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Foals

Interview publiée par Fab le 18 mars 2008

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Avec Antidotes, la sensation annoncée de l'année 2008 n'a pas déçu. Coachés avec un brio certain par Dave Sitek (TV On The Radio), Foals s'apprêtent à conquérir le Royaume-Uni avec un premier album haut de gamme auquel l'Europe ne résistera probablement plus très longtemps...

Votre album ne sort que le 24 mars mais vous assurez dès le mois de février une tournée de quatre dates en France. Quelles sont vos attentes ?

Jimmy : On attend avec une grande impatience de pouvoir partir en tournée parce qu'on a été très occupés ces derniers mois et on n'a pas donné autant de concerts qu'on l'aurait souhaité. On a joué dans quelques villes aux Etats-Unis mais pas dans le cadre d'une vraie tournée, on ne pouvait donc pas prendre un bon rythme de croisière. Ces quatre dates françaises vont sans doute passer très vite mais c'est surtout l'occasion de reprendre de bonnes habitudes... d'autant plus que notre nouveau tour bus nous plaît beaucoup ! [rires]
Yannis : C'est très excitant de partir en tournée dans un pays où le public ne nous connaît pas car personne ne sait vraiment ce qu'il faut attendre de nous. Le public britannique entend parler de Foals depuis quelques mois et il n'y a plus aucun effet de surprise. Je me sens comme un chien à trois pattes qui n'aurait aucune chance de remporter une course et de se faire remarquer.

Vous n'avez pas encore eu la possibilité de véritablement partir en tournée en Europe à l'exception de quelques concerts, c'est un de vos objectifs des prochains mois ?

Yannis : Notre prochaine priorité est une tournée anglaise pour laquelle tous les concerts sont complets ! On va jouer dans des salles plus grandes que celles qu'on avait visitées jusqu'à maintenant, et nos amis de Youthmovies assureront nos premières parties. Ensuite ce sera au tour des Etats-Unis durant quatre semaines puis de l'Europe pour une quinzaine de concerts. Il est aussi prévu qu'on parte quelques jours au Japon avant de retourner en Amérique du Nord... puis viendra sans doute l'époque des festivals d'été ! On va donc être très occupés et ça me fatigue d'avance ! [rires]

Tout le monde semble vouloir sa part de Foals, comment parvenez-vous à gérer toute cette pression qui vous entoure depuis quelques temps ?

Yannis : On fait ce qu'on a à faire sans y prêter attention.
Jimmy : La presse est la principale responsable de cet effet de mode. Les journalistes écrivent beaucoup d'articles et de chroniques sur le groupe, ce qui est une bonne chose au final...
Yannis : On doit se sentir chanceux par rapport à tout ce qui nous arrive. On vient tous d'un univers très éloigné de celui des paillettes, aucun d'entre nous n'avait été préparé à ce succès soudain... c'est un phénomène plutôt rare pour un groupe qui vient du milieu underground et qui ne semblait pas prédisposé à vendre des disques un jour. C'est très gratifiant de voir tout cet enthousiasme mais si on commence à trop y penser cela va nous déstabiliser. On fait le maximum pour rester à l'écart des soirées cool et des gens fréquentables, on préfère passer notre temps libre à l'écart ou avec un cercle d'amis restreint et les groupes qu'on connaît depuis des années comme Youthmovies. On aurait pu déménager à Londres pour devenir cool nous aussi mais ce n'est pas ce qu'on recherche ! On est beaucoup mieux à Oxford.
Jimmy : On a réalisé tout cela d'une manière plus claire ces dernières semaines en voyageant dans de nombreux pays et en rencontrant de nouvelles personnes...
Yannis : Le plus dérangeant dans ces effets de mode est qu'on n'est pas préparés, et qu'on ne veut pas donner à tous ces journalistes ce qu'ils voudraient qu'on soit. C'est un point sur lequel je tiens vraiment à être clair, personne ne nous dicte notre comportement et j'ai bon espoir de pouvoir faire de la musique pendant encore longtemps et d'enregistrer des disques qui nous plaisent. Il n'est pas question de tourner en rond d'un album à l'autre parce que les disques se vendent. L'avis de nos proches est le seul qui compte, contrairement à celui de toutes les personnes qui contribuent à monter une hype autour de nous. Ces mécanismes de mode me dépassent complètement, je suis conscient qu'aujourd'hui tout le monde veut voir Foals mais dans quelques mois ce ne sera plus le cas et un autre groupe sera au centre de toutes les attention. Aucun groupe ne sauvera la culture ou la musique, il faut bien être conscient de notre place et ne pas se voir plus beau qu'on ne l'est. J'espère seulement que les personnes qui viendront nous voir en concert sauront apprécier notre musique et nous soutenir de manière sincère sans arrière-pensées. Ma priorité n'est pas de devenir riche mais de m'épanouir artistique, que je sois cool ou non.

Le NME joue un rôle important dans l'engouement autour de Foals, allant même jusqu'à te classer dans leur dernière "Cool List"...

Yannis : Quelle connerie... D'ici un an ils auront sans oublié qui je suis et ils se concentreront sur un autre groupe. Peu importe !

Lors de notre première rencontre l'année passée vous aviez formulé le souhait de pouvoir travailler un jour avec Dave Sitek (TV On The Radio)... je pense qu'on peut dire que les choses se sont plutôt bien passées pour vous ?

Yannis : Je me souviens très bien avoir dit ça ! A l'époque il nous avait dit qu'il était trop occupé pour produire notre album, mais les choses ont évolué et j'ai appris par la suite que c'est une réponse type qu'il donne aux groupes avec lesquels il ne veut pas travailler ! Il était occupé mais il avait suffisamment de temps pour collaborer avec nous quelques temps, il fallait juste le convaincre car il est très sélectif. On a beaucoup discuté au téléphone avec lui pour le convaincre et on est vraiment très heureux de l'avoir rencontré.

Qu'a-t-il donc apporté à votre musique ?

Yannis : Il nous a fourni en drogues pendant six semaines ! [rires] C'est vraiment un extrêmiste dans sa manière de travailler, il ne voulais jamais nous laisser nous reposer, il nous poussait sans cesse, allant presque jusqu'à nous menacer si le résultat n'était pas à son goût. Il était constamment sur notre dos, comme un loup harcelant sa proie.
Jimmy : Il cherchait à nous faire passer un cap. Il voulait qu'on parvienne à développer toujours plus d'énergie dans nos chansons, et cela passait par de gros progrès au sein du groupe et en tant que musiciens. Même au niveau des textes il est parvenu à faire disparaître certaines inhibitions... On ne pourra jamais oublier les cinq semaines qu'on a passées avec lui à New York, il nous a changés à jamais dans notre manière de travailler. Je ne pense pas qu'il existe ne serait-ce qu'un autre producteur au monde qui lui ressemble, il est complètement incomparable aux autres personnes.
Yannis : C'est un marginal. Je ne pense pas qu'on travaillera à nouveau avec lui un jour, il ne nous laissera pas avoir cette chance une seconde fois. Pour moi il a achevé son travail avec nous, il a métamorphosé notre groupe comme on ne l'aurait jamais imaginé et ça n'ira pas plus loin.

Qu'a-t-il changé de si important pour vous ?

Jimmy : Il a transformé nos différentes personnalités en une unité. On avait tous des personnalités différentes avant de le rencontrer mais il a su recentrer nos intérêts communs autour de la musique.
Yannis : Il a provoqué une prise de conscience générale. Il n'existe plus de raisonnement personnel désormais, seul le groupe existe lorsqu'il s'agit d'écrire ou d'enregistrer de la musique. Le groupe est devenu un organisme unique qui ne peut pas survivre s'il est privé de l'un de ses membres. Sans vouloir paraître spirituel, Dave était devenu notre gourou.

J'ai pourtant entendu dire que le premier mix de votre album qu'il avait réalisé n'était pas vraiment à votre goût...

Yannis : Ce n'était pas raté mais ça ne correspondait pas à nos attentes, on ne pouvait donc pas s'en satisfaire. C'est vraiment dommage d'avoir rencontré un tel problème alors que le disque était enregistré, mais sa première version était identique à celle qui sortira dans le commerce... avec beaucoup trop de reverbs. Ce n'était pas dramatique mais il était hors de question qu'on utilise cette version, le résultat était trop bizarre. On reste malgré tout en très bons termes avec lui, tout est bien qui finit bien...

Quelle est votre perception de la version définitive du disque Correspond-elle à ce que vous aviez prévu dès le départ ?

Yannis : On savait à l'avance que des choses allaient changer, mais je crois que la surprise ne s'est pas produite dans le sens prévu... Je m'attendais à ce que Dave Sitek amène beaucoup plus de folie à l'album mais il nous a au contraire cadrés dans notre travail. Il nous a vraiment montré beaucoup de respect par rapport à ce qu'on avait construit depuis des mois, il n'a pas cherché à tout remettre en question et c'est une chose que j'ai appréciée venant de lui.

La principale évolution dans votre musique résulte de l'utilisation importante de cuivres sur cet album...

Jimmy : L'idée est venue de Dave Sitek qui apprécie vraiment ce genre d'instruments. Il voulait faire un essai et il a fait venir en studio des amis à lui de Brooklyn, les mêmes personnes avec lesquelles il avait travaillé sur les albums de TV On The Radio et qu'il connaît donc très bien. Ils sont venus, on a enregistré quelques démos et comme le résultat était prometteur on a exploré un peu plus idée.
Yannis : Je pense qu'on lui a malgré tout inspiré cette idée lors d'une discussion. On voulait tous incorporer des sonorités afro beat sur certaines chansons et il a donc extrait un élément caractéristique de ce style musical pour l'insérer dans nos chansons. Il a aussi cherché à utiliser des techniques propres au jazz au niveau des claviers ou du piano pour obtenir de nouveaux résultats. On aurait sans doute pu deviner qu'il allait avoir l'idée d'utiliser des cuivres, mais c'est aussi pour ce genre de folie qu'on voulait le rencontrer au départ.

De quelle manière parvenez-vous à transcrire ces nouveaux sons sur scène ?

Yannis : Pour le moment on se contente de donner des concerts à cinq mais on ne veut pas exclure l'idée d'avoir un musicien supplémentaire au saxophone par exemple. Oscar Cash nous a déjà accompagnés lors de l'enregistrement d'un show télévisé donc on pourrait le faire à nouveau... Je préfère qu'on apprenne à bien jouer les chansons nous-mêmes dans un premier temps, il faut parvenir à conserver une vraie fluidité sur scène et cela passe par une certaine simplicité.
Jimmy : Le but des concerts n'est pas de jouer l'album à l'identique mais d'offrir une certaine imterprétation des chansons. Ce sont vraiment deux choses différentes.
Yannis : La possibilité de donner des concerts avec ou sans cuivres apporte une dose d'excitation supplémentaire. Cela nous offre de nouvelles perspectives pour varier notre musique. Je commence par exemple à accompagner Jack aux percussions sur certaines chansons, c'est ma manière à moi d'apporter des idées nouvelles pour la suite de notre carrière...
Jimmy : Si le public ressent notre volonté d'aller de l'avant et de proposer des choses inédites il n'en sera que plus satisfait. L'ennui est notre ennemi.

Votre album semble se révéler un peu plus lors de chaque écoute et je pense que vos compatriotes n'hésiteraient pas à parler de « grower » pour le qualifier. Etait-ce un objectif pour vous ?

Yannis : Il était hors de question d'enregistrer un album à sens unique. Notre idée était d'obtenir un résultat en trois dimensions, voire même d'arriver à superposer un nombre infini de dimensions pour n'en obtenir qu'une seule au final. C'est pour cette raison que cet album est un grower selon moi, parce qu'il cache beaucoup d'éléments sous une couche principale.

Votre décision de laisser de côté Hummer et Mathletics, vos deux titres les plus connus, a fait grincer quelques dents...

Jimmy : Notre management et Transgressive Records ont compris notre démarche et personne ne nous a fait de reproches. Ca ne nous semblait pas très important sur le moment, c'était même dans la logique des choses de vouloir passer à autre chose.
Yannis : Certains de nos amis ont été surpris mais ils ne nous ont pas jugés car ils avaient confiance en notre choix. Et pourtant toutes les personnes qu'on rencontre nous demandent sans cesse le pourquoi de cette décision ! On a beaucoup changé depuis la sortie de ces deux singles, si on avait voulu les publier sur notre album j'aurais eu l'impression de mettre des chansons d'un premier album sur le second. Il n'y avait aucune raison de chercher à leur donner une seconde jeunesse car j'estime qu'elles sont déjà parfaites. Tout le monde peut les trouver en téléchargement sur Internet et les entendre lors des concerts, je pense que c'est suffisant... on n'empêche pas les gens de les écouter à ce que je sache non ? Quel aurait été le but de les ajouter sur l'album ? A leur place on a décidé de proposer des chansons inédites, je crois que tout le monde y gagne !

Votre label aurait pu ne pas apprécier votre décision !

Yannis : Je ne pense pas... On n'est pas comme tous ces groupes calculateurs qui cherchent à sortir le plus grand nombre possible de singles pour gagner de l'argent. Les chansons sur l'album sont aussi bonnes que Hummer ou Mathletics, la différence principale réside dans le fait que les gens n'ont pas encore pu écouter le disque et ne le réalisent donc pas. Il n'est pas suffisant d'enregistrer uniquement de bons singles pour obtenir un bon album.

Pensez-vous que l'écoute de Hummer ou Mathletics aurait pu induire en erreur les personnes qui ne vous connaissent pas ? Ce sont deux chansons très accessible et immédiates contrairement au ton général de votre album...

Yannis : Plus maintenant car notre public commence à nous connaître et sait quoi attendre de nous. On a mis longtemps avant de percer, ceux qui nous suivent depuis nos débuts viennent du milieu underground, ce ne sont pas les mêmes personnes qui lisent le NME et écoutent les groupes de pop qui passent à la radio. On a eu une opportunité formidable de réussir alors qu'on est partis de rien à la base, et d'une certaine manière je crois que le public sait que notre but n'est pas d'enregistrer des singles à la chaîne pour passer à la télévision. Notre musique est en mouvement perpétuel, personne ne peut nous enfermer dans une case.

Pouvez-vous m'en dire plus sur le titre que vous avez choisi, Antidotes. Doit-on considérer les chansons comme les antidotes contre quelque chose ?

Jimmy : L'interprétation du titre est ouverte aux suggestions, je crois que le seul à pouvoir décider est l'auditeur.
Yannis : Je pense qu'il faut principalement retenir que ce titre colle parfaitement à l'esprit du disque, à sa pochette et surtout aux paroles des chansons. C'est un titre très optimiste car il montre que toute chose peut être soignée, l'espoir d'aller mieux et de guérir existe toujours. J'aime aussi la connotation sombre d'Antidotes, dans le sens où un antidote est créé pour combattre une nuisance ou un venin. J'aime la dualité que possède ce titre.

Doit-on supposer que c'est un disque sombre ?

Yannis : Pas à proprement parler. Des traces de mélancolie peuvent être perçues sur certains titres... mais ce n'est pas non plus un disque joyeux.

L'intégralité du disque a été enregistrée avec Dave Sitek, pourquoi ne pas avoir choisi de conserver certaines des chansons enregistrées avec Kieran Hebden (Four Tet) ?

Yannis : On a enregistré une poignée de titres seulement avec Kieran Hebden, uniquement des versions alternatives de certains titres comme Balloons, Cassius et Tron.
Jimmy : On n'a jamais envisagé d'utiliser ces chansons sur notre album, ces sessions en studio étaient uniquement une excuse pour passer un peu plus de temps en studio sans pression, juste pour extérioriser certaines idées qu'on avait en tête depuis un moment. Kieran Hebden avait le rôle d'un chef d'orchestre pendant qu'on étirait les chansons au maximum, parfois au-delà d'une dizaine de minutes !
Yannis : On est restés trois jours non-stop en studio avec lui. Il a lancé l'enregistrement, on a joué de nos instruments puis on est rentrés chez nous. Quelques temps plus tard il nous a fait parvenir les enregistrements définitifs qu'il avait retravaillés de son côté.
Jimmy : C'était vraiment une récréation pour nous.
Yannis : Pour le moment on a sorti Balloons et Cassius en bsides des singles respectifs, quant à Tron rien n'est encore décidé. Peut-être qu'on les publiera un jour toutes les trois sur un vinyle, je ne sais pas. J'aimerais pouvoir collaborer à nouveau avec lui un jour, ou essayer quelque chose avec Mathew Dear.

Le mot de la fin ?

Yannis : On veut être fatigués et occupés, c'est un bon signe de réussite ! [rires]