Comme chaque vendredi 13, Mike fait son retour. Cette fois il ne s'appelle pas Myers mais Skinner, plus connu sous l'allias The Streets ou encore l'auteur de
Original Pirate Material, indépassable sommet du rap UK et bande son de notre jeunesse.
Si vingt-trois ans après sa sortie et malgré 123 456 écoutes, les premières mesures de
Turn The Page nous font toujours autant d'effet, on sait bien qu'après cinq LP entre 2002 et 2011, une longue pose de presque dix ans, quelques tournées Best Of et un récent album aussi sympathique qu'anecdotique, la flamme de The Streets ne brûle plus qu'à demi-feu. On pourrait alors s'engager dans une réflexion douce-amère traitant de l'usure du temps et la création artistique ou se lancer dans une analyse fouillée de l'influence de The Streets sur la musique urbaine britannique de début de siècle. Mais on est vendredi soir, il fait 33 degrés à Paris, et franchement, on préfère enfiler un short et notre t-shirt Cypress Hill XXL, débrancher notre cerveau et cavaler au Bataclan en s'enfilant quelques bières tièdes. « Original Pirate Material, you're listening to the Streets ». Jump ! Jump ! Jump !

On aurait bien aimé vous parler de la première partie assurée par le rappeur français Shaga, mais une table ombragée en terrasse du café à côté du Bataclan nous a fait de l'œil. À notre âge, il est indispensable de s'hydrater toutes les deux heures en cas de fortes chaleurs. Une précaution visiblement partagée. Si la salle n'affiche pas complet ce soir, le bar lui est pris d'assaut. On se poste juste derrière la régie, pile au centre, pour une visibilité optimale. On s'attendait à une salle remplie de quadras et quinquas, mais on est agréablement surpris. Le public est bien plus hétéroclite, de vingt à cinquante ans. La preuve que The Streets parle encore à toutes les générations.
Armé d'un groupe solide (guitare, basse, batterie, clavier, backeur), Mike Skinner entame son set par l'incontournable
Turn The Page (comme en 2003, 2004, 2008, 2019 et 2023) avant d'enchainer par la banger grime
Who's Got the Bag afin d'électriser d'entrée le public. Si cette entame alternant émotion et explosion aurait pu s'avérer imparable, la sauce ne prend pas vraiment, Mike Skinner débitant mollement ses punchlines. Première date de la mini-tournée européenne, conditions climatiques, poids des ans, on ne sait qui blâmer. Les cinq ou six titres suivants, pourtant tous des classiques, subiront le même traitement, l'anglais semblant se reposer essentiellement sur son groupe, voire sur son backeur, dont les parties sont bien plus tranchantes. On réalise soudain qu'on est peut-être tout simplement trop loin et qu'un concert de The Streets se vit pleinement dans la fosse. On se faufile alors et sans trop de mal on arrive dans les tous premiers rangs. Bonne idée, un second concert commence alors.

On avait oublié que, contrairement à sa discographie (un départ en fanfare suivie d'une nette baisse de régime), sur scène Mike Skinner est plutôt un diesel. Il fallait juste lui laisser le temps de retrouver ses marques et de se chauffer en même temps que le public. Même s'il n'a plus ses jambes de vingt ans, le rappeur multiplie les interactions avec le public, donne quelques conseils afin que les filles dans la fosse puissent slamer et pogoter en toute sécurité aux sons de
Too Much Yayo et
Fit but You Know It avant de se jeter lui-même dans le public. Alors que la température ressentie avoisine les cinquante degrés et les 100% d'humidité, il clôturera le concert avec l'émouvant
Blinded By The Lights repris en chœur par la foule et
Take Me As I Am, en forme de message lucide.
On a connu The Streets plus fringant et plus cinglant, mais Mike et son groupe nous ont offert un concert généreux composée d'une setlist de 22 titres. Certes ce n'était pas le concert de l'année, mais cette jolie petite madeleine aura suffi à combler notre appétit du soir. On n'était pas venus chercher la perfection, juste passer une bonne soirée à rallumer quelques souvenirs. Pari largement tenu !