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Anika

Paris, Divan Du Monde - 30 mars 2011

Live-report par Olivier Kalousdian

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« Les Femmes s'en Mêlent » régulièrement au Divan du Monde et ce soir est une occasion de découvrir les talents féminins les plus prometteurs et les plus underground de la planète rock par une soirée anormalement chaude pour une fin mars.

Le festival officie depuis maintenant douze ans. À sa naissance en 1997, il ne s'agissait alors que d'un unique concert parisien. Aujourd'hui et depuis plusieurs années, Les Femmes S'en Mêlent s'étend sur plusieurs soirées et sur plusieurs villes de France, de Belgique, de Suisse, d'Allemagne, d'Espagne et d'Angleterre. Le programme est souvent de qualité, de la scène indie au rock le plus sombre jusqu’à l'électro la plus guillerette.

 

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Pour commencer la soirée, The Big Crunch Theory, projet commun de Lisa Li-Lund, l'amie du Landerneau folk partagée entre les Etats-Unis, la France et la Suède, et Gilb'r, le pilier du label d'électronique émérite Versatile. La première rencontre entre les deux artistes aux univers si distants a eu lieu lors de l'enregistrement du single de Quixote, Before I Started To Dance. Le duo s'est mis en tête de s'enfermer en studio pour ne pas laisser en plan l'union naissante, et l'épanouir sur l'album 1992. Un disque qui accueille les talents de Bertrand Burgalat, Maxime Delpierre, Etienne Jaumet, Christophe "DISCO" Minck, ou encore Quentin "Q" Rollet.
« La théorie du grand effondrement » (une théorie issue du Big Bang censée finir la vie de l’Univers dans un grand effondrement sur lui-même) avait fait son tout premier concert au Mo’Fo, mais ce soir le groupe prouve qu’il apprend vite.
L’ensemble tourne déjà bien après seulement une poignée de dates. Pas évident d’adapter pour la scène un disque construit de manière très électronique avec des passages franchement acoustiques. Défi brillamment relevé avec des titres comme Weapon, Strangest Heart In Romania qui saturent l’espace sonore. L’homme de l’année, à savoir Etienne Jaumet (la moitié de Zombie Zombie qui a sorti l'album Night Music en 2009, mixé et produit par le grand Carl Craig) qu’on voit dans tous les bons coups, est venu se joindre à la fête pour des titres encore plus sombres et electro que sur l’album.
Autant l’espièglerie naturelle de Lisa colle à ce lieu rococo, autant la noirceur qu’elle instille petit à petit dans ses morceaux en fait la transition parfaite pour la suite du programme. La quatuor nous laisse abandonné sur un nuage noir que nous ne quitterons pas.

« Alan Vega, sors de ce corps ! ». Ou plutôt, non, restes y bien planqué car te voilà cloné sous la forme la plus avantageuse qui soit ; un bon mètre soixante dix d’un physique élancé bien balancé et vêtu d’une jolie jupe sous une crinière suédoise plus blonde qu’Agnetha Falstkog du groupe ABBA. Normal, car Anika est d’origine Teutonne et se nomme Henderson !
Son histoire est avant tout celle du producteur Geoff Barrow qui, après avoir marqué l’inconscient collectif grâce à sa précédente muse, Beth Gibbons, a jeté son dévolu sur une jeune journaliste politique d’origine allemande. Les deux pieds scotchés au sol sur la marque apposée par l’ingénieur du son tout le long du concert et avare du moindre mouvement en dehors de quelques balancements d’une tête bien faite, Anika assure le service minimum des chanteuses qualifiées underground et qui ont l’air de ne pas être à l’aise sur scène. Pour ne pas dire « Les femmes s’emmerdent » ?

 

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Avec un bassiste assis (décidément !), un batteur, un guitariste jouant caché derrière les claviers et les boîtes à rythme, Anika nous livre un concert de reprises, quasi-exclusivement en remettant au goût du jour des compositions improbables en 2011 comme, I Go To Sleep des Kinks, Masters Of War de Bob Dylan ou He Hit Me de Phil Spector. A l’image et à la manière d’un Idiot Glee qui, seul à son clavier, chante sur le même ton monocorde ou presque des standards has been déstructurés par des machines électroniques de très mauvaises factures. Alternatives, expérimentales, les interprétations et, par-dessus tout, le chant d’Anika qui est un phrasé monocorde voicodé à mort, reprennent certaines caractéristiques scéniques d’une Beth Gibbons et un soupçon stylistique des Ghost Riders et autres Juke Box Baby du groupe Suicide en laissant l’inventivité et la puissance du rock au vestiaire.
Pourtant, des titres comme Terry (reprise de Twinkle) ou Yang Yang (hommage très personnel à Yoko Ono) sont plus qu’honnêtes et arrivent même à faire bouger les fans du premier rang... de quelques centimètres en avant et en arrière et façon « Zombie Dance » en manque de sang frais. Quelques notes de piano, des riffs de guitare saturés et une boîte à rythme très basique contribuent à faire sortir ces morceaux du lot et imposer une certaine personnalité à cette très récente formation. Singeant parfois M.I.A. dans une ballade urbaine post-apocalyptique, stressée par une alarme deux tons revenant en gimmick, Yang Yang fait même opiner du chef et sourire en écoutant cette blonde venue du froid et qui, pourrait-on penser, rend un certain hommage au duo frapadingue de Suicide. Bien sûr, Les Femmes s'en Mêlent voit un public masculin se déplacer en nombre lors de ses soirées et la jeune nordique anémique en mini-jupe chantant sous perfusion ne manque pas de remporter beaucoup de suffrages parmi eux. Est-ce vraiment suffisant pour prétendre à la relève ?
Après un set millimétré, tant au niveau performance (titres enchaînés sans aucun mot additionnel pour son public) que temporel (quarante cinq minutes précisément), Anika quitte la scène soudainement et ignore les (discrets) rappels de son public. Véritable attitude lorgnant du coté des mauvaises filles du rock, planning serré de la salle ou malaise, malheureusement interprété comme de l’arrogance pour celle que certains médias ont pu comparer à la nouvelle Nico ? L’avenir, s’il y en un après un concert si anorexique, nous le dira peut-être.

 

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Glasser est le pseudonyme sous lequel se cache la talentueuse américaine Cameron Mesirow. Elle s’est faite connaître en 2009 avec la sortie chez Young Turks de son EP Apply, auto-produit par Cameron sur son ordinateur portable, lui ayant valu des critiques élogieuses de la presse internationale et un nombre exponentiel de fans dont The xx, Jònsi et Delorean. Grande et jolie blonde, Glasser intronise cette lady's night par des compositions électro ethniques qui surfent sur un vent solaire à travers le cosmos, empruntant certaines recherches de sonorités, bien trouvées, du coté de chez Björk. Sentiment renforcé à la vue de son costume de scène qui n’est pas sans rappeler une certaine Florence And The Mechanics dans les voiles et les tulles qui la placent au centre d’un set qui, malheureusement, ne recueillera pas ce soir tous les suffrages.