Si certains avaient pu douter des capacités de These New Puritans à sortir de la masse il y encore deux ans, leur second album, Hidden, est une réponse cinglante sous forme de chef d'oeuvre. Jack et George Barnett reviennent pour nous sur cette métamorphose...
L'enregistrement de votre second album a impliqué une absence de votre part de près d'une année, comment votre travail s'est-il déroulé ?
Jack : Nous avons donné beaucoup de concerts en 2008 mais j'ai aussi profité de mon temps libre pour écrire de nombreuses chansons pendant plusieurs mois. L'enregistrement s'est déroulé durant l'année 2009 et le disque est désormais prêt à sortir.
George : Après une pause de trois mois, je dirais qu'il nous a fallu la même durée pour écrire toutes les chansons et encore trois autres mois pour que l'enregistrement soit bouclé. Au total, le processus s'est donc étalé sur environ neuf mois.
Aucun impératif de temps ne vous avait été fixé ?
Jack : Aucun, notre maison de disque était impatiente d'écouter le disque mais nous étions libres de travailler comme nous le voulions. Je pense qu'une part de notre réussite leur revient car ils ont toujours cru en nous et nos idées, nous avons vraiment pu exploiter toutes les possibilités sans contraintes. Nous avons pu travailler avec des enfants, enregistrer des chansons avec un orchestre de cuivres, et même décider de confier le mixage du disque à Dave Cooley, seul à Los Angeles, ce qui constituait un certain risque évidemment...
D'une manière plus générale, comment avez-vous vécu la création de cet album ? Etait-ce plus complexe qu'avec Beat Pyramid ?
Jack : Absolument pas !
George : Le contexte est différent pour un second album. Pour Beat Pyramid, il existait certaines attentes et obligations par rapport aux chansons que nous jouions longtemps lors de nos concerts. Il n'était pas possible de partir dans une direction opposée. Hidden constituait lui un nouveau départ. En dehors d'une poignée de titres dévoilés en tournée, personne ne pouvait savoir ce vers quoi nous allions nous tourner... et de notre côté, notre créativité était vraiment libérée. Il fallait produire un nouvel album et nous l'avons fait. A partir de là, que le résultat plaise ou non était un autre problème.
L'image d'un énième groupe post-punk vous collait à la peau depuis vos débuts, n'avez-vous pas cherché à prendre un nouveau départ en quelque sorte ?
Jack : Pas consciemment, mais le résultat est différent. Produire quelque chose de véritablement nouveau était même une obligation pour nous. Lorsque j'écrivais de nouvelles chansons, je réfléchissais à la meilleure manière de me renouveler mais aussi de pousser le groupe à être meilleur.
Votre univers musical a été complètement métamorphosé sur Hidden. La guitare est presque absente, au contraire des percussions et des cuivres que vous avez beaucoup utilisés. Est-ce un choix mûrement réfléchi ?
Jack : Je ne pense pas, j'ai simplement continué à composer sans me définir de ligne directrice mais en incorporant par exemple beaucoup d'instruments à vent. Je n'imaginais pas ces compositions devenir des chansons à proprement parler, mais après une période de réflexion j'ai compris qu'il serait possible de les utiliser pour le prochain album de These New Puritans. L'aspect orchestral est moins présent au final mais c'était une nécessité afin de produire de véritables chansons.
Avec qui avez-vous collaboré pour intégrer ces nouveaux instruments aux chansons en studio ?
Jack : C'est très simple, nous avons commencé par mener des auditions pour trouver les bons musiciens ! La musique proposée sur notre nouvel album est beaucoup plus variée que tout ce que nous avions produit jusque là, il fallait donc bien choisir notre entourage. Certaines parties de piano sont très complexes sur Hologram, et le premier pianiste choisi, qui était pourtant un professionnel du classique, ne parvenait pas à les jouer fidèlement... c'est pour cela que nous sommes allés chercher une personne ayant travaillé avec John Cage. Nous avons aussi collaboré avec l'Orchestre Philharmonique de Prague pour d'autres titres, et le fait que ces musiciens ne parlent pas anglais a encore une fois compliqué notre tâche.
George : Notamment lorsque nous avons été contraints de renvoyer une personne... en passant par notre interprète (rires) !
Jack : Nous n'avions pas de temps à perdre lors de ces sessions, il fallait que tout soit bouclé en quatre heures ! Les deux premières ont donc été consacrées aux cuivres et les deux suivantes aux instruments à vent. Et ce pour l'ensemble des chansons du disque !
Le fait de devoir diriger d'autres personnes a sans doute rendu l'enregistrement de cet album très différent du premier ?
Jack : Le fait de diriger d'autres personnes n'était pas un problème, le plus dur était d'intégrer tous les éléments des chansons sans nécessairement les jouer nous mêmes. Nous avons été aidés en cela par plusieurs personnes, dont Phil Brown qui a travaillé avec Talk Tak dans le passé. Au final, j'ai réalisé que nous sommes plus doués pour composer de la musique que pour la jouer.
En plus des nombreux instruments utilisés, vous avez travaillé avec une chorale d'enfants sur de nombreux titres. D'où vous est venue cette idée ?
Jack : J'étais convaincu que la chanson Orion avait besoin de cet ingrédient. Je me suis beaucoup inspiré des ambiances et de la bande son des Mystérieuses Cités d'Or en écrivant cet album, et pour parvenir à reproduire le même effet lors des enregistrements, j'ai eu l'idée d'incorporer des chants d'enfants. En fermant les yeux j'imaginais une ancienne civilisation et des chants traditionnels, ce qui était exactement l'effet recherché. Plus le temps a passé, plus la chorale s'est imposée d'elle-même sur d'autres titres. Pour Attack Music, c'est même devenu une obligation tant la version initiale était ratée vocalement. Aucun de nous ne trouvait le ton juste, parfois trop calme, parfois trop agressif, et George a fourni la solution avec la chorale.
George : Nous avons rencontré quelques difficultés pour convaincre le directeur de l'école car les textes de certaines chansons étaient jugés trop durs. L'accord ne nous a été donné que la veille de la session d'enregistrement.
La conséquence logique de ce choix est un certain recul vocal de votre part, d'autant plus que Heather Marlatt a également été invitée sur ce disque...
Jack : La majorité des chansons que j'avais écrites n'avaient pas été pensées pour laisser la place à un véritable chanteur, c'est pour cette raison que la musique est prédominante sur cet album. Paradoxalement, j'estime encore aujourd'hui que je suis allé au bout de mes possibilités vocales sur ce disque, il me semble pour le moment impossible de dépasser le niveau que j'ai atteint.
George : C'est aussi pour cette raison que nous avons souhaité expérimenter la présence d'une voix féminine, pour nous ouvrir de nouveaux horizons et voir ce que cela pourrait apporter au groupe par la suite.
Jack : J'estime quand même être devenu un meilleur chanteur sur cet album. Ma technique a évolué et j'ai tenté de me diversifier, de changer mes habitudes.
Hidden constitue une véritable révolution pour vous, mais avez-vous fixé certaines limites malgré tout ? Peut-être des idées laissées de côté pour plus tard ?
Jack : Nous avons tenté de reproduire le son de balles avec des projectiles et un microphone mais sans réussite, alors nous avons uniquement intégré des enregistrements d'épées sur certains titres. Je pense que notre vision des armes à feu a été faussée par l'image que nous en donnent la plupart des films, le son que nous obtenions n'était pas très convaincant. Plus globalement, j'aime vraiment la musique que nous avons enregistrée pour cet album, plus que tout ce que nous avions produit jusqu'alors. Mais par la suite, j'ai pour objectif d'achever l'écriture d'un disque vraiment pop.
Où en es-tu de ce projet pour le moment ?
Jack : Je ne m'arrête jamais d'écrire. Même durant les sessions d'enregistrements de Hidden, je trouvais toujours du temps pour travailler sur de nouvelles idées. C'est un processus continu, il n'y a pas de pause.
A propos de cette atmosphère, ne pensez-vous pas que ce disque aurait pu être la Bande Originale d'un film ?
George : Nous avons pour projet d'enregistrer une bande originale prochainement, mais pas avant que notre disque pop ne soit achevé.
Jack : J'aimerais pouvoir écrire la musique d'un film fantaisiste, quelque chose d'original comme pour le Cinquième Elément.
Le titre de ce nouvel album, Hidden, ajoute une part de mystère supplémentaire à votre nouvel univers...
Jack : Nous n'avons pourtant choisi ce titre qu'assez tard. C'est assez étrange, car pour notre premier album nous connaissions déjà le titre des mois avant d'aller en studio pour l'enregistrer. La musique avait même été dictée par ce titre d'une certaine manière, nous savions précisément où nous allions. A contrario, Hidden est un disque très organique et instinctif, ce n'est qu'après avoir cerné l'ambiance des différentes chansons que nous avons pu choisir ce titre. Nous voulions un terme représentatif de son atmosphère.
Après les chiffres pour Beat Pyramid, quel est le thème central de ce disque ?
Jack : Peut-être la guerre. Les deux disques ont suivi des approches différentes. Hidden est beaucoup plus porté sur les émotions. Certaines chansons s'inspirent du ciel et des étoiles par exemple, d'autres de la notion de nager vers les profondeurs de l'océan... Je réalise à cet instant que l'idée de s'éloigner et de prendre un certain recul est récurrente. Ce disque est pour moi définitivement beaucoup plus ouvert sur l'extérieur que le précédent
A propos de la guerre, votre nouveau single, We Want War, est une chanson de plus de sept minutes. C'est un choix pour le moins surprenant...
Jack : Je crois sincèrement que le rôle des singles a évolué ces dernières années. Nous n'avons pas cherché à sortir la chanson la plus immédiate mais celle qui nous semblait le mieux représenter l'ensemble du disque. Le fait que ce titre dure sept minutes est secondaire, je pense même que c'est un atout dans le cadre de notre démarche. Nous sommes réalistes, peu importe la chanson choisie, il n'y avait aucune chance qu'elle se vende par millions.
George : Je pense que We Want War est le seul titre parvenant à encapsuler l'esprit que nous avons voulu insuffler au disque...
Jack : Et pourtant je ne dirais pas que c'est la meilleure de l'album, mais elle imbrique tous les éléments qui ont fait de Hidden ce qu'il est maintenant. De nombreux instruments, des changement de rythme, des sons étranges...
Pour en revenir à cette diversité, la difficulté avec cet album ne résidera-t-elle pas au final dans le fait de le retranscrire en concert ?
George : Il nous sera impossible de retranscrire les chansons de manière fidèle, il va être nécessaire de repenser complètement toute la partie instrumentale du disque.
Jack : Je pense qu'il sera intéressant d'imaginer une version alternative de cet album. En dehors des quelques concerts spéciaux pour lequel le budget nous permettra d'être entourés de musiciens supplémentaires, ce sera une obligation. Il sera plus question de proposer de la musique que des chansons.
George : Peut-être que nous pourrons aussi acheter quelques instruments. Pourquoi pas une harpe médiévale (rires) ?
Jack : C'est décidé, nous jouerons uniquement des chansons médiévales. Avec des costumes (rires) !