The Magnetic North

Comment revient-on à ses souvenirs pour parler de la ville qui nous a vu grandir ? The Magnetic North avaient déjà opéré ce retour au passé en 2012, avec un premier album, Orkney : Symphony Of The Magnetic North, qui trouvait son inspiration dans le cadre des îles britanniques dont est originaire Erland Cooper. Ils reviennent, quatre ans plus tard, sur les pas de Simon Tong, qui les emmène le long des avenues de Skelmersdale, ville du Lancashire impactée par les programmes d'aménagement des villes nouvelles dans les années 1960.

Prospect Of Skelmersdale est traversé de bout en bout d'une douce mélancolie, écho à des temps lointains dont les souvenirs ont vieilli. Loin des barres bétonnées si caractéristiques des villes nouvelles, The Magnetic North impulsent comme un air jovial pour redonner vie à cette zone urbaine. Ils remontent le temps à travers ces douze ballades aux airs tantôt désuets, dotées de cordes nourrissant des harmonies luxuriantes. Skelmersdale se voit ainsi rappelée à travers le filtre d'une indie-pop légère, accompagnée d'une flûte enfantine sur A Death In The Woods. Ces références à l'enfance, souffles d'innocence, sont omniprésentes, passent aussi par la mélodie claire de Sandy Lane, qui paraitrait sortir d'un conte de fées. L'album, s'il est le reflet d'une ville, est aussi celui d'une époque, celle de la jeunesse prise entre évasions constantes et grises réalités. Celle que le groupe met ici en scène aura d'ailleurs pris le parti de ces premières.

Ce second effort tire aussi son charme d'un autre temps à travers des harmonies vocales vaporeuses, mêlant voix masculines et féminines, le plus souvent emmenées par le timbre fluet de Hannah Peel. Mêlées aux cordes qui les soutiennent, ces voix se muent en échos planants à la fin de Signs. Prospect Of Skelmersdale est d'une quiétude jamais troublée, connaissant l'un de ses plus beaux moments sur l'aérienne Little Jerusalem, guidée par des orchestrations sublimes de subtilité. Il ne faut pas chercher chez The Magnetic North de fortes progressions ou une intensité lyrique prononcée, qui trouvent tout juste une traduction tempérée dans Remains Of Elmer ; il faudrait au contraire chérir l'apaisement, peut-être trop rare, que l'écoute de l'album ne cesse d'apporter.

Prospect Of Skelmersdale nous emmène dans les moindres recoins de la ville, arpentant les rues dans Sandy Lane, les quartiers de Little Jerusalem, voire même les horizons imaginaires qu'elle se crée à travers un jumelage avec Cergy-Pontoise. Pourtant, cet album, s'il devait trouver incarnation dans un lieu géographique, pourrait à l'oreille plus facilement évoquer une campagne verdoyante qu'un environnement urbain brutalisé par les programmes de développement, plus ou moins aboutis, de la seconde moitié du XXe siècle. The Magnetic North ont brillamment magnifié une réalité qui ne l'était pas tant à en croire Simon Tong, créant un album œuvrant entre le réel et le rêve aérien.

Alors que le piano de Run Of The Mill résonne une dernière fois, il nous tarde déjà qu'ils partent sur les traces de Hannah, pour enchanter de plus belle le nord de l'Angleterre.