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Morrissey

Londres, Eventim Apollo - 19 mars 2023

Live-report par Laetitia Mavrel

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La boucle est bouclée. Du moins, pour ce deuxième pan de tournée providentielle tant Morrissey sait surgir là où on ne s'y attend pas. S'adaptant aux remous d'une carrière tiraillée entre conflits ouverts avec labels, managements et autres médias, Morrissey s'invite au gré du vent, où l'on veut bien de lui. Privé de sortie d'album, alors que se dissipent les volutes du mort-né Bonfire Of Teenagers, le nouveau projet Without Music The World Dies, tout juste enregistré en ce début d'année dans le sud de la France, risque de subir le même sort que son ainé si les planètes ne s'alignent pas en faveur du mancunien.

Ainsi, dans ce contexte des plus mouvementés, la mini tournée française de Morrissey était une occasion à saisir sans hésiter. Notre rédaction vous ayant déjà fait part de la première soirée parisienne à la salle Pleyel le mercredi 8 mars, et votre chroniqueuse aimant les challenges tout autant que traverser la Manche pour faire le plein de pots de Marmite, elle s'est donc rendue pour la dernière date à Londres, cinq mois après une apparition à la Brixton Academy, afin de confirmer si le Moz continue de résister aux diverses tempêtes qui semblent s'abattre continuellement sur sa légendaire houppette.

La capitale anglaise accueille Morrissey pour cette septième et dernière date du mois de mars à l'Eventim Apollo, célèbre théâtre des années 30 niché dans le quartier d'Hammersmith, Mecque des comédies musicales et autres spectacles grand public. À la suite des dates automnales qui affichaient complètes et que Sound Of Violence vous a narré en octobre dernier, Morrissey revient devant un public de 5000 personnes qui confirme ainsi sa loyauté dans son pays d'origine. Les choix de la salle Pleyel à Paris, des amphithéâtres et palais des congrès à Lyon et Strasbourg ont donné à ces premières dates un cachet plutôt intime face à la vastitude de l'Eventim Apollo où la ferveur des fans a pu pleinement s'exprimer. La fosse pleine à craquer ne s'est à aucun moment détendue tant les vagues ont déferlé de plus en plus brutalement vers le pied de la scène d’où Morrissey n'a cessé malicieusement de se percher dans une attitude nonchalante et un brin provocatrice.

Avec en introduction les scopitones mêlant les idoles de toujours et ce soir, des images d'Anne Sexton récitant son poème I Wanted To Die, le concert débute sur Our Frank, avec un Morrissey en veste noire et jeans évasé, arborant un tee-shirt à l'effigie d'une de ses chanteuses fétiches, Cilla Black. Faire face à « son » public rend ce dernier particulièrement fier et bavard, le concert débutant sur un message à toutes les mamans (ce 19 mars étant la fête des mères au Royaume-Uni) puis les chansons se voyant régulièrement entrecoupées de petites touches d'humeur s'agissant des médias qui le dépeignent comme « un artiste difficile », des labels qui continuent de le fuir et des politiciens anglais qui incitent le peuple à se taire malgré "un retour de la démocratie et de la liberté de parole dans le pays". Il est ici délicat d'interpréter justement les propos de Morrissey tant ce dernier maîtrise parfaitement le sens de l'ironie. Néanmoins, la foule embrasse littéralement ses dires et c'est devant un parterre soumis que le concert déroule sa setlist garnie de tubes des Smiths et de Morrissey en solo.

Strangeways, Here We Come, quatrième et dernier album des Smiths jamais joué sur scène est mis à l'honneur avec Stop Me If You Think You've Heard This One Before et le pinçant Girlfriend In A Coma qui avait déjà à son époque semé le trouble dans les esprits. Les classiques de Morrissey sont à nouveau au rendez-vous avec Irish Blood, English Heart, Everyday Is Like Sunday et Suedehead, entrecoupés de choix audacieux et plus rares ces dernières années comme I Wish You Lonely, Istanbul, I'm Throwing My Arms Around Paris et deux très bons titres issus de Maldajusted que sont Alma Matters et Troubles Love Me.
Morrissey rappelle à nouveau la mise en boîte de son nouveau disque qui attend patiemment les mécènes prêts à investir (avis à ceux qui souhaitent casser leur PEL, vous trouverez toutes les informations sur le site officiel) et présente le titre éponyme Without Music The World Dies et le très entrainant The Night Pop Dropped, offrant au passage une dernière chance à Sure Enough, The Telephone Rings, dernier rescapé du bref tracklisting de Bonefire Of Teenagers. On notera que Morrissey sait s'adapter à la culture des pays où il joue, et propose ainsi de trouver sa musique dans les supermarchés locaux comme dans le paquet de corn-flakes à l'Intermarché, ainsi cité en France.

L'humour (noir) est toujours présent, mais aussi et surtout la voix qui n'a pas failli sous les assauts des variations de températures, des déluges parisiens et strasbourgeois de la semaine passée et du tour de chant exigeant qui entraîne la voix du chanteur dans différents registres passant de la douceur de Half A Person à la fureur de Sweet And Tender Hooligan, magistralement interprétés. Toutes les chansons sont hissées à leur niveau le plus élevé, et la pression ressentie très fortement dans la fosse, voyant les plus coriaces céder pour se voir rétrogradés en fond de salle, excite littéralement Morrissey qui joue avec cette passion dévorante et souvent excessive que lui porte un grand nombre de ses fans. A la différence du public français en majorité masculin et dans sa fringante cinquantaine, l'Angleterre semble renouveler activement ses cohortes d'admirateurs, rendant la communion d'autant plus impressionnante à observer et fascinante à y prendre part.

Avec 1h30 de concert intensif, un sacré défilé de tubes et une cadence éreintante qui ne décélère jamais, il est indéniable pour quiconque aura pris part à l'une de ses petites messes que le Morrissey cuvée 2023 est un millésime de haute tenue. La suite, qu'on espère concrétisée à nouveau sur album, est donc très fortement attendue.
setlist
    Our Frank
    Alma Matters
    Stop Me If You Think You've Heard This One Before (The Smiths cover)
    Irish Blood, English Heart
    I Wish You Lonely
    Jim Jim Falls
    I'm Throwing My Arms Around Paris
    Sure Enough, the Telephone Rings
    Istanbul
    Girlfriend In A Coma (The Smiths cover)
    Everyday Is Like Sunday
    Knockabout World
    The Loop
    The Night Pop Dropped
    Without Music The World Dies
    Half A Person (The Smiths cover)
    Trouble Loves Me
    Suedehead
    Jack The Ripper
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    Sweet And Tender Hooligan (The Smiths cover)
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