logo SOV

Slowdive

Interview publiée par Emmanuel Stranadica le 31 août 2023

Bookmark and Share
Après s'être produits pour de nombreux concerts, Slowdive ont en 2017 un album qui signait leur grand retour. Six ans plus tard, le groupe formé à Reading à la fin de des années 80, nous revient avec l'immense everything is alive, un disque majeur dans leur discographie et davantage teinté d'ambient. Fin juin de cette année, Rachel Goswell et Christian Savill étaient de passage à Paris pour la promotion de cet album. Retour sur cette belle rencontre.

Lorsque vous avez reformé Slowdive, aviez-vous déjà à l'esprit que vous iriez plus loin avec un autre disque en plus de l'album précédent, ou cette idée vous est-elle venue plus tard ?

Rachel Goswell : Nous avons tourné avec cet album pendant près de deux ans. Vers la fin de l'année 2018, Neil (ndlr : Halstead) bricolait vraiment sur son ordinateur portable dans les avions que nous prenions, avec ses écouteurs mis en sourdine. Il avait donc déjà des petits bouts d'idées à ce moment-là. Mais nous avons décidé collectivement à la fin de l'année 2018 que nous ferions un autre album. Nous voulions prendre une année pour faire une pause parce que nous avions énormément travaillé pendant quatre ans et évidemment nous avons tous des enfants et une vie à côté de la musique. J'ai déménagé cette année-là et j'ai enregistré un autre disque avec mon mari (ndlr : The Soft Cavalry). Nous avons tous pris une année de repos en 2019, mais Neil a cependant travaillé sur des idées à la maison pendant tout ce temps, et à un moment il s'est dit « OK, je pense que je suis prêt à aller enregistrer en studio ». Nous en avons donc réservé un pour six semaines en avril 2020. Mais nous avons dû annuler, évidemment, à cause du COVID-19. Le confinement avait été décrété, tout juste deux semaines avant que nous puissions entrer en studio. L'enregistrement a donc dû être repoussé au mois d'octobre. Avant cela Neil avait commencé à nous envoyer des fichiers pour découvrir des choses et commencer à les examiner.
Christian Savill : Je pense que nous avons toujours eu à l'esprit cette idée, et qu'une fois cette pause faite, nous allions essayer de faire un autre disque.

Combien de temps a duré le processus d'enregistrement de l'album ? Vous aviez déjà les chansons en 2020, mais l'enregistrement a-t-il pris beaucoup de temps, même s'il a été retardé ?

Rachel Goswell : Oui, nous l'avons fait en plusieurs blocs. Six semaines en octobre 2020. Puis nous sommes retournés en studio pour quelques semaines en décembre. La dernière session d'enregistrement a eu lieu en février de l'année dernière pendant deux semaines au Lincolnshire studio. Entre toutes ces sessions, Neil ramenait des choses nouvelles et il était toujours en train d'apporter des idées, des éléments qui ont servi à ce disque.
Christian Savill : Oui, Neil a travaillé sur l'album pendant tout ce temps.
Rachel Goswell : Il savait qu'il allait travailler sur cet album pendant trois ans sans interruption. Il nous envoyait sans cesse des chansons dans différentes versions. Nous nous sommes retrouvés avec une vingtaine d'idées, et il nous demandait sur lesquelles nous souhaitions travailler. Bien entendu, lorsque je parle de ces vingt idées, ce ne sont pas des chansons complètement terminées. Certaines été plus structurées que d'autres, mais il y a eu des semaines où on se disait « Oh mec, on a écouté beaucoup de musique là ! » (Rires). Il y a beaucoup de choses sur lesquelles nous n'avons pas continué à travailler.

Vous avez conservé le format de huit morceaux comme sur l'album précédent. Est-ce que c'est à cause de la longueur du disque ou parce que pas mal de chansons ne collaient pas vraiment les unes avec les autres ?

Rachel Goswell : Nous ne voulions pas entrer dans un format double vinyle. Nous avons toujours réfléchi à l'ordre de passage entre la face A et la face B. La durée optimale d'un album sur un pressage vinyle ne doit pas excéder 43 minutes. Je pense que notre disque tourne autour de 42 minutes et nous sommes très conscients de cela. Nous ne voulions surtout pas affecter la qualité sonore du pressage.
Christian Savill : Même si la plupart des gens vont l'écouter en streaming sur Spotify (rires).
Rachel Goswell : Il y a des gens qui écoutent les albums en aléatoire, mais ce disque a un ordre de passage spécifique pour une raison précise ainsi qu'une durée bien définie.

Quelle est l'idée sous-jacente derrière le titre de l'album ,everything is alive ?

Rachel Goswell : Je pense que c'est avant tout une question d'interprétation. On parle beaucoup de communication dans la nature, notamment entre les arbres, mais aussi de toutes sortes de choses que nous ne pouvons pas expliquer comme la vie après la mort. Beaucoup de gens ont dû faire face elle dans leur vie et le COVID-19 a exacerbé cela à une échelle massive. Je pense qu'il y a une sorte d'espoir derrière tout ça. De la tristesse mais aussi de l'espoir.

Justement, la mort de ta mère et celle du père de Simon ont-elles eu un impact sur l'écriture et l'enregistrement du disque ou est-ce davantage une dédicace qui leur est faite ?

Rachel Goswell :Il s'agit plutôt d'une dédicace. Mais l'impact a été énorme, parce que le père de Simon est décédé en avril 2020 peu de temps après le confinement, et ma mère est décédée en juin de la même année, donc à deux mois d'intervalle. Neil connaissait ma mère depuis notre enfance. Il a pu se rendre aux funérailles mais celles-ci ont été très réduites. Il était l'une des rares personnes à avoir été autorisées à venir. Je ne sais pas si cela a influencé quoi que ce soit pour le disque, il faudrait lui poser la question car il a écrit l'essentiel des chansons. C'est probablement le cas pour the slab car il y a une grande noirceur dedans. C'est ce que je ressens et je trouve cette chanson assez viscérale. A un niveau personnel, je la trouve plus poignante que les autres pour moi.

L'album débute avec shanty et ce son très électronique avant que ne surviennent les guitares, la batterie et la basse, et puis bien sûr ta voix et celle de Neil. Avez-vous cherché à désorienter vos fans ? Comment avez-vous composé cette chanson ? Je veux dire que vous avez commencé par l'électronique et obtenu davantage de texture en ajoutant les autres instruments, ou avez-vous composé des démos qui sont finalement très différentes du résultat final ?

Christian Savill : C'est le premier morceau que Neil nous a envoyé. C'est vraiment le point de départ de l'album. Je pense que Neil est venu apporter ce fameux riff de guitare qui est assez simple. Néanmoins l'élément central est cet arpégiateur. A mon sens ces deux éléments font vraiment partie intégrante à l'album.
Rachel Goswell : Oui, c'est vraiment à partir de ce morceau que tout s'est construit petit à petit. Je me souviens que Neil est parti dans des directions, des expérimentations sonores, et certaines parties ont été retirées à la fin. C'était trop.
Christian Savill : Oui, c'est vrai, il a fallu que nous trouvions un équilibre et ce n'était pas simple en utilisant cet arpégiateur.

kisses, le premier extrait de l'album, s'apparente à une chanson pop pleine d'innocence. Est-ce vraiment quelque chose que vous cherchiez, cette forme de contraste entre la tristesse et l'innocence des premiers baisers ?

Rachel Goswell : Oui. C'est une chanson assez légère et elle paraîssait évidente pour fonctionner en radio. Avec Neil, nous avons toujours eu une ou deux versions de chansons pop sur nos disques. A l'exception de Pygmalion, il y a un ou deux titres pop de Slowdive par disque. Comme Sugar For The Pill, Alison ou encore When The Sun Hits. Ce côté du groupe a toujours existé.
Christian Savill : Oui, nous aimons les chansons pop, de temps en temps.
Rachel Goswell : Il existe probablement une vingtaine de versions différentes de kisses. Il y a une version électronique que nous avons particulièrement aimée et que nous voulions mettre sur l'album mais, ensuite, nous nous sommes demandé comment faire pour reproduire la même ligne musicale sur scène car il n'y a pas du tout de guitares sur cette version. Nous l'aimions vraiment et d'ailleurs nous l'aimons toujours. Nous avons finalement opté pour une version plus lente incluant toutes les guitares. Peut-être qu'un jour d'autres petites versions pourraient sortir, en espérant que ce soit le cas pour la version électronique, parce qu'elle est fabuleuse.

Vous avez parlé de reproduire cela sur scène. Comment vous sentez-vous à l'idée de jouer bientôt l'album en live, et à quel point cela sera-t-il difficile car il est vraiment différent des autres à bien des égards ?

Rachel Goswell : Nous avons répété pendant cinq jours la semaine dernière avant Glastonbury et nous avons pas mal passé en revue kisses, prayer remembered et shanty. Je pense que nous avons besoin d'un second clavier pour la scène. C'est quelque chose qui reste à régler. Idéalement, il faudrait que nous interprétions la moitié de l'album en live. Bien sûr j'aimerais savoir les jouer toutes et pouvoir choisir celles que je veux. Nous allons partir en Australie dans quelques semaines, donc je pense que nous jouerons évidemment kisses là-bas et ce sera l'occasion de vérifier ce que ça donne sur scène. Nous interpréterons des anciens morceaux et nous continuerons à travailler ces nouvelles chansons, pas nécessairement en concert, mais juste pour que nos cerveaux s'en imprègnent bien. Et avant de partir en tournée fin septembre, nous devrons nous retrouver à nouveau et travailler ensemble. Je suis impatiente, car c'est toujours angoissant mais également amusant de jouer des nouvelles chansons, d'autant que j'aime ne pas devoir toujours jouer les mêmes.
Christian Savill : C'est un peu compliqué car le public vient aussi pour réécouter les chansons qu'il aime, pas simplement les nouveautés. Si nous devons donner un concert et que nous nous disons que nous en avons marre de jouer When The Sun Hits, et que nous ne l'interprètons pas, les gens vont dire : « Hey, j'ai payé 40 euros pour le concert, et vous n'avez pas joué ma chanson préférée ! ». Il est nécessaire de trouver un équilibre entre les deux. En même temps, si j'allais voir les Pixies aujourd'hui, je serais furieux s'ils jouaient leurs nouveaux morceaux ! (Rires)

Pensez-vous que shanty représente vraiment ce qu'est devenu Slowdive aujourd'hui ? Pour moi, Alison ou Catch The Breeze définissaient votre son dans les années 90. Est-ce que cette chanson s'apparente bien à vous en 2023 ?

Rachel Goswell : Oui, ça nous correspond bien je trouve, mais pas uniquement. Mes chansons préférées sur l'album sont shanty et chained to a cloud.
Christian Savill : J'aime beaucoup l'instrumental sur l'album, prayer remembered. Mais je pense que si nous sortons un autre disque, tout changera à nouveau. Ce n'est pas simple de définir notre son en faisant référence à un morceau, surtout qu'il risque de continuer à évoluer avec le temps.

Tu parles de prayer remembered, était-ce voulu de ne pas y ajouter de paroles ou était-ce trop compliqué de le faire ?

Rachel Goswell : En fait, ça aurait été une chanson facile pour y ajouter des lignes de chant et d'autres éléments mais Neil tenait absolument à ce qu'elle reste instrumentale.
Christian Savill : C'est probablement la chanson sur laquelle Neil pourrait dire qu'il a travaillé dessus pendant un million d'heures, alors qu'on dirait que c'est celle où il y a eu le moins de travail de tout l'album. Nous l'avons enregistrée comme si de rien n'était. Rien d'autre n'y a été ajouté.
Rachel Goswell : C'est aussi une chanson très personnelle pour Neil, et c'est la raison pour laquelle il ne voulait pas de voix dessus, ce qui est tout à fait normal. C'est une chanson remplie d'espoir.

Peut-on la relier à andalucia plays?

Rachel Goswell : Ces deux chansons sont très personnelles pour Neil mais pour andalucia plays j'ai fait quelques chœurs. Cependant je me rappelle qu'à l'époque, j'ai dit à Neil : « J'ai l'impression que je ne devrais pas chanter sur cette chanson. C'est une chanson tellement personnelle pour toi ». Et il m'a répondu que non, qu'il voulait que ma voix figure dessus.

Trouvez-vous que l'industrie musicale a beaucoup changé depuis que vous êtes de retour avec Slowdive ? Est-ce que ça vous manque par exemple de ne plus sortir des EPS comme lorsque vous étiez chez Creation Records ?

Christian Savill : J'ai adoré sortir ces EPs !
Rachel Goswell : Nous avons discuté de sortir un EP. Avant ce nouveau disque, nous nous sommes dit que nous devrions peut-être juste sortir un EP, le faire à l'ancienne et enchaîner avec un album plus tard. Mais c'est finalement l'album qui est sorti.
Christian Savill : Je pense que les maisons de disques n'aiment pas cela parce que cela leur coûte autant d'argent que pour le pressage d'un album et elles ne peuvent pas le facturer aussi cher.
Rachel Goswell : C'est vrai. Je suis tout à fait d'accord.

Je suis convaincu que vous allez finir par sortir un EP des versions de kisses !

Rachel Goswell : Qui sait...

J'espère que vous viendrez jouer en France en début d'année prochaine...

Rachel Goswell : Nous ne pouvons pas le faire cet automne à cause de la tournée américaine, et nous n'avons pas encore vu les dates proposées pour l'Europe, mais nous pensons que cela se fera en février ou en mars (ndlr : le groupe jouera à la Cigale à Paris le 17 janvier 2024).