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The Phantom Band

Fears Trending

The Phantom Band - Fears Trending
Chronique Album
Date de sortie : 26.01.2015
Label : Chemikal Underground
4
Rédigé par Hugues Saby, le 27 janvier 2015
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Intéressant concept que celui autour duquel gravite ce Fears Trending. Sorte de troisième album bis, il suit de peu Strange Friend, véritable troisième album de The Phantom Band, sorti en juin 2014. Ces disques ont au moins deux points communs : les lettres de leur titre et les sessions de leur enregistrement. Certains membres du groupe ont présenté Fears Trending comme le jumeau diabolique de Strange Friend : issu d'une même plage d'écriture et de travail, mais relevant d'une atmosphère différente ; évoquant les mêmes sujets (les doutes et la joie mêlés de vivre dans un monde à la fois hyper et complètement déconnecté), mais avec une approche différente. D'où l'anagramme entre les deux titres, et ce statut d'album bis. Un peu comme la voie 9¾ de la gare de King's Cross, Fears Trending est un univers musical parallèle, à la fois proche et lointain, semblable et différent.

Bon, d'accord, et la musique dans tout ça ? Eh bien, plutôt curieuse à vrai dire. Pas désagréable, bien au contraire, mais difficile à appréhender, complexe, déroutante, protéiforme. Une sorte de chimère composée de parties bien distinctes et pourtant bel et bien assemblées. Dans l'ordre. L'album débute sur Tender Castle, son ouverture electronica et sa production grandiose et ambitieuse qui évoque d'emblée Friendly Fires, en moins fêtard sans doute. Suivent Local Zero et Denise Hopper, lesquels s'apparentent respectivement à The Divine Comedy sous acide (tout au long de l'opus, la ressemblance vocale avec Neil Hannon est troublante) et à un croisement plutôt réussi entre Radiohead période Amnesiac et un rock stoner qui s'abandonne ça et là dans les résonances crépusculaires du Crazy Horse de Neil Young. Black Tape erre quant à lui sur des rivages plus tribaux, plus menaçants, avec sa grosse basse/batterie, ses percussions et ses chœurs aussi bien chamaniques que pimpants.

Tournant de l'album, Spectrelegs est sans doute le condensé chimique, l'essence du groupe si tant est qu'on puisse espérer la synthétiser. On l'imagine ressembler au style du groupe, et c'est finalement très parlant qu'il ne ressemble à rien de connu. Un patchwork des influences évoquées plus haut, dont le mélange est porté à son paroxysme, soutenu toutefois par un fil directeur psychédélique mais plutôt léger (en l'occurrence un clavier de type Moog), contrebalancé par des guitares à la retenue toute tonitruante, le tout générant une sorte de tension n'explosant jamais, et pourtant ne nous laissant jamais sur la béquille. La ligne de synthé de The Kingfisher, que l'on jurerait sortie tout droit du niveau 1-3 de Super Mario Land sur Game Boy, justifie à elle seule le morceau, pourtant un peu décevant vocalement et mélodiquement parlant – assurément pas la plus grande réussite du disque, avec son récitatif un poil pompeux piquant certaines intonations à Nick Cave sans en atteindre la profondeur ni la gravité, mais tout de même sauvé par l'entremêlement très réussi et obsédant des guitares et du synthé. Olden Golden clôt les débats en les apaisant un peu, avec son aspect folk assumé (la rythmique caverneuse, le banjo).

Pourquoi un descriptif détaillé titre par titre ? Parce que cet album est relativement indescriptible tant il est un assemblage de choses, de styles qui n'auraient jamais dû se rencontrer. Une chimère vous dis-je. Mais le propre de telles créatures est de fasciner l'Homme depuis la nuit des temps, et force est de constater que cet album, dans son hétérogénéité, son inconsistance, fascine bel et bien. Déroutant, rebutant parfois de prime abord, il finit par distiller son charme perfide, et la deuxième écoute –et les suivantes- se révèlent toujours plus intéressantes en termes d'analyse aussi bien que de ressenti.
En résumé, Fears Trending est un objet indéfinissable mais passionnant, que l'on n'a pas forcément très envie d'aimer, au départ, et que l'on se retrouve bien vite à chérir au fil du temps. Curieux néanmoins qu'il soit présenté comme le jumeau diabolique de Strange Friend, beaucoup plus angoissant sous ses airs faussement primesautiers. Tout aussi curieux ce sentiment, à chaque écoute, de ne pas savoir exactement de quoi il retourne ni ce que l'on ressent. Une seule certitude : il se passe quelque chose, dont on mettra sans doute pas mal de temps à mesurer les effets, où qu'il nous conduisent. Bizarre, envoûtant, jouissif, perturbant.

Un très bon disque donc.
tracklisting
    01. Tender Castle
  • 02. Local Zero
  • 03. Denise Hopper
  • 04. Dark Tape
  • 05. Spectrelegs
  • 06. The Kingfisher
  • 07. Olden Golden
titres conseillés
    Denise Hopper - Spectrelegs - The Kingfisher
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