logo SOV

beabadoobee

Paris, Trabendo - 11 mars 2023

Live-report par Adonis Didier

Bookmark and Share
Le Trabendo. Il est midi dans le parc de la Villette, et malgré le froid qui n'en finit de squatter le début du mois de mars, des fans en délire attendent déjà devant la sommaire barrière placée devant les escaliers permettant d'accéder à la terrasse. Serait-ce un concert surprise de Morrissey dont personne n'aurait entendu parler sauf les fans les plus acharnés ? Bien vite, la présence de jeunes filles à peine majeures au style balançant entre j-pop et emo enterre l'hypothèse, mais ne nous rassure pas forcément pour autant. Et pourtant tout va très bien se passer, car ce soir c'est beabadoobee qui vient poser ses valises sur la petite scène cachée au milieu des feuillus, pour le plus grand plaisir de toutes les adolescentes du pays, ainsi que le nôtre.

Beabadooqui ? Pour tous les boomers, c'est beabadoobee, et honte à vous si vous n'avez toujours pas écouté son dernier album après ma chronique de l'été dernier ! Béatrice Kristi Laus de son vrai nom, Bea pour les intimes et les moins intimes, est une fantastique artiste dont la carrière est enfin passée dans sa phase adulte au moment de ce justement dernier album, Beatopia. Une phase "wanna be grunge laissée derrière elle, des arrangements de cordes et l'affirmation de sa personnalité en plus, et c'est un bingo ! On était donc tout excité au moment de l'annonce d'une tournée dépouillée et acoustique pour la promotion de l'album, le live de Rock en Seine en août dernier nous ayant grandement laissés sur notre faim en la matière.

Il est 19h, ouverture des portes. La file de jeunes filles part du Trabendo pour arriver jusqu'aux allées de la Villette, plus très loin de l'entrée de la Philharmonie. C'est évidemment la course à qui arrivera en premier devant la scène, bien calé contre les crashs barrières. Oui, les crashs barrières, pour un concert totalement acoustique au public majoritairement jeune et féminin, vous avez bien lu. Et si vous êtes déjà parent d'une ou plusieurs jeunes filles adolescentes, vous savez très bien pourquoi. Un mot rapide sur la première partie Christine Señorin, a.k.a Unflirt, jeune femme londonienne aux douces chansons acoustiques et à l'émotivité très apparente. Il faut dire que le Trabendo est déjà rempli, complet, et que la foule va très rapidement adouber une artiste aux airs de cousine de Bea Kristi, et ce malgré ses quelques dérapages d'accords et d'arpèges sans doute dus à l'émotion de jouer devant une salle aussi comble et volontaire. Le tout est un peu gentillet, mais a le mérite de mettre dans l'ambiance pour le plat de résistance.


21h. Bea s'avance sur scène, accompagnée de son complice de toujours, Jacob Bugden, empoigne une guitare acoustique, et s'assoit sur le tabouret prévu à cet effet. On tend à Jacob une guitare électrique d'une marque dont le nom commence par F, et c'est surprenamment 10:36 qui ouvre le set, l'une des deux chansons les plus rock et électriques du dernier album. Une revisite naturellement plus douce que la version originale, et déjà une bonne raison d'avoir bravé la foule de lycéennes en pleines révisions de leur bac SES. Une foule dont on n'aura d'ailleurs jamais à se plaindre, et dont la gentillesse extrême et la prévenance nous fera relativiser le comportement de certains ainés privilégiés en concert, mais ceci est un autre débat.

Une Bea d'ailleurs assez malade que l'on aura entendu cracher ses poumons en backstage quelques heures plus tôt, et dont la voix ne va heureusement dérailler que sur la première chanson, le temps de faire chauffer la machine. She Plays Bass suit instantanément, et on est heureux que la fosse soit composée de jeunes filles à la voix cristalline plutôt que de Jean-Michel à la cinquantaine tassée et aux cordes vocales abîmées par la cigarette (rien contre vous, les Jean-Michel). C'est ainsi tout le Trabendo qui reprend en chœur parfait l'iconique chanson, et le moment se fait déjà un peu magique. « Nothing matters ‘cause we're both in space », et c'est un peu de l'espace qui se dévoile lorsque tout le monde sort les lampes de téléphone dès le début de See You Soon. Un peu trop sans doute tellement on y voit comme en plein jour, mais c'est l'intention qui compte.
Une intention qui nous permet de voir un peu mieux Jacob, acolyte guitaristique qui se fait de plus en plus présent au fur et à mesure que le concert avance, dont les chœurs viennent magnifier Pictures Of Us, dont la grosse distorsion vient sauvegarder l'aspect rock de Talk, et dont chaque solo ponctuant les refrains de Care soulève les cris de la foule. Talk et Care, donc, deux chansons dont même Bea avoue qu'elles sont assez bizarres à jouer dans cette configuration, alors que c'est comme ça qu'elles ont été écrites, en fumant des choses pas forcément très légales dans une petite chambre étudiante avec une guitare à gratouiller. Force est de constater que celles-ci, même plus dépouillées, restent extrêmement efficaces, et entretiennent très bien le rythme d'un concert qui aurait vite pu se perdre dans trop de lenteurs.


Le rythme du concert ne va d'ailleurs plus retomber, car on est parti pour enchaîner les chansons préférées d'une grosse partie de la salle. The Perfect Pair est ainsi la plus hurlée/plébiscitée, sans que l'on comprenne forcément en quoi cette très sympathique chanson de bossa nova plage mérite autant d'émois, mais bon, le buzz parfois... RipplesGlue Song termine le set avec Jacob au piano, et une fosse connaissant déjà l'intégralité des paroles alors que la chanson n'est même pas sortie depuis un mois. On aurait vraiment adoré avoir droit aux quelques violons de Georgia Ellery, mais non, le concert ne se fera qu'avec Bea et Jacob, qui sortent plutôt précipitamment de scène avant le rappel, sans doute pour se jeter sur le sirop contre la toux et les dolipranes. Ce qui n'empêchera pas Bea de revenir sur scène, seule cette fois, pour présenter une toute nouvelle chanson, jouée pour la première fois à Hambourg il y a seulement sept jours : The Way Things Go. Une chanson magnifique, badine, à la progression d'accords joueuse et enfantine qui nous laisse à rêver à ce que sera le prochain album de beabadoobee. Et alors qu'on pleure d'entendre que la dernière chanson sera le passage obligé Coffee, et que l'on n'aura ainsi toujours pas droit à Lovesong ou You're Here That's The Thing (étonnamment jamais jouées en live d'ailleurs), la foule se remet à chanter à l'unisson la raison pour laquelle Bea est devenue si rapidement une star à seulement dix-sept ans, cette petite chanson de bedroom pop sans prétention dont les limites n'empêcheront personne de l'entonner avec les yeux humides et brillants.

Cette tournée acoustique, dont seul l'avenir dira si elle sera unique, fut donc un petit moment hors du temps, un instant d'émotions partagées qui reste parfaitement appréciable même si vous n'êtes pas une petite adolescente en plein tourment sentimental. On regrettera ceci dit que les quatre chansons de l'EP Loveworm ne nous aient privés indirectement d'entendre plus de Beatopia, certaines chansons précédemment citées passant de manière assez incompréhensible à la trappe alors qu'elles se seraient infiniment bien prêtées à l'exercice. A charge de revanche dans une tournée anniversaire de l'album, d'ici quinze ou vingt ans !
setlist
    10:36
    She Plays Bass
    Apple Cider
    Angel
    Ceilings
    You Lie All The Time
    Animal Noises
    See You Soon
    Pictures Of Us
    Talk
    Care
    Cologne
    The Perfect Pair
    Ripples
    Glue Song
    ---
    The Way Things Go
    Coffee
photos du concert
    Du même artiste