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William Doyle

Paris, Divan Du Monde - 9 décembre 2015

Live-report par Pierre-Arnaud Jonard

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Pour cette nouvelle soirée du Winter Camp Festival, l'assistance était malheureusement clairsemée au Divan du Monde.

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Dommage surtout pour Faroe, très bon groupe français emmené par l'angevin Corentin Ollivier qui ouvre les hostilités. Celui-ci a déjà deux groupes à son actif, Samba de la Muerte et Concrete Knive dans un registre plus rock. Faroe, son tout nouveau projet, n'a sorti jusqu'à présent qu'un morceau, Blast, à paraître sur leur premier EP Words prévu pour Janvier. Pour son septième concert seulement, le groupe fait preuve d'une grande maturité. Au Divan du Monde, les morceaux s'enchainent avec facilité. Le son des claviers donne une atmosphère assez pop planante, en particulier sur les instrumentaux. Parfois un côté un peu électro se dégage du groupe mais une électro toujours douce et suave. Le groupe termine son set par Blast, morceau qui par son beat répétitif et lancinant possède un côté tribal africain. Une programmation qui semblait cohérente car Faroe pourrait bien être un petit cousin français de East India Youth. En somme, un groupe prometteur que l'on aura plaisir à revoir sur scène.

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East India Youth fait ensuite monter les décibels. L'instrumental The Juddering débute dans un vacarme assourdissant. Le morceau invite à la contemplation, sorte de 2001 l'Odysée de l'Espace, ce qui n'étonne guère de la part du bonhomme qui a écrit une musique imaginaire autour de Vingt Mille Lieues Sous Les Mers de Jules Verne. Trip Away, qui suit, est dans la grande tradition de la pop anglaise léchée. Incontestablement, le jeune homme a écouté Divine Comedy dans sa jeunesse. Trip Away est un morceau délicieux mais ce qui est intéressant avec Wiliam Doyle, c'est qu'il ne se contente pas de délivrer une classique pop-song, il introduit dans le morceau des claviers étranges et des parties de guitare surpuissantes.
Looking For Someone emprunte ce même chemin. Si sur disque, le morceau est une pop-song on ne peut plus classique, William Doyle en fait sur scène un morceau quasi expérimental. Des synthés étranges, une guitare distordue et le titre prend une toute autre dimension, finissant dans un style proche du Bowie époque Low. Durant tout le concert, William Doyle va retravailler ainsi ses morceaux pour en donner des versions parfois très éloignées de celles du disque. Là où tant de groupes se contentent de reproduire sur scène leurs disques tels quels, East India Youth se lance quasiment dans l'expérimentation. D'autant plus remarquable qu'il est seul sur scène, jouant tour à tour claviers et guitares.
Don't Look Backwards poursuit agréablement dans cette veine de pop ambitieuse et un peu maniérée. Sur ce titre, les nappes de synthés enveloppent le morceau d'un subtil écrin. Les synthés toujours, avec Heaven How Long, évoquant encore une fois le Bowie de Low ou les œuvres de Brian Eno. Ce morceau est peut être l'un des plus beaux de East India Youth, avec sa mélodie à la fois simple et ambitieuse qui en font toute la beauté. Hearts That Never montre que l'influence techno revient chez de nombreux groupes et même chez East India Youth, plutôt porté vers la pop. Les synthés sur ce morceau renouent avec l'esprit des raves du début des années 90. Un tourbillon sonore, une longue montée comme dans tous les bons morceaux techno, un beat lancinant et répétif, tout y est. Près de dix minutes hypnotiques pour un final en apothéose.

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Willis Earl Beal, la tête d'affiche américaine de ce soir-là arrive dans la salle deux minutes avant de monter sur scène ! Comme me le glissait Corentin Ollivier de Faroe, Willis Earl Beal ressemble à un personnage de film de Tarantino. Il représente l'archétype de la personne pour laquelle l'expression « Bigger Than life » a été inventée. Avec son bandeau de corsaire, sa bouteille à la main, ses jurons à tout bout de champ, Beal pourrait n'être qu'un poseur mais le type est extrêmement talentueux. Aujourd'hui, qui serait capable d'occuper comme lui l'espace scénique, sans groupe et sans même le moindre instrument ? Juste par sa voix et sa présence magnétique, il occupe tout l'espace et le fait que la musique soit préenregistrée sur bandes n'a plus aucune importance.
L'Américain a souvent été comparé à Tom Waits, qu'il adore, mais sa voix de velours évoque plutôt les grands noms de la soul comme Otis Redding. Ses chansons ponctuées de « Oh Baby why did you leave me » renouent d'ailleurs avec l'esprit de la soul. Qu'il chante ses propres morceaux ou reprenne Bob Dylan, Willis Earl Beal fascine. Un artiste capable de rivaliser avec les plus grandes voix de crooner de l'histoire et possédant un tel charisme, cela ne court pas les rues.