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Frank Carter & The Rattlesnakes - Dark Rainbow
Chronique Album
Date de sortie : 26.01.2024
Label : International Death Cult
4
Rédigé par Adonis Didier, le 27 janvier 2024
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Mais qui es-tu donc, Frank Carter ? Hésitant depuis dix ans entre faire du punk hardcore et du rock de stade emo, l'homme semble à chaque album plus insaisissable qu'avant sur ses intentions. 2021 nous avait laissé sur un rouquin coupé court, revenu hurler comme aux premiers jours un punk de la rue trimballant un staffie sans muselière dans une main et un poing américain dans l'autre. Sticky, album plein de featurings et de cris opérant un demi-tour en drift sous forme de retour au bercail, se payant même le luxe de ramener Joe Talbot, vociférateur d'IDLES dont la subtilité n'a d'égal que son sens de la nuance, dans l'équation.

Autant vous dire que je n'étais pas très chaud au moment de voir apparaître le Franky le plus bagarreur d'Angleterre dans la liste des albums à chroniquer. Mais ce n'est pas parce qu'on est des amateurs qu'on ne doit pas se comporter comme des professionnels, et on est allés écouter les quelques singles disponibles pour se faire une idée de la chose, et là : le choc. Le demi-tour n'était pas un 180 mais bien un 360 effectué très lentement, si lentement qu'on y a vraiment cru, si lentement que c'est deux ans et demi plus tard que Frank Carter & The Rattlesnakes reviennent avec leur cinquième album, et attention, le cinquième risque de vous surprendre !

Car si Sticky collait au bitume comme de la glue, Dark Rainbow en prend le contrepied total, et s'envole dans une mer de nuages noirs et violets, un océan de sentimentalité ténébreuse dont les vagues brassent des vapeurs de My Chemical Romance et de Queens Of The Stone Age. La face lourde, sensuelle, tout simplement cool du groupe de Josh Homme couplée à l'ultra-mélodie emo de la romance chimique, oui Frank Carter est bien votre pote de fin de soirée qui verse du Passoa dans votre verre de Cognac sans vous le dire, et vous savez quoi ? On en redemande.
Un rythme groovy drapé de noir dans une alcôve, des refrains grandiloquents au format trampoline sur une batterie surdimensionnée, voici mesdames et messieurs la première partie du sombre arc-en-ciel, introduite en grande pompe par une Honey pop-rock hyper catchy, car on attrape mieux l'auditeur avec du miel qu'avec du vinaigre. Les singles Man Of The Hour et Brambles y déroulent leur mal-être explosif, American Spirit enfourche sa moto pour fuir dans le désert après avoir encore piqué un riff à Josh Homme, et s'il vous plait enlevez vos Ray-Bans et vos santiags au moment d'écouter Happier Days. Chanson de stade au panthéon des chansons de stade, le refrain y est un boulet de démolition avec des ailes d'ange collées au cul, une charge explosive qui terraforme la ville entière avant que le grandiose de sa fin sublimée de cordes n'y reconstruise un gigantesque palais à la gloire du rock emo, un portail vers l'enfance de tous les ex-adolescents fans d'Evanescence présents dans la foule.

Conscient que l'on en arrive à citer Evanescence dans une chronique en 2024, l'album se dit qu'il est peut-être temps de ralentir, Queen Of Hearts et Sun Bright Golden Happening introduisent la face B par deux chansons délicates et intimistes : Frank est au milieu de l'église, seul à l'orgue et au piano, un unique rai de lumière perce depuis le vitrail central de la nef et se pose sur son visage. Ses cheveux sont gominés, plaqués en arrière, lui donnant un air d'Alex Turner punk et tatoué. On a les comparaisons qu'on mérite, et vexé de l'indélicatesse, l'album fait sauter une dalle après l'autre jusqu'à tomber plus bas que l'enfer, dans l'air noir et vicié de Superstar. Vous connaissez la musique, le couplet est lourd comme une blague de Bigard, le refrain explose tout à la masse, puis direction le pop-punk de Self Love pour s'envoyer en l'air avec soi-même, avant de retomber dans le ténébreux final de A Dark Rainbow.

Un final placé là comme pour définitivement en finir avec le punk hardcore, enfin jusqu'à la prochaine fois, et si certains verront en cet album une impardonnable trahison à toute une frange de son public, on ne saura qu'encourager Frank Carter à poursuivre dans la voie de cet album de la maturité adolescente. Car comme dirait ce bon vieux Bigard, quitte à céder aux sirènes de la luxure et de la sentimentalité gluante, autant y mettre aussi les mains et la langue. Alors vas-y Franky c'est bon, vas-y Franky c'est bon, bon, bon.
tracklisting
    01. Honey
  • 02. Man of the Hour
  • 03. Can I Take You Home
  • 04. American Spirit
  • 05. Happier Days
  • 06. Brambles
  • 07. Queen of hearts
  • 08. Sun Bright Golden Happening
  • 09. Superstar
  • 10. Self love
  • 11. A Dark Rainbow
titres conseillés
    Happier Days, Brambles, Honey
notes des lecteurs
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