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Forest Swords

Interview publiée par Clémentine Barraban le 11 novembre 2013

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Le festival de musiques électroniques In Paradisum a accueilli cette année au Trabendo le tout jeune musicien et producteur anglais Forest Swords (alias Matthew Barnes), venu donner corps sur scène à son brillant album Engravings. Parfois accompagné de sa guitare et d'un bassiste, des titres comme Thor's Stone ou The Weight Of Gold prennent en profondeur et mysticisme, ré-interprétés avec une inspiration proche de celle du disque mais empreinte d'une nouvelle intensité. Les ambiances lumineuses, les images curieuses des vidéos accompagnant le set ainsi que Matthew Barnes lui-même, aussi gracile que gracieux derrière ses machines, ont livré un visuel à la hauteur de cette musique enchanteresse et saisissante.

Quelques heures avant de monter sur scène, Matthew Barnes s’est prêté au jeu et a répondu à nos questions.

Comment as-tu grandi ? Comment en es-tu venu à la musique ?

J’étais dans un groupe vers l’âge de quinze ou seize ans. J’ai arrêté la musique quand je suis parti à l’université. Ensuite j’ai eu un boulot et je l’ai perdu. J’ai recommencé la musique parce que je m’ennuyais et que je n’avais rien d’autre à faire. J’en faisais comme ça, je ne me doutais pas que ça atteindrait un tel niveau.

Quand on écoute ta musique, on te sent à la fois très à l’aise avec les nouvelles technologies et très proche des éléments naturels et des cultures ancestrales, est-ce vrai ?

Oui, effectivement, je trouve que c’est un bon équilibre. Je me sens toujours connecté à la Terre et à l’environnement. Je pense que c’est essentiel de savoir d’où l’on vient. La technologie est juste un outil que l’on peut utiliser pour mélanger les choses, un peu à l’image d’un barman qui prépare des cocktails.

T’es-tu toujours dirigé vers la musique électronique ?

Dans mon groupe au lycée on faisait plutôt du heavy métal voire du punk. On était très influencés par des groupes comme Deftones ou Merge. Mais j’ai toujours été très tenté de rajouter des claviers et de la musique électronique.

Comment fais-tu pour composer ? Quel matériel utilises-tu ?

Juste mon ordinateur, mon sampler et ma guitare. C’est très basique, je n’utilise pas de technologie très chère, je reste simple. C’est un peu une contrainte mais j’aime me forcer à faire avec ça. Je veux bien avoir accès à des studios et à du matériel très chers mais ce n’est pas pour ça que ce sera mieux. Je préfère faire les choses simplement.

Penses-tu que cela rend ta musique plus personnelle ?

Oui je le pense. Le résultat est beaucoup plus intime, dans le processus d’écriture comme dans la production. Faire les choses simplement c’est être vraiment connecté à ce que l’on fait, c’est comme une discussion avec soi-même.

Est-ce que tu as beaucoup d’amis musiciens ?

Il n’y a pas beaucoup de musiciens autour de moi, la plupart de mes amis ne le sont pas. Je ne sais pas ce que c’est d’être dans ce monde-là et je n’en ressens pas le besoin. Quand je vois mes amis je n’ai pas forcément envie de parler de ma musique.

Ta musique est aussi très forte en émotions, comment te sens tu lorsque tu composes ?

J’ai un peu de mal à comprendre que ma musique suscite de telles émotions, ce concept est assez récent pour moi. Quand tu passes beaucoup de temps à écouter un certain son, une certaine texture, tu te sens profondément connecté, tu ressens des bonnes vibrations de la musique. On ne peut pas dire que ce soit incroyablement émotionnel mais c’est quand même très intense.

Places-tu une dimension spirituelle dans ta musique ?

Je ne dirais pas que je ne suis vraiment religieux mais je crois aux choses spirituelles, à l’énergie. Quand on en vient à parler de musique cela représente toujours une énergie, ça connecte à un haut niveau de conscience.

Ton album Engravings montre que tu as considérablement affiné ton style depuis Dagger Path, représente-il pour toi un aboutissement de quelque chose que tu souhaitais réaliser ?

Oui, c’est le résultat que je voulais obtenir. Dans Dagger Path, mon premier EP, j’explorais les sons, j’allais dans différentes directions, j’ai essayé plusieurs choses. Celui-ci est plus articulé. Je ne vois pas comment j’aurais pu faire quelque chose de plus structuré. C’est l’aboutissement du son que je voulais.

Ton nom de scène Forest Swords sonne comme quelque chose de mystique et d’aventurier. Qui est Forest Swords par rapport à Matthew Barnes ?

Je suppose que c’est avant tout une question esthétique. Le nom sonnait bien avec la musique que j’ai réussie à faire. Et puis ne pas utiliser mon nom me rend plus libre. Je peux me permettre d’abandonner ou de mettre de côté le projet pour passer à autre chose. C’est moins de pression.

As-tu un mentor ? Une référence ultime ?

Björk ! C’est mon artiste préférée. Elle est tellement aventureuse, créative et courageuse. Elle fait les choses sans se préoccuper de ce que les gens pensent, elle se réinvente et essaie de nouvelles choses sans arrêt depuis vingt ans. Elle est d’une autre planète. Ce qu’on fait tous les deux n’est pas vraiment similaire à l’écoute mais se rejoint dans la façon de travailler.

Aimerais-tu collaborer avec elle ?

Oh mon dieu, oui ! Absolument et même si elle m’appelle alors que je suis à l’autre bout du monde, je volerais pour la retrouver. C’est un rêve qui deviendrait réalité.

Comment te sens-tu en live ? Penses-tu que ta musique prend toute son ampleur ?

C’est toujours très difficile de retranscrire en live de la musique enregistrée en studio. Quand tu es en studio, tu passes beaucoup de temps sur un morceau. En live, tu n’as qu’une seule chance pour communiquer ce que tu as fait. Le live est plus physique et les basses paraissent plus puissantes, plus lourdes. C’est une énergie différente. Mais j’aime jouer en live.

Comment vois-tu l’avenir ? As-tu des idées ?

J’ai des idées mais je ne me suis encore lancé dans rien. Je m’occupe déjà de ce que je viens de produire avant d’essayer d’autres choses. Il ne s’agira pas forcément d’albums ou d’enregistrements traditionnels. Je pense plus à des bandes sons ou des installations sonores. Je ne veux pas enchainer albums après albums, c’est très ennuyeux. J’arrêterai de faire de la musique quand je n’aurai plus d’inspiration. Je compte faire encore des albums mais je suis à l’aise avec l’idée de faire totalement autre chose dans quelques années. Je ne veux pas avoir la pression de faire quelque chose que je ne veux pas faire.

Si tu avais un message pour le monde entier ?

Soyez gentils entre vous ! Je pense que le plus important est de répandre la bonne énergie, la bonne vibration.