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James Walsh

Interview publiée par Maxime Canneva le 5 avril 2014

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Il y a dix ans déjà, le titre (ou plutôt son remix) Four To The Floor de Starsailor atteignait la première place des charts en France. Un premier album encensé, suivi de trois autres au succès bien plus modeste. En perte de vitesse en 2009 et ayant bien compris que la grande époque était derrière lui, le groupe décida de prendre une pause à durée indéterminée afin de retrouver un peu d'inspiration.
C'est ainsi que James Walsh, chanteur et guitariste prolifique, s'est lancé dans sa propre carrière solo en se consacrant également à quelques projets annexes. 2014 sera donc l'année de son retour puisque celle-ci sera marquée par la sortie de son premier véritable album solo, Turning Point, accompagnée de quelques dates en Europe.

C'est à l'occasion d'une tournée commune avec le groupe de stades américain OneRepublic que nous avons retrouvé le britannique chez un glacier de la rue des Abbesses à Paris, quelques heures avant sa montée sur la scène du Trianon, pour revenir sur ses sorties passées et à venir, sa tournée et le retour éventuel de sa formation...

Pour commencer, j'aimerais revenir deux ans en arrière. Ton premier album solo, Lullaby a été enregistré en lien avec un film du même nom (ndlr : lui-même tiré du livre de Chuck Palahniuk, auteur entre autres de Fight Club). Cependant je n'ai pu trouver aucune trace de ce film sur internet ou ailleurs : que s'est-il donc passé ?

Je ne sais pas trop ce qui se passe actuellement avec ce film... A l'époque on avait d'ailleurs trouvé cela assez inhabituel que la sortie de l'album soit programmée avant celle du film. Je suppose que cela est assez commun lors de la production d'un film que celui-ci rencontre toutes sortes de problèmes et de retards... Je ne peux qu'espérer que le projet pourra voir le jour bientôt !

Y a-t-il d'ailleurs eu beaucoup de restrictions sur cet album, vis-à-vis peut-être de certaines spécificités dues au film, ou au contraire t'es-tu senti relativement libre dans ton songwriting ?

Je pense qu'avoir eu un certain fil rouge à suivre, ainsi qu'une histoire aussi inspirante m'a aidé de bien des manières. Nous avons forcément un peu restreint le style musical et adapté les paroles aux éléments du livre. Je pense que cela a clairement plus été un avantage qu'un inconvénient d'avoir une telle source d'inspiration !

J'ai aussi lu que tu considérais ton disque à venir comme ton premier vrai album solo, cette fois sans aucune ligne directrice. Peut-être t'es-tu senti plus libre à cet égard ?

En effet, comme je le disais, dans le cadre de la bande son de l'album Lullaby, j'ai vraiment été inspiré par les personnages, l'environnement... Alors que cette fois-ci il s'agit vraiment d'un album beaucoup plus personnel, inspiré par ma propre vie et mes propres expériences. Quelques titres ont été écrits en collaboration avec d'autres artistes, mais je l'ai composé seul en grande majorité.

Et à propos de cet enregistrement, a-t-il été effectué dans des conditions particulières ? Écoutais-tu spécifiquement certaines choses à ce moment ?

Je pense que cela a surtout été une chance de pouvoir suivre mon instinct et d'exprimer mes goûts comme je l'ai fait. Starsailor suit un processus bien plus démocratique. J'écris certes les chansons, mais celles-ci vont être grandement influencées par ce que fait le clavier, la basse... Tout s'imbrique alors pour donner naissance à nos titres.
Écrire cet album a pour moi été une chance de mettre en avant l'influence de Van Morrison, Jackson Browne, James Taylor, ces artistes qui m'ont tant inspiré.

J'ai d'ailleurs eu l'occasion de pouvoir écouter cet album, il m'est apparu personnellement bien plus « pop » que Lullaby. Es-tu d'accord là-dessus ?

Oui effectivement, je suis plutôt d'accord. Je pense que tout cela est lié avec le co-writing. Quand tu dois fournir un titre écrit avec un groupe, il y a beaucoup plus de pression, il faut arriver à trouver quelque chose qui plait immédiatement, dont on se souvient facilement et arriver à convaincre le label que tel titre ou tel titre doit avoir sa place sur l'album.
Alors qu'ici des titres comme Broken You ou That Man sont vraiment le reflet d'un travail introspectif que j'ai beaucoup laissé murir, jusqu'à ce qu'il s'impose de lui-même.

J'ai pris le temps qu'il fallait, sans avoir personne qui vienne à la porte pour me dire « il nous faut les chansons maintenant, où est l'album ? ».

Un album très personnel en somme ?

Oui vraiment. D'autant plus que je pense qu'il a vraiment profité du fait que ce soit le premier véritable album que j'ai fait, depuis le premier album de Starsailor, où il n'y avait aucune contrainte temporelle ou autre. J'ai pris le temps qu'il fallait, sans avoir personne qui vienne à la porte pour me dire « il nous faut les chansons maintenant, où est l'album ? ».
J'ai sorti l'album vraiment quand je l'ai voulu, après avoir pu enregistrer dans différents endroits, différents studios, différents pays contrairement à Silence Is Easy et On The Outside, qui étaient vraiment enregistrés dans un seul et unique studio.

J'ai aussi remarqué que tu avais utilisé le site PledgeMusic (ndlr : site pour aider les artistes à récolter des fonds pour produire leurs albums) pour faire la promotion de ce nouvel album. Je ne connais pas trop le concept, peux-tu me le détailler un peu ?

PledgeMusic représente une opportunité pour les fans, pas seulement d'investir dans l'album, mais aussi de faire partie intégrante du processus de réalisation, grâce à des mises à jour régulières donnant l'état d'avancement de l'album, ou à des photos et vidéos postées au fur et à mesure.
C'est une très bonne façon de faire s'impliquer les fans de l'extérieur, et c'est également une opportunité pour certains hardcore fans d'avoir leur nom crédité sur la pochette de l'album.

Et y a-t-il eu beaucoup de réponses ?

Oui, on a eu énormément de réponses positives, avec environ 75 % des fonds nécessaires récoltés en seulement une semaine. Un avantage également est qu'une partie des bénéfices va à des associations caritatives, et les gens donnaient en connaissance de cause. Donc oui, on peut dire que ça a bien marché !

Vis à vis de tes concerts actuels, tu es actuellement en tournée en Europe en première partie de OneRepublic. Comment les as-tu rencontrés d'une part, et d'autre part comment se passe la tournée avec eux ?

Je les ai rencontrés au V Festival au Royaume Uni il y a plusieurs années, alors que je faisais une session acoustique pour une radio. Plusieurs groupes se succédaient et il s'est trouvé qu'ils venaient juste après moi. Je crois bien que tous les membres du groupe étaient à l'époque plus ou moins fans de Starsailor, ils avaient alors entamé la discussion et avaient été très sympas. De mon côté j'avais déjà entendu parler d'eux, ils avaient déjà sorti quelques bons titres, on a alors sympathisé, échangé les adresses mails, et nous sommes restés en contact depuis.
Je parlais justement avec Drew Brown l'un des guitaristes du groupe, et nous avons réalisé que cela fait dix ans que nous nous sommes rencontrés. A l'époque, le groupe n'était pas encore très connu, et c'est amusant de se retrouver dix ans plus tard et de se dire « ah mais c'est toi le mec sympa de ce petit groupe, OneRepublic... Qui est maintenant un gros groupe ! »

Tu as donc joué en leur compagnie hier soir pour la première des trois dates au Trianon, comment cela s'est-il passé ?

C'était vraiment génial. On a joué dans beaucoup de grandes salles, où il est difficile de voir tout le public, mais là ils ont préféré choisir une plus petite salle et de jouer plusieurs soirs d'affilée. C'est vraiment une toute autre atmosphère, dans un lieu chargé d'histoire. Lorsque je suis monté sur scène hier soir, toute l'équipe de OneRepublic a vraiment été au top avec moi et félicité, et cela m'a vraiment fait chaud au cœur. Le groupe comme l'équipe font attention à moi, et c'est vraiment appréciable.

J'ai également vu que tu repartais en tournée en solo en avril, en majorité au Royaume-Uni. Était-ce un choix de ne pas revenir trop vite en Europe ?

Non, pas vraiment, c'est juste qu'il y a quelques titres qui passent sur les radios britanniques, donc c'est plutôt logique de commencer par là. Je passe aussi par les Pays-Bas, le Danemark et l'Autriche qui semblent plutôt intéressés par ce que je fais.
En tout cas j'espère que cette tournée avec OneRepublic va permettre de susciter un peu d'intérêt et d'obtenir de nouvelles dates en France, Belgique... En tout cas ce n'était pas un choix conscient de ne pas inclure ces pays-là dans la tournée. Dans l'immédiat il s'agit surtout de reconstruire une image et d'obtenir de l'attention.

En ce qui concerne la France, ce n'est donc pas par obligation que tu y viens ?

Non bien entendu ! En plus la gastronomie ici est extraordinaire, cela aide beaucoup ! (rires) Beaucoup de très belles villes également... Cela vient aussi du public qui est tellement Gallic et extrêmement sympathique.

Et entre l'expérience solo et celle avec Starsailor, laquelle as-tu la plus apprécié ?

(il réfléchit plusieurs secondes) Je crois que je les ai toutes les deux appréciées ! (rires) Mais je crois qu'il est très difficile de retrouver l'enthousiasme et l'excitation de quand un groupe commence à décoller. J'ai l'impression que faire cette tournée en solo en est finalement assez proche : c'est comme démarrer quelque chose de nouveau, pas encore exploré.
On va également faire quelques festivals cet été avec le groupe, mais j'aurai très certainement envie de continuer les dates en solo !

En parlant de ces dates en festivals pour lesquelles Starsailor sera réuni (ndlr : au festival de l'Île de Wight et au V-Festival), je croyais justement que Starsailor prenait actuellement une pause ? Le groupe revient-il donc ?

En réalité on n'est pas en train de planifier une grosse tournée, ni de préparer un nouvel album. Ces quelques dates sont en quelque sorte une chance pour nous de nous retrouver, de voir comment cela se passe sur scène.
Il y a également beaucoup de fans aux alentours de l'île de Wight et du Nord-Ouest du Royaume-Uni où nous allons jouer, qui avaient réellement envie de nous revoir jouer. C'est donc également pour eux que nous le faisons... Pas des millions non plus bien entendu (rires), mais quelques-uns quand même !

On veut avant tout y prendre du plaisir, sans se mettre la pression, plutôt que de faire un come-back tonitruant du genre Wembley Arena...

Il s'agit donc plus d'un test qu'autre chose...

On veut avant tout y prendre du plaisir, sans se mettre la pression, plutôt que de faire un come-back tonitruant du genre Wembley Arena...

Et donc en reprenant un peu les choses dans l'ordre, pourrais-tu expliquer en quelques mots ce qui a poussé Starsailor à se mettre en pause, il y a maintenant cinq ans ?

Je crois qu'on avait juste atteint tous nos objectifs à l'époque, et sorti tout ce dont on était capables. L'enthousiasme avait commencé à s'émousser dans le groupe et du coup j'ai été capable de m'orienter vers une carrière avec un songwriting plus personnel et différent. En continuant, nous n'aurions réussi qu'à devenir has-been, et il aurait été plus difficile de sortir de cette position. Rétrospectivement c'était donc vraiment le bon choix.
Les gens me disent : « qu'est-ce que ça te fait de jouer dans de si petites salles, comparées à celles auxquelles tu étais habitué avec Starsailor ? ». Ce que j'en pense c'est que si Starsailor avaient continué à jouer, ils l'auraient fait dans des salles de plus en plus petites, jusqu'à atteindre celles dans lesquelles je joue actuellement, en solo. Ce qui est carrément plus déprimant ! (rires) Du coup, maintenant c'est vraiment juste moi avec ma guitare, et ça ne me dérange absolument pas.

En réalité il [Johnny Cash] se fichait des ventes d'albums, tant qu'il pouvait apprécier le lever du rideau sur scène et voir des gens présents dans la salle. En un sens, c'est également ma philosophie.

Avec la reprise des concerts avec Starsailor, penses-tu que cela pourrait être un nouveau départ pour le groupe ?

(Il hésite quelques secondes) Je pense que ce sera surtout différent de la façon dont ça fonctionnait auparavant. Le fait d'être parti en solo m'a permis d'écrire entièrement mes titres, de collaborer avec d'autres artistes, et ce sont des choses auxquelles je n'ai pas envie de renoncer. On va voir comment ça se passe, mais je vois mal les choses repartir comme elles l'étaient du temps de Starsailor. A la limite on ré-écrira peut-être un ou deux titres pour voir comment cela se passe...
Je lisais récemment une interview de Johnny Cash, écrite quelques années avant son décès, où on lui demandait comment il prenait le fait que certains de ses albums ne se vendaient pas bien. Il y répondait qu'en réalité il se fichait des ventes d'albums, tant qu'il pouvait apprécier le lever du rideau sur scène et voir des gens présents dans la salle. En un sens, c'est également ma philosophie.