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Marianne Faithfull

Paris, Théâtre du Châtelet - 22 mars 2011

Live-report par Olivier Kalousdian

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« Là, tout n'est qu'ordre et beauté, luxe, calme et volupté.
Des meubles luisants, polis par les ans, décoreraient notre chambre ;
Les plus rares fleurs mêlant leurs odeurs aux vagues senteurs de l'ambre,
Les riches plafonds, les miroirs profonds… »

Citer Charles Baudelaire est, peut-être, un brin présomptueux mais tellement en accord avec la soirée qu’offrait le magnifique théâtre du Châtelet, en invitant l’égérie des sixties sur sa scène plus que centenaire deux soirs de suite.

Égérie, Héroïne, Hélène d’un jeu à trois mêlant de 1965 au début 70 Mick Jagger et Brian Jones dont la compagne, Annita Pallenberg l’initiera à des jeux dangereux et stupéfiants, Marianne Faithfull a tout connu, les plus grandes histoires du rock comme les plus sordides. Sa carrière lancée grâce au titre composé spécialement pour elle par Mick Jagger et Keith Richards, As Tears Go By elle fut actrice, comme elle aime à le rappeler ce soir à bientôt soixante-cinq ans, de la liberté sauvage et sans craintes des sixties jusqu’au violent retour à la réalité des années 70s et les cadavres amis laissés sur la route, une seringue dans le bras...
Rescapée de l’héroïne et autres drogues dures qui lui auront fait rater nombre d’opportunités, notamment avec Roman Polanski, on oublie souvent que Marianne fut aussi une des actrices fétiches de la nouvelle vague française, de Serge Gainsbourg à Jean Luc Godard.
Ne nous y trompons pas, c’est donc bien une légende vivante que nous avons la chance d’entendre chanter ce soir sous les ors du Châtelet et, à ce titre et à bien d’autres, citer Les Fleurs du Mal en ouverture semble alors tout à fait justifié.

 

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Bien sûr, à son age et son passé plus que respectables, même si souvent contrôlés par les addictions, le concert d’une des divas du rock originel lorgne plus du côté du récital de grande qualité que de la performance scénique rock pure et dure ! L’orchestre, appelons le ainsi, est pour une fois composé de deux guitaristes de renom, dont Wayne Kramer, ex-MC5 venu spécialement des Etats-Unis, d’un bassiste non moins connu, d’un batteur de grand talent et d’une jeune femme orchestre, officiant en tant que maître de musique, flûtiste, pianiste et accordéoniste, qui a pris en main les arrangements et orchestration du répertoire de Marianne Faithfull.
Comme toutes les stars ayant dépassé les frontières de son pays et du temps, elle sait que nous attendons tous ses standards mythiques et, pour la peine, nous offre ses titres les plus récents pour démarrer. Un prompteur reprenant les paroles de ces titres se tient devant elle en cas de trou de mémoire... ce qui n’arrivera pas ou que nous ne remarquerons pas.
Why Did We Have To Part, écrit par Laurent Voulzy, ou There Is A Ghost que lui a offert Nick Cave, défilent au cours d’un spectacle aussi solennel que peut l’être la salle du Châtelet et son velours rouge recouvrant ses fauteuils ou ses dorures sous le lustre en cristal monumental suspendu au plafond. Les titres s’écoulent au fil du concert, aussi délicieusement qu’une rivière venue des montagnes irrigue une plaine du Pô sous le soleil d’été.

 

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Stressée ? Elle vit pourtant à Paris depuis huit ans. Fatiguée ? Elle enchante pourtant la salle par ses traits d’humour et ses anecdotes à la source du rock. Ou tout simplement usée par une vie qui a failli maintes fois se terminer prématurément entre deux cures de désintoxication ? Toujours est-il qu’il lui faudra atteindre Broken English et Working Class Hero, après une sortie de scène très brève pour s’exprimer pleinement et laisser sa voix rocailleuse, qu’on dit avoir été modifiée par le substances, nous emporter sur les routes d’une Angleterre d’une autre époque. Dans cette époque ou dans la nôtre, ce sont toujours les plus grands qui composent pour Marianne ; Beck, Tom Waits ou Nick Drake.
Après deux rappels, une standing ovation et une Ballad Of Lucy Jordan dont l’assistance féminine se délecte en repensant non sans malice au combat des femmes constamment défendu par Marianne, le récital se termine sur un morceau de Tom Waits et a capella s’il vous plait !

En communion parfaite avec son public, acquis à sa cause il est vrai, Marianne n’est plus la fiancée du pirate qu’elle fut aux bras de Keith, Mick ou David mais reste la dépositaire si talentueuse et aujourd’hui quasi-unique d’une époque révolue où Dany lançait des pavés, Jimmy des guitares, Syd des acides et dont on a admiré les derniers feux briller, peut-être pour la dernière fois...
setlist
    Horses And High Heels
    Why Did We Have To Part
    Back In Baby's Arms
    The Stations
    There Is A Ghost
    The Crane Wife 3 (The Decemberists cover)
    Prussian Blue
    Like Being Born
    Goin' Back
    Sing Me Back Home (Merle Haggard cover)
    Band Introduction
    Sister Morphine
    Broken English
    As Tears Go By
    Working Class Hero (John Lennon cover)
    No Reason
    Incarceration Of A Flower Child
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    The Ballad Of Lucy Jordan (Shel Silverstein cover)
    Strange Weather (Tom Waits cover)
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    Love Is Teasing
photos du concert
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