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Therapy?

Interview publiée par Fab le 14 mai 2006

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Pour certains, Therapy? n'est le groupe que d'une seule chanson, Nowhere. Pour d'autres, un exemple de longévité auteur d'une douzaine d'albums depuis ses débuts. La vérité, sans doute à mi-chemin de ces deux visions, nous est racontée par Andy Cairns pour de la sortie de One Cure Fits All...

Vous avez intitulé votre nouvel album One Cure Fits All, pourquoi avoir choisi ce nom ?

Le titre a été tiré de la chanson du même nom, mais pour une fois nous avons procédé différement par rapport à nos habitudes. L'idée est venue de Michael, notre bassiste. Pour nos autres albums le titre était choisi avant même de débuter l'enregistrement du disque, alors que cette fois-ci nous avons attendu notre sortie du studio pour relire les textes des chansons et nous rendre compte que le sujet de la guérison, de l'amélioration ou de la progression était récurrent. One Cure Fits All correspond à une recherche, une réflexion afin d'améliorer sa vie. Il est toujours possible de modifier certaines choses pour optimiser son plaisir.
Je dois avouer que nous avons fait ce choix à la dernière minute : j'ai reçu un coup de téléphone de notre label un vendredi, et il nous fallait absolument communiquer le titre définitif avant la fin du week-end car l'artwork du disque devait être imprimé le lundi suivant. Sans cela nous chercherions peut-être encore une idée !

Le son général de ce nouvel album semble vous ramener vers la musique que vous jouiez il y a une bonne dizaine d'années, c'est un retour en arrière voulu ?

Je pense que cette impression est liée à la présence de refrains ou de choeurs très efficaces, ce qui n'était pas nécessairement le cas sur nos derniers disques. Les mélodies sont également très importantes sur One Cure Fits All. Je ne dis pas que nous avions envie de faire la même musique qu'à nos débuts, mais nous avions envie de faire des chansons puissantes et efficaces, des compositions capables de tenir un rythme relevé durant trois ou quatre minutes. Dix-huit chansons étaient écrites avant d'entrer en studio, puis nous avons sélectionné les douze plus réussies en accord avec le producteur.

Quelle est selon toi la chanson la plus représentative de l'ambiance générale du disque ?

Difficile à dire, je change d'avis tous les jours ! Mais si je dois sélectionner une chanson à cet instant ce serait Deluded Son. Lorsque nous avons enregistré cette chanson, j'écoutais énormément l'album Forever Changes de Love, un groupe des années 60. Je suis très fan de leur musique, les mélodies sont très importantes chez eux, très joyeuses, mais les textes sont beaucoup plus sombres que ceux des autres groupes de la même époque. En créant Deluded Son nous avons voulu combiner le son de ce genre de groupe avec la musique que Steve Albini peut écrire avec Shellac.

Les textes des chansons de One Cure Fits All semblent plus personnels que ceux que tu écrivais il y a une dizaine d'années. Aucun des nouveaux titres ne semble par exemple orienté vers la politique...

Pour ce nouvel album, la plupart des chansons ont été écrites séparément, c'est sans doute pour cela qu'il n'existe aucun lien apparament entre elles alors que dans le passé le processus de création était très concentré. C'est en ce sens que One Cure Fits All est plus personnel, car nous avons eu le temps de rassembler nos idées et de composer autour petit à petit. J'ai vécu beaucoup de choses dans ma vie durant une période de deux ou trois mois, et tous ces événements m'ont beaucoup inspiré dans l'écriture des textes.

Comme pour chacun de vos disques, vous avez réussi à suivre une certaine évolution sur One Cure Fits All. Quelles ont été vos influences musicales ?

Nous avons écouté beaucoup de disques très différents ! Beaucoup de Shellac dans un premier temps, mais aussi My Bloody Valentine et quelques albums de Love bien entendu. Unconsoled a par exemple été fortement influencée par les canadiens de Godspeed You! Black Emperor, Into The Light par Sonic Youth... One Cure Fits All est réellement un condensé de tout ce que nous apprécions musicalement.

Le line-up de Therapy ? a beaucoup évolué au fil des ans, tout comme le nombre de musiciens qui ont composé le groupe. Quelle est selon toi la meilleur époque ?

Mes années préférées sont les trois premières, lorsque nous étions cinq au sein du groupe. Mais d'un autre coté, le fait de travailler sous la forme d'un trio est totalement différent et beaucoup plus simple. Je ne crache pas non plus sur l'époque où nous étions quatre car l'album Suicide Pact—You First que nous avions enregistré tous ensemble est fantastique à mes yeux.
Je garde toutefois un grand souvenir de notre premier concert à trois, à Nottingham. Nous n'avions pas l'habitude de nous produire ainsi... par rapport à nos habitudes il manquait inévitablement une guitare ainsi que des chœurs. C'était à la fois étrange et génial de pouvoir essayer quelque chose de nouveau. Je pense que la vie au sein du groupe est plus simple désormais. Nous sommes tous les trois de très bons amis, et lorsque nous composons des chansons tout me semble naturel, presque automatique. Nous n'hésitons plus à nous dire les choses telles qu'elles sont, je ressens vraiment de l'honnêteté de la part de tout le monde. C'est très sain, car quand tu dois passer plusieurs mois avec quelqu'un en tournée, à être coincé la plupart du temps dans un bus ou à l'hôtel, tu ne peux pas garder des choses négatives pour toi, tu as besoin d'extérioriser ça.

Vous n'avez plus sorti de véritable single depuis votre dernier album il y a trois ans, quelle en est la raison ?

C'est avant tout un problème financier. Le marketing à mettre en place autour de la sortie d'un single (faire presser des copies promo, les envoyer à la presse...) coûte beaucoup d'argent, surtout quand tu veux pouvoir distribuer le single dans plusieurs pays. Nous avons donc décidé de garder notre argent pour pouvoir passer plus de temps en studio et enregistrer quelques chansons supplémentaires, ce que nous n'aurions pas pu faire si nous avions financé un single.
Je pense que dans le futur nous continuerons à sortir des singles sous la forme de téléchargements payants, c'est ce que beaucoup de groupes font depuis quelques mois. J'espère que notre label nous donnera l'occasion de pouvoir proposer de véritables singles dans le futur, au format vinyle par exemple.

Cette manière de travailler vous a poussé à sortir l'EP téléchargeable Rain Hits Concrete le mois dernier. Les chansons le composant avaient-elles été enregistrées exclusivement dans ce cadre ?

Crazy Cocaine Eyes et Hard Work Hope étaient terminées depuis l'enregistrement de l'album mais n'avaient pas été retenues au final tandis que Play On a été écrite quelques semaines plus tard. Trois autres chansons inédites sont prêtes mais je ne sais pas encore ce que nous en ferons... peut-être les offrirons nous directement à nos fans sur notre site officiel dans quelques temps ! Il n'est pas impératif à nos yeux de vendre nos chansons inédites, les distribuer gratuitement et faire plaisir à nos fans est une idée que j'apprécie beaucoup.

A l'heure où le téléchargement est au centre de tous les débats, quelle est ton opinion sur le sujet ?

C'est une évolution logique. J'ai grandi en achetant des singles durant très longtemps, et je le fais encore, mais je ne me suis jamais vraiment intéressé de près au téléchargement de mp3 sur internet. L'informatique ne me passionne pas, mais Michael et Neil sont branchés toute la journée !
L'influence du téléchargement sur la vie des artistes est selon moi très variable : je ne comprends pas que des artistes comme U2, Metallica, The Rolling Stones ou Eminem puissent se plaindre... même si des gens "volent" leur musique, ils vendent tellement de disques que leurs revenus n'en patissent pas !
Quelques jeunes groupes ont d'ailleurs eu l'idée de se servir d'internet pour se faire connaître, comme les Arctic Monkeys par exemple. Je pense que ces jeunes ont adopté la bonne attitude en proposant leurs démos gratuitement, jamais ils n'auraient eu un tel succès aussi rapidement sans cela.
Peut-être suis-je un peu naif, mais je pense que les personnes qui aiment vraiment la musique iront acheter dans un magasin un disque qu'ils auront téléchargé et apprécié. Je fais partie des gens qui aiment passer du temps chez leur disquaire et je ne pense pas être le seul !

Voilà maintenant près de 12 ans que la presse et les fans continuent de te parler inlassablement de Nowhere, ce n'est pas un peu énervant de voir que Therapy? se résume seulement à cette chanson pour beaucoup de gens ?

Non pas du tout ! Je pense même que c'est exactement grâce à cette chanson que notre carrrière a pu se poursuivre, que je peux être à Paris aujourd'hui pour parler de notre nouveau disque. Cette chanson a été un véritable déclencheur pour nous, elle nous a permis d'obtenir un important succès, de partir en tournée partout dans le monde... et bien entendu d'élargir considérablement notre public.
Je me souviens avoir lu une interview de Motörhead un jour, et Lemmy a dit une phrase que je n'ai jamais oubliée : « si tu veux baser toute ta carrière sur une seule chanson, tu as intérêt à ce que ce soit une putain de chanson ! ». Il a tout résumé !

En tant que membre d'un des plus anciens groupes de la scène rock anglaise actuelle, quel regard portes-tu sur l'industrie de la musique ?

Je suis tout aussi intéressé par les nouveaux groupes actuels que je pouvais l'être il y a dix ans. Je continue d'aller voir des concerts et j'achète encore mes disques comme tout le monde !
Je suis quand même surpris de voir comment de jeunes groupes arrivent à obtenir un grand succès en un temps record, comme les Arctic Monkeys par exemple. Il nous a fallu un certain temps pour réussir à sortir nos premiers albums ! Je n'arrive vraiment pas à comprendre comme des gamins peuvent effectuer ce parcours en seulement quelques mois... Les groupes n'y sont pour rien mais je pense que l'industrie est devenue une sorte de McDonald musical, tout doit arriver extrêment rapidement. La comparaison vaut aussi pour le cinéma. Certains réalisateurs parviennent encore à publier de bons films, mais le public veut le plus souvent du spectacle, avec de la rapidité, de l'action... Tout est semblable pour la musique car les gens veulent découvrir des groupes tous les jours, devenir fans et pouvoir télécharger leur musique dans la minute. La notion de temps ne signifie plus rien.
Le phénomène actuel au Royaume-Uni, Gnarls Barkley, en est la preuve. Personne ne le connaissait en début d'année, et cela ne l'a pas empêché d'engendrer un nombre incroyable de téléchargements payants de son premier single.
Je suis quand même rassuré de voir que certains groupes peuvent exister sur la durée, comme Sonic Youth, Motörhead ou Iggy Pop par exemple, sans se soucier de ce que l'industrie de la musique ou la mode peut attendre d'eux.

As-tu prévu de travailler avec d'autres groupes dans le futur ? Peut-être à nouveau avec This Is Menace ?

Nous avons décidé de nous rassembler à l'occasion de deux concerts cet été, avec le véritable line-up au complet. Je ne crois pas que je retournerais en studio avec le groupe car je suis bien trop occupé avec Therapy?, je ne pense pas avoir le temps pour cela durant les mois à venir.
J'ai aussi reçu un email d'adam de Yourcodenameis:milo il y deux jours, et il m'a proposé de venir chanter sur une des chansons de leur nouveau projet musical, une album dont le principe est inspiré des Desert Sessions des Queens Of The Stone Age. J'ai vraiment envie d'enregistrer cette chanson avec eux mais il faut que nous trouvions un studio à une date qui nous conviennent à tous. Rien n'est réglé pour le moment, mais j'espère que cela se fera !

On ne vous pas a beaucoup vus en France ces dernières années, peut-on espérer que les choses vont enfin bouger dans les mois à venir ?

Nous avons une tournée de 14 dates de confirmée pour le mois d'octobre, et je crois que nous serons également de passage en juillet pour enregistrer une session radio pour OuiFm, et pourquoi pas un concert à Paris ? Nous avons aussi confirmé notre participation à deux festivals en France cet été.

Cette tournée française va vous donner l'occasion de vous rendre dans des petites villes et dans des lieux que vous n'avez jamais visité...

C'est ça que je trouve génial ! En Irlande les jeunes adorent la musique, mais quand un groupe vient dans notre pays pour un concert, il ne joue la plupart du temps qu'à Dublin et parfois Belfast, mais si tu habites loin de ces villes tu n'as aucune chance de pouvoir assister à des concerts car les trains de nuit sont quasi inexistants. Cette tournée va nous permettre de faire plaisir à des gens qui n'auraient sans doute jamais pu nous voir si nous n'avions joué que dans deux ou trois villes.

Votre présence au Furia Sound Festival l'an dernier était inattendue, quel souvenir en gardes-tu ?

Ce concert fut surprenant... Nous avons connu un grand succès en France entre 1993 et 1995, puis nous avons fait un break durant trois ans pour enregistrer un nouvel album et quand nous sommes revenus la majorité de nos fans avaient disparu. Nous sommes donc restés plusieurs années sans vraiment partir en tournée en France, et lorsque nous sommes montés sur scène au Furia l'an dernier, ils étaient tous revenus ! J'exagère un peu, mais nous ne nous attentions vraiment pas à attirer autant de gens.
La France a toujours été un pays très important à nos yeux, même quand nous n'avions pas l'occasion de venir y jouer. Je suis heureux que le groupe ne se soit pas séparé en dépit des difficultés, j'aurais vraiment été déçu de ne pouvoir jouer à nouveau dans votre beau pays.