Grâce à une petite poignée de cinglants singles sortis dans le monde d'avant, ces années où le mot Corona ne nous évoquait au mieux qu'un sympathique groupe d'Eurodance et au pire une bière mexicaine bon marché bien connue des étudiants Erasmus et des Présidents Corréziens, Do Nothing s'étaient alors imposés, presque sans rien faire, comme un des grands espoirs de la scène néo-post-punk anglaise. De
Handshakes à
Lebron James, leur démarrage sans faute classait directement le groupe de Nottingham dans le haut du panier. On avait même trouvé par avance notre accroche pour la chronique de leur premier album : « Nottingham Furiest ».
Doit-on incriminer le COVID-19, une procrastination de type professionnelle ou simplement une farouche volonté d'indépendance leur permettant de s'inscrire dans un temps long ? Difficile à dire mais près de quatre années plus tard, la discographie du groupe ne compte guère plus que deux petits EPs. Entre temps, on a vu débouler une telle quantité de groupes et d'albums post-punk d'une ébouriffante qualité, qu'on avait presque fini par oublier Do Nothing, les reléguant sans aucun scrupule dans le bac « espoirs d'un soir, oubliés au petit matin » comme de vulgaires Chappaqua Wrestling.
Pourtant on ne le sait que trop, il ne faut jamais dire fontaines (qu'elles soient d'ici ou d'ailleurs), je ne boirai pas de ton eau. Avec un album prévu dans l'année et une tournée européenne qui les voit s'arrêter à Paris pour la toute première fois, il y a fort à parier que 2023 sera « The Year Do Nothing Broke ». Malgré une scène foisonnante aussi saturée que la Place de Clichy un mardi matin à 8h30 et où la compétition fait rage, le quatuor des Midlands (qui se fait quintet en concert) dispose de sérieux avantages concurrentiels pour s'imposer dans la jungle post-punk : un blase emprunté à un titre de The Specials, une identité graphique arty et efficace, un sens accru de la mélodie pop autant que du groove saccadé, leur propre label Exact Truth, des musiciens aguerris et complices et un chanteur à la gueule d'ange. Do Nothing vont-ils continuer à végéter, exploitant au compte goute leur indéniable talent, ou vont-ils enfin passer la vitesse supérieure pour s'installer à la table de groupes comme Yard Act ou The Murder Capital ? La réponse a été vite répondue. En cinquante petites minutes d'un set impeccable, les anglais ont confirmé, à notre plus grande joie, que la fusée Do Nothing était enfin définitivement lancée.

Bien que le Popup du Label affiche complet, les groupies de Do Nothing restent encore discrètes. Ainsi le groupe peut s'installer tranquillement à la terrasse de l'établissement et s'enquiller quelques pintes au milieu des autres clients dans le plus grand anonymat pendant que les français de Balm chauffent la salle. On s'étonne presque de les voir à 21h30 passées encore attablés dehors à trinquer l'air goguenard et il faudra l'intervention de leur manager pour leur rappeler qu'ils avaient un concert à assurer ce soir.
Dilettantes à la ville mais précis et en place comme des pros à la scène, la troupe menée par Chris Bailey, au look mi-dandy, mi-trader de la City, ne bégaie pas sa musique. On sera d'ailleurs impressionné tout au long de la soirée par la maîtrise technique du groupe qui n'hésite pas à improviser et à adapter les morceaux. Si Do Nothing n'ont pas été très productifs jusqu'ici, on imagine que les heures passées en jam sessions par ces amis d'enfance ont dû être nombreuses, tant la machine tourne bien. Le concert débute en douceur avec
Uber Alles dont la longue introduction permet au groupe de s'échauffer avant d'inscrire un premier panier à trois points avec
Lebron James et sa ligne de basse imparable et son spoken word typique du genre. Si c'est dans cette veine que Do Nothing ont signé leurs plus belles réussites, leur premier album s'annonce plus mélodique et pop. Outre
Happy Feet, premier single sorti le mois dernier, le groupe nous gratifiera de trois titres inédits,
Ameoba, Snake Sideways et le très « Morrisseyen »
Nerve.
Avec seulement douze morceaux et aucun rappel, le seul bémol du show, qui ne connaîtra aucun temps faible, sera sa trop courte durée. Si la prestation de Do Nothing nous aura pleinement convaincus, elle fera également naître une légère frustration car comme nous, tout le public en aurait bien repris pour au moins vingt minutes de plus. Parmi les plus belles réussites de la soirée on retiendra une version toute en tension et en crescendo de
New Life, ainsi que les deux derniers titres,
Handshakes, qui sera repris en cœur par la salle, et
Gangs, encore plus explosif que sur disque.
Ce concert nous rappellera que certains arrivent encore à tenir leurs promesses et à mettre le feu au douzième arrondissement de Paris pour le plus grand bonheur de tous et sans l'aide de quelconque article 49.3. Après avoir lu leur programme, c'est décidé, en 2023, nous voterons Do Nothing.