussi une des belles réussites de la soirée, Nick Chaplin délaissant à cette occasion sa basse pour un clavier avant que ne soit jouée la très attendue
kisses, étonnamment un peu brouillonne et en deçà des espérances. Concentrée essentiellement sur
everything is alive et
Souvlaki, la setlist du soir est indéniablement taillée pour combler les fans,
Sugar For The Pill constituant toutefois l'un des temps forts du set dont le final va voir le quintet enchaîner perle sur perle. Après une très belle version d'
Alison, le fantastique
When The Sun Hits marque les esprits avec un regain d'intensité renforcé par l'utilisation des stroboscopes, avant que ne soit lancée la traditionnelle reprise de Syd Barrett,
Golden Hair, poursuivie durant plusieurs minutes purement instrumentales par la frange masculine du groupe après que Rachel Goswell se soit effacée.
A cette fin de concert déjà profondément satisfaisante va succéder un rappel proche de la perfection durant lequel la formation va marquer les esprits. Tout d'abord avec le minimaliste
Dagger, porté brillamment par Neil Halstead, puis le très attendu
the slab, plus dynamique qu'en version studio et mené par le chant plus prononcé de Rachel Goswell. Le triomphe est à cet instant déjà total pour la formation anglaise, mais le majestueux
40 Days termine la démonstration opérée par Slowdive durant quatre-vingt-dix minutes.
Surpassant des attentes pourtant déjà démesurées, Slowdive ont livré devant un parterre de privilégiés une performance de très grande qualité pour leur retour à Paris, justifiant par la même occasion leur statut de groupe culte.