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Arctic Monkeys
Miles Kane

Paris, Casino de Paris - 31 janvier 2012

Live-report par Julien Soullière

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Comme souvent, le trottoir peine à se faire assez grand pour accueillir la cohorte d’impatients qui se presse aux abords de la salle, et pas un instant ne passe sans qu’un engin, motorisé ou non, ne semble en passe de commettre l’irréparable, fauchant dans la plus grande des confusions les membres de pauvres malheureux.
L’effet d’optique est total, car au demeurant, il n’y a pas tant de monde que cela entre les portes du Casino de Paris et ma petite personne. A peine arrivé, déjà entré. Les poches pleines de programmes et flyers en tout genre, certes. A vingt-six ans, je ne sais toujours pas dire non.

L’agent de sécurité ne me salue pas, regarde autour de lui sans véritablement prendre le temps de fixer quoique ce soit, plonge ses yeux et l’une de ses grosses mains dans le sac à dos que je lui tends. Avec l’autre, il tâte la chose de l’extérieur, en bas, sur les côtés, en bas à nouveau. Tout bien tâté, il ne dénote rien de suspicieux, en conséquence de quoi il m’autorise à continuer mon chemin. « Bon concert, m'sieur », qu’il me dit.
Miles Kane vient de lancer les hostilités, le manque d’insonorisation ne trompe pas. Je presse donc le pas, mais pris dans un bel élan, j’en oublie l’espace d’un instant le fameux sésame qui me permettra de passer avec succès l’épreuve des douchettes.
Arrivé à hauteur de l'éphémère boutique, je prends conscience de ma trop grande précipitation, et fais alors demi-tour, direction le guichet de retrait des places. Mais alors que je ne suis qu’à deux mètres de ce dernier, un cordeau de sécurité se dresse sur mon chemin, me séparant inexorablement de ma cible. Je m’apprête à enjamber la chose, mais voilà que le vigile planté à ma gauche balaie cette option du champ des possibles d’un bref mais ténébreux regard. J’abdique bien volontiers face à la menace, et fais le tour par l’extérieur pour enfin récupérer mon invitation. Le cordeau toujours en place, et ne pouvant être enjambé dans ce sens non plus, il me faut sortir à nouveau pour ré-entrer en un autre point. A nouveau, je tends mon sac.

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A l’intérieur de la salle, difficile de se repérer, tant la luminosité est faible. Normal, dira-t-on, ce genre d’évènements se déroulant rarement toutes lumières dehors. J’avance, j’essaie, je fais au mieux.
Je tourne enfin mon regard vers la scène. Affublé d’un chemisier léopard d’un goût plutôt douteux, et d’un slim en cuir noir évoquant volontiers la matière plastique, Miles Kane joue de son bas du ventre au moins autant qu’il prend la pose, face à un public que l’on croirait essentiellement constitué de demoiselles si on ne s’en tenait qu’aux cris aigus qui émanent de la fosse. Pour sûr, le côté Liam Gallagher, ça peut agacer les grincheux, mais ça a aussi l’avantage non négligeable de dynamiser un set. Rien de pire qu’un chanteur statique, laissant orpheline la musique énergique et sauvage que crachent les enceintes d’une salle de concert.
L’ami Miles est fort heureusement d’une toute autre trempe, se dépensant sans compter, jonglant entre les mimiques du parfait guitar hero et de rapides va-et-vient le long de la scène. En forme, visiblement heureux d’être avec nous ce soir (le bougre n’aura cesse de répéter à qui veut l’entendre qu’il est ravi de revenir aux affaires à Paris), notre anglais s’impose sans conteste comme une parfaite mise en bouche, s’offrant même le luxe d’étonner quelques unes de plus mes jolies voisines. « C’est fou comme il a gagné en assurance », siffle l’une d’elle.
De Come Closer à l’inédit The First Of My Kind, les têtes bien faites des premiers rangs auront bougé. Un bon signe pour la suite, et la preuve de l’énorme capital sympathie de l’ancien chef de file des Rascals.

C’est l’heure de l’entracte. Les techniciens viennent à peine de ramener les lumières à la vie que les vagues humaines sont déjà en marche, prêtes à me passer sur le corps pour la promesse d’une cigarette ou d’un verre de bière fraiche coupée à l’eau. Trop peu agile pour me mettre sur le bas côté, je me laisse emporter par les flots. Parfois, il est bon de lâcher prise.
L’attente ne fût pas bien longue, ou tout du moins, je ne l’ai pas ressentie comme telle. C’est sur un fond sonore assez discret (si la luminosité n’avait pas un tant soit peu baissé, j’aurai volontiers cru à un nouveau morceau destiné à combler l’attente) qu’Alex Turner et sa bande déboulent sur les planches, évoluant nonchalamment entre les hautes colonnes de spots installées pour l’occasion; des colonnes rappelant volontiers de squelettiques palmiers, comme pour faire écho à tous ces autres éléments, la banane d'Alex Turner et sa veste en cuir notamment, évoquant le grand Ouest américain vers lequel les Arctic Monkeys ont la tête tournée depuis maintenant deux albums.

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Ayant rejoint leurs instruments respectifs, les singes dégainent un « hello » à destination du public, et presque aussitôt, le fameux Don’t Sit Down 'Cause I Moved Your Chair, l’un des temps fort de leur dernier disque en date. Le temps passe, je réfléchis, un peu. Le problème, et je n’apprends rien à personne en disant cela, c’est que les Arctic Monkeys n’ont absolument aucun jeu de scène. Nothing, nada, nenio. Et ça, ça fait des années que ça dure, et ça ne concerne pas que leur bassiste (Nick O’Malley, pilier devant l’Eternel), et ça n’aide évidemment pas à faire passer cette satanée pilule de l’inconstance, oh que non.
A bien y regarder, et si on veut être parfaitement honnête, ce sont majoritairement avec leurs anciens titres que les anglais embrasent la foule ce soir. Brianstorm (même si dans ce cas précis, la sonorisation n’aura pas été à la hauteur), I Bet You Look Good On The Dancefloor, Fluorescent Adolescent, Teddy Picker... les premières livraisons du groupe ont clairement les faveurs du public parisien, aucun doute là-dessus.
Comprenons-nous bien : ce que j’essaie de dire ici, ce n’est pas que les Arctic Monkeys ne sont plus capables d’écrire de bonnes chansons depuis la sortie de Favourite Worst Nightmare, mais simplement que leurs plus récentes créations n’apparaissent pas comme taillées sur mesure pour le live.

L’odeur de la déception, je la sens malgré mon rhume. Ceci étant, entre ceux qui se sont fait une raison, ceux qui savent ne garder que les bons côtés, ceux qui ont été invités, et ceux qui ont dévalisé le bar et la supérette du coin avant lui, on en arrive à ressentir une certaine bonne humeur. Têtes qui dodelinent, mains qui se lèvent, corps qui s’entrechoquent dans la fosse, les éléments de base sont bien là, et cela fera l’affaire cette-fois-ci. Jusqu'à la prochaine, si prochaine il y a !
setlist
    MILES KANE
    Better Left Invisible
    Counting Down The Days
    Rearrange
    The Responsible
    Kingcrawler
    Telepathy
    My Fantasy
    The First Of My Kind
    Come Closer
    Inhaler

    ARCTIC MONKEYS
    Don't Sit Down 'Cause I've Moved Your Chair
    Teddy Picker
    Crying Lightning
    The Hellcat Spangled Shalalala
    Black Treacle
    Brianstorm
    The View From The Afternoon
    I Bet You Look Good On The Dancefloor
    Library Pictures
    Evil Twin
    Brick By Brick
    This House Is A Circus
    Still Take You Home
    Pretty Visitors
    She's Thunderstorms
    Do Me A Favour
    When The Sun Goes Down
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    Suck It And See
    Fluorescent Adolescent
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