logo SOV

beabadoobee
Unflirt

Paris, Bataclan - 1er décembre 2024

Live-report par Adonis Didier

Bookmark and Share
Traverser Paris un dimanche soir de décembre, tout ça pour finir entouré d'adolescentes de quinze ans hurlant à s'en casser la voix, une activité qui n'a rien d'immoral ni d'illégal, mais qui nécessite toutefois une certaine dose de courage et d'auto-dérision, j'ai nommé un concert de beabadoobee au Bataclan.


Une double date dans la mythique salle parisienne complète depuis la mise en vente des places, et la majorité des spectateurs et surtout spectatrices présents dès l'entame des festivités, voire probablement depuis 15h devant les portes, pour voir une nouvelle fois Unflirt ouvrir le concert de sa meilleure amie d'enfance. Comme au Trabendo l'an dernier, c'est donc Christine Señorin a.k.a Unflirt qui se présente seule à 19h30 devant le parterre de fans exaltés, pour un concert qui ne sera cette fois pas uniquement acoustique mais aussi électrique, enfin doucement électrique, plus dans la vibe d'une ampoule LED basse consommation que du déluge des foudres de Zeus. Une dream pop mignonne mais un peu vanille parfaitement au goût d'un public qui commencera à clapper au bout de dix secondes sans que personne n'ait rien demandé, qui sortira les lampes de téléphone dès la deuxième chanson, et qui applaudira sans retenue les passages acoustiques les plus réussis qu'auront été Talk 2 Me et Someday. Cette dernière sera jouée deux fois, la faute à un cafouillage de la sono, et quitte à en jouer une deux fois autant que ce soit celle-là, avant un cassage de corde et Home pour conclure un petit concert très pipou mais aussi assez rompiche, qui ne nous convaincra pas plus qu'il y a un an de mettre Unflirt en rotation lourde dans les écoutes de fin d'année.

Heureusement pour nous, en plus de mettre en avant ses potes, Bea met aussi en avant ses artistes préférés, nous donnant le plaisir d'écouter Elliott Smith et les Smashing Pumpkins pendant l'entracte, et si vous pensiez qu'il était impossible de citer Elliott Smith dans un article sur beabadoobee, sachez que cela a déjà été fait il y a deux ans pour la sortie de l'album Beatopia. Mais l'heure n'est plus à ce disque, enfin plus totalement, car ce soir c'est le This Is How Tomorrow Moves tour, dédiée au troisième album de Beatrice Kristi Laus a.k.a beabadoobee (je le répète pour ceux qui auraient raté mes trois dernières chroniques), et comme demain ne sait jamais, autant profiter d'aujourd'hui dans la douceur californienne. Quatre gros projecteurs, un oranger, un sapin de noël sur une table, et un grand drap blanc tendu façon plateau de cinéma ou salle de bains de Dexter, un décor atypique pour envoyer California dans la tête d'un public qui n'aura mis que trois millisecondes à sortir une armée de smartphones par-dessus de sa tête.


Une intro de concert orientée pop-rock qui enchaîne avec Talk et 10:36, présentant le même groupe qu'à Rock en Seine en 2022 après l'aparté acoustique de 2023 : Jacob Bugden, le compère de toujours, à la guitare, Eliana Sewell la bassiste de toujours, et le « un peu plus récent » Luca Caruso à la batterie. Une puissance de feu que l'on avait oubliée et que l'on se reprend de plein fouet sur Charlie Brown, très court retour dans le passé du premier album Fake It Flowers, avant la surprenante lourdeur live de la basse et de la batterie de Post, dernier passage introductif avant que ne démarre le karaoké général. Quatre des chansons préférées du public enchaînées à la suite : Take A Bite, les chansons de plage Sunny Day et the perfect pair, et la très belle Ever Seen, toute illuminée des téléphones de la salle entière.
Bea dans le ciel avec des diamants et son oranger derrière elle, qui dédie la prochaine chanson à Paris... Ah non, shit, ce n'est pas celle-là ! Et heureusement, parce qu'on se serait longtemps demandé pourquoi ce serait Real Man, si ce n'est qu'on parle peut-être de la meilleure chanson du dernier album. Mais la dédicace à Paris sera finalement pour Glue Song, et voici le moment d'accepter qu'un concert de beabadoobee est aussi un concert dont les chœurs sont exclusivement assurés par un gigantesque parterre d'adolescentes, qui ont au moins le mérite d'avoir en général de très belles voix. La même chose pour Coffee, chanson culte qui aura lancé la carrière de Bea : « c'est fou, j'avais dix-sept ans quand j'ai écrit ça, et maintenant je la joue à Paris ». Et de reconnaître le chemin parcouru en sept ans quand la merveilleuse Girl Song résonne en comparaison dans le Bataclan, Luca Caruso au piano et Beatrice Kristi au chant, portant bien en évidence le bonnet à pompons que vient de lui offrir la foule.

Et si comparaison encore il fallait, voici One Time et son final apocalyptique qui retourne le Bataclan, avant la nouvelle chanson préférée de Bea, écrite une semaine avant l'enregistrement du dernier album : Beaches. Comme la chanson ultime de pop-rock californienne, et une relance de pont qui voit la batterie effondrer le grand rideau blanc étendu derrière elle, dévoilant un mur de projecteurs et de végétation entremêlés, une forêt de lumière éclairant par flashs le tabassage des refrains de Care, l'adorable ode à Eliana, She Plays Bass, ainsi qu'un public qui ne se retient même plus de sauter dans tous les sens chaque fois que la plus adorable des maîtresses de cérémonie l'ordonne. Une maîtresse de cérémonie qui reviendra seule avec sa guitare acoustique pour le rappel, remerciant les premiers rangs, remerciant un Paris tellement plus doux et agréable que pendant la Fashion Week, et rappelant à tous que, quand même, elle resterait bien mais ses chats lui manquent.


Un public adorable mis à contribution pour singer les trompettes de la valse Coming Home, avant de chanter du début à la fin la troisième valse de la soirée, chanson qu'on avait déjà entendue l'an dernier mais qui était alors inédite : the way things go. Un partage et une complicité décuplés par ce numéro solo de Bea face à la foule, les pieds dans la houle, quand tous chantent et valsent et se disent à bientôt : en anglais, See You Soon.

Et nous revoilà déjà dans le froid, après une heure et quart de concert, d'un mois de décembre à Paris, mais avec dans le cœur assez de soleil et de chaleur pour tenir encore quelques jours, et puis quelques jours de plus, parce qu'on sait qu'après le blues il y a beabadoobee. Une artiste qui progresse d'année en année, que ce soit en studio ou en live, et qui même si elle ne fera jamais l'unanimité, semble déjà au pic d'une carrière qui ne s'arrête pourtant pas de grimper. Alors comme demain ne sait jamais, peut-être Bea finira-t-elle vraiment dans le ciel avec des diamants, et sûrement un oranger.
setlist
    UNFLIRT
    Crush
    Out Of Time
    White Noise
    Talk 2 Me
    Someday
    Home

    BEABADOOBEE
    California
    Talk
    10:36
    Charlie Brown
    Post
    Take A Bite
    Sunny Day
    Ever Seen
    the perfect pair
    Real Man
    Glue Song
    Coffee
    Girl Song
    One Time
    Beaches
    Care
    She Plays Bass
    Cologne
    ---
    Coming Home
    the way things go
    See You Soon
photos du concert
    Du même artiste