Après avoir subi les restrictions de voyages liées à la pandémie lors de la sortie du brillant Glowing In The Dark début 2021, c’est avides de pouvoir enfin échanger en « personne » avec les quatre Django Django (Dave MacLean, Vincent Neff, Jimmy Dixon et Tommy Grace) que nous évoquons avec eux leur retour tant attendu en France et leur appétit pour les collaborations de luxe, tout en conversant sur le débat universel de la préférence entre les disques et le streaming.
Ravie de vous retrouver pour discuter de votre nouvel album Off Planet à paraître le 16 juin. Nous n'avons pas eu la chance de profiter d'une tournée pour Glowing In The Dark en 2021, alors l'émission ARTE présente Ground Control à laquelle vous avez participé récemment est bien tombée. Est-ce que vous avez apprécié ces drôles de conditions ?
Dave : En effet, les conditions acoustiques étaient un peu difficiles ! Tommy : En fait c'est un des tous premiers concerts que l'on donne depuis 2021 et la tournée que l'on n'a pas pu faire. Ça nous a paru étrange, on ne s'attendait pas à se remettre en selle dans de telles conditions, en plus pour la télévision ! Et on est toujours tendus quand on est filmés...
Off Planet est maintenant votre cinquième album, en dix ans. C'est un bon rythme, non ?
Dave : Oui, c'est ça. Normalement on sort un album tous les deux ans, mais ces dernières années, ça a été particulièrement difficile de concilier travail, promotions, tournées, temps de repos... Mais oui, je trouve que c'est un rythme tout à fait correct et tenable en temps normal. Ça fait tellement du bien de retravailler, on avait oublié ce que ça faisait de bosser normalement !
Avant d'écouter votre nouvel album pour notre rencontre, j'ai perçu dès l'émission d'ARTE comme une ambiance cosmique dans les nouveaux titres, quelque chose de très aérien dans ces nouveaux sons. Et l'écoute de Off Planet, les références à l'ufologie et des titres comme Galaxy Mood ont confirmé mon ressenti. Comment expliquez-vous cet état d'esprit ?
Dave : Principalement parce qu'on a été enfermés à la maison. On a bossé sur des instruments électroniques en priorité, on a tous travaillé dans notre coin... C'est à propos de s'échapper, le truc « cosmique » est venu plus tard, quand Tommy a travaillé sur le design. C'est un euphémisme sur le fait de partir loin de notre quotidien, comme si on décollait vers une autre planète.
Cet album est très riche, comme un melting pot de sonorités, avec beaucoup d'influences. On retrouve à nouveau de nombreuses collaborations, très variées, avec différents styles. Est-ce que Django Django vous appartient toujours ou est-une plutôt comme une expérience musicale collective, expansive à souhait ?
Dave : C'est selon moi les deux. On ne cesse de rencontrer de nouveaux musiciens, qui apportent de nouveaux instruments, de nouvelles dimensions : nous ne sommes pas un groupe qui se focalise sur un son en particulier, ça n'aurait pas de sens.
Comment travaillez-vous ces titres ? Vous les écrivez en pensant à quelqu'un en particulier ou vous les peaufinez et les offrez à ceux qui souhaitent se joindre à l'aventure ? On vous a demandé de participer ?
Dave : Rebecca, alias Self Esteem, avait demandé il y a au moins dix ans ! On nous demande surtout de remixer nos titres pour en faire des titres dance. Tommy : Souvent, sur des titres pas vraiment finalisés, un duo avec un autre artiste nous permet de trouver une fin, d'étoffer la chanson de base et de la diriger vers quelque chose de complètement nouveau.
Lorsque que l'on s'est parlé en 2021 avec Tommy, je lui ai demandé s'il était d'accord avec mon idée que Django Django a son propre son, sa touche reconnaissable entre mille. Aujourd'hui à l'écoute d' Off Planet et son large champ d'influences apporté par d'autres musiciens, est-ce que je peux toujours affirmer une telle chose ?
Dave : Oui tout à fait ! Prends le titre Osaka sur l'album, le breakbeat et la clarinette, ça sonnait diffèrent et c'était un peu étrange, mais quelqu'un m'a dit en l'écoutant que ça sonnait finalement très Django Django. Malgré tout ce qu'on peut faire pour ne pas sonner comme d'habitude ! Jimmy : En fait, quoi que l'on fasse, on retrouve assez naturellement ce lien entre les chansons qui les rendent identifiables.
C'est rassurant après dix ans de carrière d'avoir votre « son »...
Jimmy : Oui tout à fait.
A ce propos, après dix ans, commencez-vous à regarder un peu en arrière, à réfléchir sur ce premier pan de carrière ? Ou bien est-ce trop tôt ?
Dave : Oui, je pense que c'est trop tôt. Je ne regarde jamais en arrière, je pense toujours à ce que l'on va faire après.
Peut-être que les fans vous ramènent en arrière ? Ils vous demandent probablement les singles le plus populaires, les gros hits...
Dave : Non parce qu'on n'a jamais eu de gros hits ! (rires) C'est marrant car il y a un an, quelqu'un m'a montré un article de presse avec un de nos disques présenté comme un album classique. Là, je me suis senti vieux. Pink Floyd ont des classiques, pas nous.
En parlant de devenir un classique ou pas, on constate qu'aujourd'hui la relation à la musique a vraiment évolué. Les plus jeunes consomment via le streaming, écoutent des playlists faites de singles, pas systématiquement liés malgré les algorithmes, et les plus anciens sont encore attachés aux formats physiques, et on appris à aimer la musique en écoutant des albums en entier. Comment vous vous situez dans ce nouveau schéma ?
Dave : Je suis toujours obsédé par le disque, j'ai besoin de le toucher, j'écoute en streaming mais je ne me souviens jamais de ce que je viens d'entendre. Ça s'évapore. Ce n'est pas comme quand tu vas dans un magasin, et que tu trouves un vieux disque bizarre. Tu n'aurais jamais écouté ça sans aller chercher l'objet. Les mômes sont perdus avec le streaming, il n'y a pas de repères...
Votre musique est si moderne, elle parle à ces jeunes qui consomment la musique uniquement via ce bais...
Dave : Oui, et pourtant le disque est essentiel dans la culture de la musique dance. L'artwork est important aussi. Vincent : Ça n'est pas qu'on rejette le streaming, mais tu commences avec quoi ? C'est un flot incessant. Jimmy : Plus jeune, pour découvrir la musique, tu devais la ramener à la maison, et écouter toute la cassette ou le CD, et parfois te forcer à aimer, parce que tu n'en avais pas d'autres avant plusieurs semaines ! (rires) Tu devais rentrer dedans pour déterminer si ça te plaisait ou pas, on ne pouvait pas zapper comme on le fait aujourd'hui. Dave : Tout le monde ne fait que zapper aujourd'hui, que ce soit pour la musique ou les films... Je reste dix minutes devant un film et je me sens obligé de zapper, je n'ai plus de patience. (rires)
Ça me semble pourtant essentiel de transmettre la musique, les premiers disques que l'on a écoutés étaient ceux de nos parents. Vous faites comment avec vos enfants ?
Jimmy : Mes enfants adorent choisir des disques dans ma collection. Ils ne savent absolument pas ce que c'est, ils se laissent guider par les pochettes surtout mais ils aiment découvrir en choisissant au hasard. Et bien sûr ils créent aussi des playlists ! Ils sont aussi dissipés, on parlait de ne pas se concentrer sur un film mais aujourd'hui tu écoutes de la musique en regardant un film, en vérifiant tes mails... c'est impossible de rester concentré.
Revenons au disque et à comment vous allez l'interpréter en live. J'imagine bien que tous les musiciens qui y ont participé ne seront pas libres pour venir chanter avec vous...
Tommy : Oui, ce sera difficile, on n'a pas l'argent comme Gorillaz pour faire venir tout le monde ! (rires) En fait je ne sais pas, on ne compose pas les chansons en studios en pensant à comment on va les jouer live. Dave : On a souvent ce problème, on se rend compte une fois en live que les titres sont difficiles à transposer... Vincent : On a donné un concert hier à Radio Nova pour se chauffer, on ne formate jamais nos titres, on les adapte et on aime en donner de nouvelles versions. Je fais souvent de covers sur Instagram, ça permet d'exploiter de nombreuses possibilités.
Vous répétez longuement avant de partir en tournée ?
Vincent : Oui, je crois que c'est ce qui nous prend le plus de temps en fait ! Tommy : Justement parce que les titres sont écrits sans se demander comment ils sonneront sur scène. Vincent : D'ailleurs on va pouvoir enfin jouer les titres de Glowing In The Dark, car on n'a jamais pu les expérimenter sur scène à cause du COVID-19.
Et le public français, vous en pensez quoi ?
Vincent : En fait cela fait cinq ans que nous n'avons pas joué en France maintenant, j'espère que les fans se souviennent de nous ! (rires)