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Anika

Interview publiée par Edina Tymp le 15 janvier 2012

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Après avoir trouvé un coin cosy au Point Ephémère, ce qui au final ne s'est pas avéré une mince affaire, nous avons pu poser quelques questions à Anika lors de son dernier passage à Paris. La jeune chanteuse anglaise, pourtant peu loquace sur scène, a néanmoins beaucoup de choses à raconter !

Ma première question a du t'être posée quelques centaines de fois, mais j'aimerais savoir quel a été le chemin entre ton premier métier (ndlr : journaliste politique) et la musique aujourd'hui ?

J'ai toujours été intéressée par ces deux domaines, et j'ai toujours fait les deux. Dès l'âge de seize ans j'ai commencé à m'occuper de groupes, et de leur promotion mais cela passait toujours en second plan. J'ai travaillé dans des labels à Cardiff par exemple, managé des groupes, ce genre de choses. Et puis j'ai achevé ma première année à l'Université en sciences politiques en même temps que je travaillais dans la musique, et je me suis rendue compte que cela ne fonctionnait pas vraiment, que je n'étais pas satisfaite, et j'ai pris la décision d'arrêter de travailler dans l'industrie musicale.
Quelques semaines plus tard, un ami m'a appelé en me parlant de quelqu'un qu'il connaissait et qui cherchait une chanteuse pour enregistrer un album. Je suis alors allé le rencontrer, et ce n'est que trois semaines après que je me suis aperçu qu'il s'agissait de Geoff Barrow de Portishead. Nous avons donc enregistré l'album avec BEAK>, c'était très intéressant car le champ d'action était nettement plus large qu'en journalisme, je pouvais faire passer beaucoup plus de messages politiques et ils m'ont laissée faire. Après cette collaboration je les ai remerciés et je n'ai jamais réécouté l'enregistrement. Je suis partie à Berlin et je suis devenue journaliste politique, mais Geoff m'a rappelée pour me demander si j'étais d'accord avec l'album. J'ai alors répondu « Quel album ? ». Il m'a dit « Oui, je pense que nous devrions sortir un album de cet enregistrement ». Alors j'ai pris une photo sur mon Facebook pour lui envoyer, et il s'en est servi pour la pochette de l'album. A la période de Noël de cette année là, j'ai décidé d'abandonner le journalisme politique et de me tourner entièrement vers la musique, puisque je pense que ce domaine m'apporte l'ouverture dont j'ai besoin pour m'exprimer.
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Tu estimes donc que tu peux dire plus de choses en tant que chanteuse qu'en tant que journaliste politique ?

En tant que journaliste je rapportais des propos et surtout je devais suivre une ligne éditoriale. Dans la musique j'ai un peu plus de liberté, je pense que je suis plus à même de toucher les gens comme je le voudrais. Alors c'est très intéressant pour moi.

Tu as donc débuté dans la musique avec un facteur chance important et de bonnes rencontres ?

Je ne parlerais pas vraiment de chance, car on crée sa propre chance. Et si mon ami m'a recommandé, c'est parce que je travaillais déjà dans le milieu de la musique, mais je ne cherchais pas à être célèbre.

Que faisais-tu à cette époque dans le milieu de la musique ?

Du marketing, design, DJ, des T-shirts, web, management d'artistes... Et je m'occupais de jeunes groupes qui ne savaient pas où jouer ni comment faire. Alors j'essayais de créer des connexions, un réseau afin que ces groupes ce développent; et j'essayais de les envoyer à Cardiff ou Bristol. Mais la sauce ne prenait pas, les gens ne s'intéressaient pas à ces groupes. En fait lorsque les groupes ne sont pas déjà connus, ça n'intéresse personne. C'est une des raisons qui m'a un peu dégouté dans ce milieu.

Parlons désormais de l'enregistrement de ton album, les morceaux que tu joues sont majoritairement des reprises...

Je l'ai enregistré à Bristol, sans jamais penser qu'il pouvait être commercialisé. En fait, j'avais deux principales motivations d'enregistrer cet album : la première étant de parler ou plutôt de dénoncer tout ce que je n'aime pas dans l'industrie musicale, la seconde revêt une dimension plus politique, car je pense que c'est l'endroit ou l'on peut en discuter. Et si ça avait été un album avec uniquement des compositions personnelles, reflet de mes aspirations politiques, les médias ne s'y seraient pas intéressés. Notre travail aurait été ignoré.
Deux chansons sont tout de même mes propres compositions sur cet album. En ce qui concerne les reprises, c'est simplement un moyen de me faire entendre. Et elles sont vraiment retravaillées, très différentes des versions d'origine et illustrent bien le champ de ce que j'aime faire.
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Quand je t'écoute, un mot me vient à l'esprit : « rebelle ». Qu'en penses-tu ?

Peut-être bien (léger sourire). En fait, j'aime me questionner et questionner les gens, je ne prends rien pour acquis. Je ne me dis pas que parce que les choses sont ainsi, c'est parce que c'est normal. Et je pense que les gens qui raisonnent ainsi ne font qu'ignorer les choses, je pense que c'est important d'être conscient de ce qui nous entoure et de se questionner en permanence. peut-être même est-ce un fléau que de réfléchir comme ça.

Qu'as-tu appris durant tes dernières tournées ?

J'ai appris à devenir une musicienne. Car je connaissais l'envers du décors, mais c'est la principale chose que j'ai appris. Le mot d'ordre : se respecter soi-même, prendre soin de soi-même. Faire attention à sa voix, s'écouter. Les musiciens avec qui je joue sont incroyables, ils sont capables de suivre mon instinct. Tout cela a été incroyablement enrichissant pour moi, j'ai appris la plupart des choses que je connais maintenant sur ce métier. Et cela représentait un important challenge pour moi, une sorte de pari fou.

Parmi toutes les villes ou vous vous êtes produits, quels sont tes meilleurs souvenirs ?

Nous sommes allés vraiment partout, même aux Etats-Unis (New-Orleans, Los-Angeles, Texas...). Dans tant d'endroit où je n'étais jamais allée, en Europe, France, Allemagne... c'était fantastique ! J'aime voyager, je trouve cela très intéressant, observer différentes cultures.

Penses-tu qu'il y a des différences entre les publics des différents pays ?

Pas seulement entre les pays, au sein même d'un pays il y a des différences selon les villes, par exemple en France. Bordeaux est différent de Paris.

J'aimerais parler à présent de tes vidéo clips, par exemple celui de Yang Yang (ndlr : reprise de Yoko Ono)...

Ah, celui de Yang Yang, celui sous forme de dessin animé ! C'est un ami qui l'a réalisé, avec des moyens de fortune, c'est ce qui donne cet effet un peu « crusty ». Nous nous sommes servis de mon mac. J'ai bricolé quelque chose avec mon ordinateur, je l'ai envoyé à un ami en Angleterre pour qu'il en fasse quelque chose. C'est selon moi une vidéo un peu rebelle aussi, et il s'agit du premier vidéo clip que j'ai réalisé.
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Dernière question, comment te sens-tu pour le concert de ce soir ?

Moi voix est OK, alors ça va. Paris est une ville où j'aime être alors je le sens bien. J'ai d'ailleurs ma potion de prédilection pour chauffer ma voix : du gingembre avec du jus d'orange, c'est très efficace !