Cela faisait un bon moment que l'on n'avait pas vu Primal Scream se produire sur une scène française. Leur dernier passage dans l'Hexagone remontait à novembre 2019, dans le cadre du Pitchfork Music Festival. La pandémie de COVID-19 n'y est sans doute pas étrangère. Mais quoi qu'il en soit, les années n'ont en rien altéré la qualité scénique du groupe, comme en témoigne le concert exceptionnel donné ce mardi 10 juin 2025 à Paris.

Il ne fallait d'ailleurs pas arriver en retard à la Cigale pour découvrir VLURE, groupe écossais en première partie, déjà sur scène à 19h40. Drapeau écossais fièrement posé sur une enceinte, le quintet livre un set entre rock et dark wave électronique rageuse. Le chant du leader, plus parlé que chanté – sans pour autant verser dans le rap – évoque un cri permanent. VLURE (prononcer Vi Lure) sont là pour faire du bruit, pour s'amuser, et ça se voit. Ça saute, ça gesticule, et même si la salle est encore peu remplie, le public répond présent. Se définissant comme entertainer, le chanteur descend dans le pit pour se rapprocher de la foule, continuant à hurler avec ferveur. Pour le dernier morceau, lui et le guitariste, torse nu, rejoignent la fosse et dansent au milieu des spectateurs en répétant inlassablement : “This is not the end !”. Une performance courte (une trentaine de minutes), intense, un peu déroutante mais visiblement appréciée.

Le calme revient tandis que la salle se remplit progressivement en attendant l'arrivée de Bobby Gillespie et de ses musiciens. Le public présent n'est pas de première jeunesse – ce qui n'étonne guère, sachant que le groupe a été fondé il y a plus de quarante ans. Un peu de soul résonne dans les enceintes jusqu'à 20h30, moment où
Primal Scream entrent alors en scène. Autour de Bobby, vêtu d'une veste crème à revers noirs contrastant avec sa chemise et son pantalon sombres : deux choristes en robes pailletées, un guitariste, un saxophoniste, un claviériste, un batteur et une bassiste. Et d'entrée,
Don't Fight It, Feel It lance les hostilités de la plus belle des manières. Andrew Innes balance des lignes de guitare aiguisées sur un groove irrésistible qui annonce un concert de haute volée. Simone Butler, sexy et solide à la basse, assure la cadence. Alex White (Fat White Family) illumine les morceaux au saxophone, tandis que Terry Miles (Lawrence, Go-Kart Mozart, ex-Death In Vegas) pose de superbes nappes synthétiques. Les deux choristes, quant à elles, incarnent le son Primal Scream version 2025.
Après ce démarrage sur les chapeaux de roue, Bobby défend avec panache les titres de leur dernier album
Come Ahead, sorti fin 2024, à commencer par le funky
Love Insurrection. Contrairement à beaucoup de groupes qui glissent quelques nouveautés entre des classiques, Primal Scream osent après un
Jailbird enflammé, ce sont pas moins de six nouveaux morceaux qui sont interprétés, parmi lesquels
Ready To Go Home, aux accents dansants, illuminée par les chœurs, ou encore
Innocent Money, résolument disco. Mention spéciale pour
The Centre Cannot Hold et ses envolées dansantes – preuve que
Come Ahead est véritablement à l'honneur ce soir. Bobby, facétieux, mime sur ce dernier sa pose sur la pochette de
More Light, mais aucun morceau de cet album ne sera joué, pas plus que ceux de
Chaosmosis, leur dernier véritable opus avant
Come Ahead. Et on ne s'en plaindra pas. Quand retentit
I'm Losing More Than I'll Ever Have, quelques cris de joie s'élèvent dans l'audience. Mais c'est bien
Loaded, où Bobby tombe enfin la veste, véritable hymne, qui transforme la Cigale en fête géante, avant de lancer
Swastika Eyes, dans une version beaucoup plus extrême et psychédélique que celle qu'on connaît déjà.

La tension ne retombe pas.
Movin' On Up est livré dans une version brute, très électrique, et quelques verres volent dans la salle – sans que l'ambiance ne dégénère fort heureusement. Le set principal s'achève avec une interprétation de
Country Girl énergique et rallongée. Elle constitue la conclusion parfaite de 1h30 de bonheur jouissif pendant laquelle Bobby n'a pas bu une seule goutte d'eau ! À peine le temps de souffler que le groupe revient pour un rappel tout en émotion le temps d'un
Melancholy Man, ultime extrait de
Come Ahead, et sans doute l'un des plus beaux morceaux de cet album. En live, la version rayonne littéralement. Bobby procède ensuite à la présentation de ses musiciens. Que ce soit la guitare tranchante, la basse omniprésente, les chœurs sublimes, le rythme implacable de la batterie, les nappes de clavier, les éclats de saxophone, chacun d'entre eux aura vraiment été exceptionnel. Puis s'ensuit un
Come Together de grande qualité, avant une version explosive de
Rocks, à l'image du concert : intense, puissant et décoiffant.
Après 1h50 sur scène, Bobby Gillespie peut avoir le sourire. Primal Scream ont livré à Paris l'une de leurs meilleures prestations depuis bien longtemps. Chapeau bas !