Forest Swords

Matthew Barnes, aka Forest Swords, compositeur et producteur de musique électronique, sort ce 20 octobre son troisième album Bolted, six ans après Compassion, sa dernière livraison déjà sur Ninja Tune. Si vous ne le connaissez pas encore, c'est parce qu'il a passé ces dernières années à travailler en tant que compositeur et concepteur sonore, écrivant de la musique pour le ballet, le cinéma et les jeux vidéo (dont Assassin's Creed Rogue pour ne citer que le plus célèbre). Pour vous convaincre qu'il ne s'agit pas d'un simple quidam de plus de l'électro, il suffit de dérouler un petit extrait de son CV. Graphiste de formation, il a collaboré avec Robert Del Naja (aka Banksy), Young Fathers, Neneh Cherry et Benjamin Millepied, a été remixé par Lee Scratch Perry, a sorti une mémorable compilation DJ Kicks et une session Boiler Room des plus bouillantes, et est signé sur le toujours impeccable label Ninja Tune. Eléments suffisants pour en conclure que, selon la sacrosainte formule du Duc de Boulbi, le gars est « validé ».

Habitué aux ambiances cinématographiques légèrement planantes, Forest Swords change de cap avec Bolted, car si celui-ci pourrait également être une bande originale, ce serait alors celle d'un film bien angoissant à l'univers lugubre et poisseux, du genre interdit aux moins de seize ans avec avertissement, réalisé par Shinya Tsukamoto ou Takashi Miike plutôt que par Toledano et Nakache. Enregistré dans une usine désaffectée de la banlieue de Liverpool, Bolted a clairement été influencé par son lieu de production. En résulte des morceaux sombres, torturés et envoûtants qui raviront les amateurs de musiques déstructurées et industrielles et laisseront de marbre les barbie girls et les fans de chansons au format couplet / refrain bien dégagées derrière les oreilles.

Munitions donne le ton d'entrée avec ses battements indus et son rythme lourd à la massive patraque. Si l'album emprunte régulièrement cette voie avec des titres comme Rubble Night, Sculpture ou Chain Link, il offre régulièrement de salvatrices bouffées d'oxygène grâce à des morceaux plus suaves à la manière de Butterfly Effect sur lequel résonne la sublime voix de Neneh Cherry ou de Line Gone Cold, belle réflexion sur le deuil portant la patte du regretté Lee Scratch Perry. Toujours intense mais pas monobloc, comme peut le laisser paraitre une première écoute distraite, Bolted sait se faire nostalgique (End), sensuel (The Low) ou bien même apaisé (Caged).

Bolted n'est peut-être pas l'album le plus accessible de l'année et on vous déconseille fortement de prendre Forest Swords comme DJ pour votre mariage, la bar-mitsvah du petit dernier ou les cinquante ans de tonton Amaury, mais on le recommande chaudement à ceux qui aiment les œuvres fortes et puissantes et les artistes imposant une vision originale et personnelle qui ne craignent pas d'étaler leur spleen et leurs pensées le plus noires. En résumé, un grand album à qui sait s'y adonner.