Chronique Album
Date de sortie : 25.02.2022
Label : City Slang
Rédigé par
François Freundlich, le 23 février 2022
Le duo de Liverpool sort son tant attendu premier album, débarquant comme une bombe dans le paysage musical britannique de ce début d'année. Les deux protagonistes Hannah Merrick et Craig Whittle forment le groupe alors qu'ils travaillent ensemble dans un bar miteux de la ville du Merseyside. Après avoir patiemment rêvé de monter leur groupe parfait, les deux se lancent et deviennent l'attraction principale du dernier Reeperbahn Festival de Hambourg. Comment, des liverpuldiens à Hambourg ? Oui, mais pas les mêmes.
Avec I'm Sorry I Was Just Being Me, on sent que King Hannah ont pris le temps de forger leur propre son : ample, torturé mais sensuel. La voix grave de la chanteuse Galloise s'incruste en une lente pénombre dans des boucles de guitares lourdes et lancinantes. Dès le premier titre A Well-Made Woman, on couronne la King avec ces cinq minutes de trip-hop extatique aux échos labyrinthiques, comme un pendant sombre à l'autre extrémité de la balance du Glory Box de Portishead. La section rythmique basse-batterie est d'une intensité folle, alliant douceur et torpeur, rassurée par cette voix nonchalante à moitié parlée et à la limite de la rupture de Hannah Merrick. On est dans une noirceur hyper attractive avec cette guitare éraillée et angoissante : puissance et subtilité vont de pair et ne se lâchent jamais. Après un début d'album massif et chaotique, on se calme avec une certaine simplicité folk-rock rappelant parfois Chris Isaac pour la vision cinématographique. La voix masculine prend l'ascendant sur la ballade Ants Crawling On An Apple Stork, comme des fourmis dans un Apple... Store ? Le tout avec une candeur rappelant l'Americana des paysages d'outre-Atlantique.
L'auditeur qui aime la lenteur et le temps ralenti y trouvera largement son compte. La personne la plus lente du monde, quant à elle, mettra la note maximale au disque en le chroniquant sur son webzine favori. Un mood différent apparaît sur le titre marathonien de près de huit minutes à l'ambiance Pink Floydienne The Moods That I Get In. King Hannah ne manquent pas d'humour sur Go-Kart Kid (HELL NO!), titre à la simple guitare acoustique entrecoupé par ces « hell no » ou « hell yeah ». Le final épique et jouissif libérateur et déchainé de It's Me And You, Kid termine le disque dans une frénésie magistrale. La voix est modifiée comme parlant dans un vieux téléphone, sur fond de guitare acoustique fine et légère, jusqu'à l'explosion électrique où la voix se libère de son effet pour nous inonder de cette pulsion libératoire : le mouvement de tête est incontrôlable. Le son de ce disque est décidément dantesque avec ces dérivations électriques tortueuses, tranchant avec une cadence métronomique sans fioriture et une voix murmurée si fragile.
Nous tenons ici le grand disque britannique de ce début d'année. King Hannah l'ont réfléchi et ont pris leur temps. Ce disque nous attrape par surprise à chacun de ses recoins, d'une profondeur et d'une justesse remarquable, tout en conservant ce style « badass » qui donne envie de traverser une capitale européenne étouffée par la chaleur, lunettes de soleil vissées sur le visage. A tester cet été.